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​19 ans après, doit-on remettre en cause la version officielle sur la mort du Président Taki ?

Dernier Président élu de la République Islamique des Comores, Mohamed Taki Abdoulkarim est mort dans la nuit du 5 au 6 novembre 1998. Ce fut un jour tristement mémorable pour les comoriens mais aussi pour la famille. C’est parce que nous avons perdu avant tout un Président des Comores avant de perdre un père, un oncle de famille… dans des circonstances jusque-là étrange que nous exigeons la vérité. Oui la vérité sur sa mort. C’est un devoir de mémoire national qu’on s’est donné depuis 2011. 

Derrière son bilan critique et mitigé de 2 ans et demi en qualité de Chef suprême de la Nation, M. Taki reste dans les annales des chefs d’Etats africains partis mystérieusement.

A la suite d’une visite dite « officielle » en Turquie, en passant par l’Espagne dans le cadre d’une visite privée et en transit aux Emirats-unis, M. Taki est rentré à Moroni très affaibli, selon plusieurs témoignages présents à l’aéroport dans l’après-midi du Jeudi 5 novembre 1998. Malgré cette incertitude constatée sur sa santé dès son arrivée aucune visite médicale n’a été effectuée par son médecin principal.
Bizarrement, aux environs de 21h exactement pendant qu’il se batte entre la vie et la mort dans son lit conjugal, quelques franco-comoriens vivant à Paris dont certains sont identifiés ont effectués des appels téléphoniques pour se renseigner auprès de leur famille aux sur une probable mort du Président Taki. Il rendra son âme 5 heures de temps après dans les environs de 1h à 2 h du matin.

D’après un témoin qui s’est rendu sur les lieux quelques minutes après , deux personnes se trouvaient sur place, sa femme de Salimani Itsandra et un médecin qui n’est pas son principal. C’est ce dernier qui a constaté officiellement sa mort.

Après ce constat fait sur sa mort, une décision a toute suite été prise : transférer le corps du défunt dans sa ville natale avant le coucher du soleil et sans aucune autopsie.

Ce fut l’ambulance de l’hôpital militaire qui a été recommandé de transporter le corps. Chose dite, chose faite. Aux environs de 5h à 6h du matin du vendredi 6 novembre le corps du Président de la République s’est retrouvé à Mbeni sans aucun protocole d’Etat appliqué en cas de mort subite d’un Chef d’ Etat.

Sur place, à Mbeni, plusieurs personnes, parmi eux des médecins, témoignent aujourd’hui avoir proposé une autopsie, ne serait-ce qu’un prélèvement de sang ou de salive avant d’effectuer les obligations islamiques mortuaires. Demandes refusées par des membres de la famille dont la raison avancée et injustifiée est la crainte d’une « menace extérieure ». 
Pendant ce moment à Beit-salam la guerre intérimaire du Président est déclenchée. Malgré les dispositions constitutionnelles prévoyant l’intérim du Président en cas d’absence définitif au Président de la Haute Cour, l’état-major de l’armée, le ministre des finances, chacun essaye de s’approprier de cette période intérimaire d’une façon ou d’une autre. Tadjidine Ben Said Massound, alors Président de la Haute Cour, a eu des influences pour renoncer à cet intérim par les deux camps.

Au même moment, le Ministre des Affaires étrangères qui, quelques jours avant le départ du Président dans son voyage mystérieux en Turquie a constaté un complot contre sa personne, s’est réfugié au siège des Nations-Unis. Des témoignages parlent de la présence de « mercenaires » qui séjournaient à Moroni le vendredi 6 novembre et ont tenté d’éliminer ce Ministre. Ce qui a causé sont refuge au siège des Nations-Unis, zone sous contrôle des casques bleus. Ces « mercenaires » auraient été payés par de l’argent public en vue d’exécuter le plan B au cas où le plan A du Jeudi soir aurait eu sans effets. Cet argent venant d’une société d’Etat liquidité par des hauts fonctionnaires de l’Etat pour payer ces « mercenaires » aurait été constaté après un audit fait par le Trésor public. Ainsi ce qui aurait causé l’incendie du Trésor Public quelques jours après les funérailles de M. Taki.
Pendant que Tadjidine assume l’intérim, M. Taki inhumé le 7 novembre dans l’incertitude sur les causes de sa mort, la version d’une cardiaque annoncée par RFI matin est confirmée officiellement. Mais 19 ans après, suite à plusieurs témoignages faits par des personnes ressources pendant les conférences organisées à l’occasion de sa commémoration, doit-on croire à cette thèse ?
Personnellement, les événements qui ont suivis son enterrement me laissent encore perplexe 
Son Ministre des Finances, Said Said Hamadi fait recours devant la haute Cour pour réclamer l’intérim, le Trésor public qui détenait un rapport suspect est incendié, l’enquête judiciaire ouverte par le juge d’instruction Ahmed Abdou est suspendue….

Alors de tous ceux-là, mes interrogations restent légitimes. Je comprends les dangers que j’encoure depuis 2011 en ouvrant ce débat. Mais comme la famille Sankara, je continue à croire qu’un jour mes réponses suivantes auront une réponse :
1) Qu’est-ce qui s’est passé sur la lettre d’invitation du Président en Turquie ? Qui a programmé son voyage privé en Espagne ? Qui a payé les frais de voyage de la Turquie en Espagne  et de l’Espagne à Dubaï où il a transité ? Qui a payé l’hôtel en Espagne ? Est-ce l’Etat comorien, un tiers ou le Président lui-même ?

2) Rentré très affaibli de son voyage, pourquoi son médecin n’a pas effectué une visite médicale pour constater son état de santé ? Comment des personnes vivant en France ont-elles su sa mort 5 heures de temps avant qu’il rende son âme ? Après sa mort, comment est-il arrivé que ce ne soit pas son médecin principal qui ait  constaté son décès ? 

3) Pourquoi a-t-on décidé de transférer le corps d’un Chef d’Etat mort dans l’exercice de ses fonctions et dans des circonstances douteuses dans son village natal sans aucun respect du protocole d’Etat ? Pourquoi l’état-major de l’armée a-t-il autorisé l’ambulance de l’hôpital militaire pour transférer un Chef d’Etat mort dans des circonstances douteuses sans aucun respect du protocole d’Etat ?

4) Pourquoi a-t-on refusé l’autopsie avant et après son transfert à Mbeni ? De quelles « menaces extérieures » on craignait ?

5) Qui était derrière l’incendie du Trésor Public ? Et quel a été leurs motivations ? 

6) Pourquoi a-t-on suspendu l’enquête sur la mort de M. Taki dirigée par le juge d’instruction Ahmed Abdou dont deux Ministres étaient déjà en garde vue et libérés après la mise sans suite du dossier ?

7) Que craignaient le Premier ministre et son gouvernement à travers cette enquête ?
La réponse à ces questions, je n’en doute pas, ferra éclater la vérité. Il nous ferra comprendre les responsabilités des uns et des autres dans cette histoire. A ces instants où on nous parle des Assises Nationales sur le bilan des 42 ans d’indépendance, il y a lieu de lever les rideaux et que tout le monde soit prêt à entendre les vérités. 

En attendant la 20ème année de commémoration, nous continuons encore à explorer, à trouver les réponses pour qu’un jour les comoriens et la famille sachent ce qui s’est passé la nuit du 5 au 6 novembre 1998.

Said Ali Hamidou 

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