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Gestion à l’aveugle de la Ma-Mwé

Une lapalissade ou presque. Ma-Mwé est incapable de fournir  du courant sur l’ensemble du territoire, sa mission première. En outre, la société est censée livrer de l’eau à ses clients. Mais sans électricité, l’eau n’arrive pas dans les tuyaux.

Des projets innovants existent pour gérer une crise devenue, aujourd’hui, permanente, mais peinent à se réaliser.Un contrat signé avec une société chinoise pour la mise en place d’un parc photovoltaïque solaire d’une puissance de 1MW pour la région du Wachili. Un prêt de 15 milliards de francs (41 millions de $) consenti par Exim Bank[1] pour la construction d’une centrale à fuel lourd à Ngazidja. Du solaire et de l’énergie hydraulique promis pour Mwali et Ndzuani. Une convention de partenariat avec la Nouvelle-Zélanded’un montant global de 100 millions de $ pour un projet de géothermie à partir du Karthala. Mais si l’Etat  mise sur ces projets, leur suivi laisse à désirer. La première pierre pour le fuel lourd a par exemple été posée sur le site de Domoni ya Mbwani,le28 juillet 2015. Les travaux devaient commencer au mois d’août 2015 pour une période de 18 mois. A ce jour, le chantier n’a pas encore ouvert.

 

Pourtant, la catastrophe guette dans le secteur. Le délestage devient monnaie courante. Dans la capitale, les principaux chefs-lieux, quelques périphéries. L’éclairage public se réduit à sa plus simple expression. Certaines régions ne se souviennent même plus du dernier passage de la fée électricité. Les habitudes alimentaires changent, suite aux coupures intempestives. « Cela fait des mois que nous vivons dans l’obscurité. Dimanche, nous avons été ‘bipés’[2], et ça a duré quelques heures environ », déplore un habitant du nord-ouest de Ngazidja. Un autre affirme ne plus consommer que du poisson frais, qu’il se procure directement au port, de peur d’attraper une intoxication alimentaire.Cette situation paralyse nombre d’activités commerciales. Il arrive aussi que des patients sur le billard ou des enfants sous couveuse meurent à El-maarouf pour une vulgaire panne de courant.La nomination d’un nouveau patron à la tête de la Ma-Mwé, Soilih Mohamed, fin 2015 n’y change pas grand’chose. L’Etat a beau subventionner[3], l’autonomie n’est pas pour demain.

 

Du coup, le citoyen, toujours enclin à juger, s’énerve, s’agace et peste.Difficile, en effet, d’oublier la longue litanie des militants de Madji na Mwendje, blessés ou condamnés par les forces de l’ordre pour excès d’indignation. La dernière opération « Ile morte » contre les pénuries d’eau et d’électricité à Ngazidja s’est finie sur un malentendu à balles réelles à Mitsoudjé, faisant huit blessés, dont deux « dans un état critique », a indiqué un commissaire de police. La voiture de la procureure générale de la République, Maoulida Djouberi, s’est retrouvée en cendres. Un drame qui montre bien jusqu’où peut mener la panne d’énergie nationale.

 

Bien sûr, cette crise énergétique remonte à loin. Il faut probablement revenir au legs colonial de la SEC (Société d’Électricité des Comores), traverser les années EEDC (Eau et Électricité des Comores), se remémorer l’époque CEE (Comorienne de l’Eau et de l’Electricité), pour comprendre les malheurs actuels de la société. D’aucuns pensent que le gros handicap se niche dans le prix du Kw :350 francs revendu à 120 au client, soit 230 francs de perte sèche. La majorité des cadres de la société désespère, même s’ils prétendent que « si les clients de la Ma-mwe, y compris l’Etat, payaient leurs factures, cela ne résoudrait en rien les difficultés ». Le chargé de com de la Ma-Mwe, Fayssoile Moussa, s’interroge sur les 15.000 litres de subvention accordés par le gouvernement pour un trimestre : « Il est temps de fairela lumière (…) pour que nous sachions si cette subvention (…) qui arrive à terme est une subvention réelle ou si elle est issue d’une compensation des factures de l’Etat comme cela apparait dans les écritures ». Selon Ibrahim Mze, l’ancien patron de la boîte, il y a un autre souci. Ma-Mwé comptabilise près de 40% de pertes techniques dans la production du Kw. Une perte financière  de 10 millions de francs par jour, qu’il associe à la vétusté du réseau et à la fraude.La réalité est autrement plus arithmétique.

 

 

 

Pour Ngazidja, il faudrait à peu près 15 mégawatts et 55 mille litres de gazole, soit 16 millions 500 mille francs par jour, pour avoir du courant, 24 heures sur 24. Actuellement, la société possède à ce jour de quinze groupes électrogènes, tous sont des groupes de secours à vitesse rapide de 1500 tours, dont neuf sont opérationnels. Avec une vitesse pareille, la fréquence des révisions des groupes est trop courte et que la consommation est intense, sachant qu’il faut entre 60 et 70 millions de francs pour la révision d’un seul groupe.

 

A Ndzouani, il nécessiterait 5 mégawatts et 20 mille litres de gazole, soit 6 millions de francs par jour, pour éclairer l’île sans délestages. Pourtant, de nos jours, il n’y a que trois groupes de 1,1 mégawatt et un quatrième de 500 kilowattheures, soit 3,8 mégawatts de puissance disponible. Ce qui pousse à la société à alimenter l’île avec 15 transformateurs en délestage.

 

Quant à Mwali, pour la couvrir sans interruption, la société doit se doter d’une puissance de 1,5 mégawatts et 5 mille litres de gazole par jour. Selon les techniciens, les deux centrales de l’île sont en panne dont celle octroyée par la Chine. Ainsi, l’île est maintenant alimentée grâce à deux petits groupes de 380 et 250 kilowattheures. Ce qui permet de couvrir l’île à 70%.

 

Ainsi, il faudrait, dans le secteur de l’énergie, 80 mille litres par jour, soit 24 millions de francs comoriens, à raison de 300 francs le litre, et une puissance disponible de 21,5 mégawatts pour qu’on puisse fournir de l’électricité dans l’ensemble des trois îles, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. A cet effet, le secteur a besoin de 720 millions de francs comoriens par mois.

 

Dans l’immédiat, en plus de l’existant, pour couvrir l’ensemble des trois îles, le secteur a besoin de cinq groupes à vitesse lente (entre 500 et 700 tours/ consommation plus gérable), capables de produire de l’énergie en quantité suffisante, et dans un délai raisonnable. Un homme de rigueur en tête des directions des trois îles est sine qua non. Il est aussi indispensable de procéder à une médiation auprès de la société comorienne des Hydrocarbures pour baisser le prix du gazole à 200 francs le litre. A moins de vouloir augmenter le prix du Kw à 300 francs, au lieu des 120 actuels. Parce que d’aucuns pensent que le gros handicap se niche dans le prix du Kilowattheure,350 francs revendu à 120 au client, soit 230 francs de perte sèche.

 

A moyen terme, il y aurait besoin de diversifier les sources d’énergie. L’aventure dela centrale thermique à fuel lourd doit être considérée comme un projet de la transition énergétique. Ce projet peut aboutir en deux ans et permettra de fournir 18 mégawatts de puissance installée et une réduction des coûts pour le consommateur.

Nazir Nazi

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1 commentaire sur Gestion à l’aveugle de la Ma-Mwé

  1. et alors qu’est ce qu’il faut retenir de ce catalogue de paramètres qui nuisent à la stabilité de l’éclairage dans nos iles, mais combien de fois vous vous donnez à un tel exercice à nous faire avaler les causes liées aux difficultés énergétiques, à chaque président le même constat, mais ça fait 41 ans que ça dure c’est à dire sommes-nous des incapables depuis le départ du colon? Et d’ailleurs dans tous les secteurs.

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