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​Une Constitution pour une République irréprochable 

Les Comores vient de connaître avec les présidences de Sambi et d’Ikililou des dérives d’un niveau jamais atteint depuis l’indépendance. A tout seigneur tout honneur, la palme des infamies revient à Sambi qui n’a pas seulement détourné la loi pour vendre les passeports comoriens, car  les députés s’y étaient opposés, il a fait la loi pour conserver l’essentiel des recettes. Rappelons ici qu’il s’agit tout de même d’un peu plus de 300 millions de dollars qui se sont évaporés dans ses poches. L’affaire a fait grand bruit dans les chancelleries du monde entier et a contribué à salir l’image de notre pays. Mais Sambi ne s’est pas arrêté là, il a agi en toute opacité dans tous les domaines, notamment régaliens, le pire étant sans doute de confier la responsabilité de l’état major de l’armée nationale de développement ( AND) à des militaires iraniens !!! de transférer à des mercenaires libyens la  sécurité présidentielle et nationale, au mépris de toutes les règles de souveraineté, c’est rien d’autre qu’un fait de haute trahison, de brader nos richesses dès que l’occasion lui en était donnée, d’exprimer des projets farfelus, comme de construire des ponts pour relier nos îles, en d’autres termes d’avoir une action sans queue ni tête à moins que la queue et la tête n’aient ici la seule couleur de l’argent. L’affaire Boulle Mining est une autre illustration de dérives dont nous ne voulons plus.

En fait on doit s’interroger.  Sambi est sans doute un être cupide mais il est aussi le produit de notre constitution, s’il a pu prospérer dans le système comme il l’a fait c’est aussi parce que le système le permettait. Donc il y a lieu d’amender le système et d’adapter notre Loi Fondamentale aux exigences d’une bonne gouvernance.
Il est en effet nécessaire d’observer que l’actuelle constitution, la tournante, fut élaborée en catastrophe pour éteindre le feu qui pouvait se propager avec des risques graves d’embrasement généralisé. Il n’y a même pas eu d’études approfondies sur les conséquences politiques et économiques de cette constitution qui d’ailleurs est une innovation et n’existe nul part ailleurs. Elle est d’autant plus inadéquate qu’elle nous éloigne un peu plus de Mayotte. Il est clair aujourd’hui que le Président qui détient tous les pouvoirs détient trop de pouvoir. C’est excessif et quasi monarchique, en tout cas ce n’est pas démocratique car le Président en devient même  irresponsable devant la représentation nationale. Pourtant dans  une telle fédération, chacune des îles doit aussi bénéficier d’une pleine autonomie.
En outre il convient d’être raisonnable, le coût de fonctionnement de l’exécutif et des  institutions  est trop élevé, en tout cas trop élevé pour le budget comorien. Tous ces déséquilibres sont insupportables et sans équivalent dans un système fédéral. Leur pérennité ne pourrait qu’engendrer l’amertume et nourrir un esprit de refus. Une nation ne se construit pas sur des déséquilibres qui finissent par en nier l’esprit de responsabilité et de justice.
Les conséquences quotidiennes du système constitutionnel comorien se lisent dans une série d’actes déplorables au point que le devoir de chacun est aujourd’hui de s’interroger sur le caractère pertinent de notre constitution qui a conduit les Comores au cours des précédents  mandats présidentiels de Azali, Sambi et Ikililou, toutefois le troisième s’inscrivant  dans la ligne définie par le deuxième, comme des modèles de mauvaise gouvernance entachée de corruption généralisée. La fonction crée l’organe, c’est une règle affirmée et lorsque l’organe dérape au point que nous venons de vivre, il n’y a qu’une seule solution si l’on veut remédier à tout ça, c’est de changer le cadre général dans lequel il voit le jour.
La tournante a conduit les dirigeants comoriens à considérer, depuis que Sambi avait montré la voie, que le tour de « profiter » était advenu à ceux qui élus avaient dès lors tous les droits. Il y avait toujours la même victime, la jeunesse, les femmes, en tout le peuple, les mêmes déficits en infrastructures, en éducation, santé, justice mais tout ça nos coquins n’en avaient rien à faire car la priorité était de piller. Pour eux le peuple comorien qui vit comme il vit n’a pas besoin de plus que de paroles. Il suffit de trouver aux maux des mots, des explications simples en invoquant un démon spoliateur extérieur et le tour est joué.
L’actuelle constitution permet ce genre de tour de passe-passe mais ça ne peut plus durer. Il faut que la situation du peuple change, il faut qu’un président responsable soit choisi pour ses actes et qu’on puisse entrevoir rapidement cet autre avenir fondé sur la justice, l’éducation, le travail et l’investissement, la bonne gouvernance et le rejet de la corruption.
Le développement doit être équilibré pour que chacune de nos îles en profite, les plus fragiles devront bénéficier de rattrapage et l’on n’y parviendra qu’en libérant des initiatives, en ouvrant les flux qui irrigueront l’économie et la pensée. A partir du moment où l’état de droit, la lutte contre la gangrène de la corruption, l’effort, la transparence, le soutien des plus faibles font respirer nos valeurs dans une harmonie  féconde, personne ne doit craindre pour son avenir.
D’autres que nous ont vécu après avoir connu des situations traumatiques, parfois elles conduisirent à des guerres ouvertes comme celle qui vit le Nord et le Sud s’opposer en Amérique au XIXème siècle, la guerre fut violente et meurtrière, on se battait pour des idéaux opposés et lorsque le Nord a gagné le Président Lincoln a tenu à rassurer le Sud qu’il n’avait rien à craindre et on peut voir aujourd’hui ce que les Etats Unis sont devenus dans leur ensemble.
Un poète français, Charles Baudelaire, écrivait qu’ « il y a dans tout changement quelque chose d’admirable et d’abominable à la fois ». Il voulait exprimer que le changement fait peur mais qu’il est aussi, oh combien nécessaire, si l’on veut éviter de voir le règne de l’immobilisme s’instaurer. Dans le cas comorien l’immobilisme serait le pire des crimes, un crime de lèse humanité auraient écrit les révolutionnaires français.
Bien sûr il nous faudra aussi faire le bilan de nos années d’indépendance et notre travail sera encore loin d’être terminé, mais la priorité absolue est de tordre le cou au Vice qui a prévalu avec Sambi et son successeur pour que plus jamais les Comores ne connaisse pareils prédateurs et que notre Nation puisse enfin envisager l’avenir vers l’émergence.
Il est clair pour une majorité de comoriens que Sambi doit être mis en accusation et jugé dans le respect du droit, sans tarder. Les faits sont tellement graves qu’il faudra bien que l’homme comprenne qu’il ne peut pas chercher à tromper éternellement. On ne peut rien contre l’Histoire en marche.
S’il est réellement un homme d’honneur, Il doit démissionner de la Présidence du parti Juwa et déclarer publiquement qu’il se met à la disposition de la Justice. Un homme d’honneur répond de ses actes,  il doit rendre les sommes détournées.
La démocratie c’est la transparence, le règne de la Loi. La Loi doit être au service du bien public et non pas un moyen de s’enrichir sans vergogne pour ceux qui sont aux affaires. La révision de la constitution est à la fois un devoir moral, un devoir économique et une obligation dictée par tout souci de justice.

Saïd Hilali

Thoueybat Saïd Omar

 

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1 commentaire sur ​Une Constitution pour une République irréprochable 

  1. Être président de Juwa ne peut pas empêcher la justice de faire son travail
    mais quelle justice?
    Je crois que la justice divine est la seule à pouvoir punir ces gens là?
    « Une main qu’on ne peut pas briser, on la baise et on prie à dieu de la briser pour vous ».
    Que dieu maudisse les pilleurs(es) de notre pays!

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