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A Gaza, une "pax egyptiana"

Les quatre premiers jours de la bataille de Gaza, les Grands n’étaient pas là. L’aviation et la marine israéliennes bombardaient sans relâche le territoire palestinien, d’où les groupes islamistes tiraient à répétition des centaines de roquettes sur leur voisin du nord. Les Grands étaient aux abonnés absents.

Américains, Russes, Européens, enfin ceux qui prétendent habituellement pouvoir peser sur le cours des événements dans cette partie du monde, étaient passifs. Quant aux fameuses puissances émergentes – Brésil, Chine, Inde, etc. -, celles qui sont censées prendre le relais, elles avaient moins à dire encore. Elles n’existaient pas.

Un seul pays s’est activé dès le début à obtenir au plus vite l’arrêt des combats : l’Egypte. Et un seul homme a occupé le devant de la scène : le nouveau raïs égyptien, Mohamed Morsi.

On n’était plus habitué aux initiatives diplomatiques venues du Caire. Du temps d’Hosni Moubarak, le plus peuplé des pays arabes, celui qui fut longtemps la grande puissance régionale, s’était endormi – replié sur ces innombrables problèmes intérieurs, ayant fait la paix avec Israël, aligné sur la politique américaine.

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein en Irak, le chef de file du monde arabe sunnite était l’Arabie saoudite. L’Egypte semble aujourd’hui s’être réveillée. Si elle se confirme, c’est une évolution importante.

Dès les premiers échanges de tirs entre Gaza et Israël, M. Morsi dépêche Hicham Kandil, son premire ministre, dans le territoire palestinien. Il n’y a pas d’envoyé spécial américain, russe ou européen (« Hello Lady Ashton, are you at the office ? ») – la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, ne se rendra au Caire que cinq jours plus tard ; mais il y a une initiative égyptienne appuyée par la Turquie et le Qatar.

Barack Obama inaugure au même moment son deuxième mandat par une tournée en Asie. Il aimerait tant ne plus avoir à s’occuper de cette région maudite qu’est le Proche-Orient. Mais il est rattrapé par le désespérant conflit israélo-palestinien.

Au bout d’une petite semaine de combats, le président américain s’implique et son interlocuteur privilégié sera M. Morsi. L’ancien apparatchik des Frères musulmans, premier islamiste et premier civil élu à la tête de l’Egypte, s’est imposé.

Il tient une ligne difficile. Il a une relation privilégiée avec le Hamas – version palestinienne des Frères -, mais il s’est engagé à respecter le traité de paix conclu en 1979 entre l’Egypte et Israël. Il a un besoin urgent des Etats-Unis sur le plan économique, mais il doit tenir compte d’une opinion publique de plus en plus anti-israélienne.

L’ancien docteur en science de l’université de Californie du Sud a noué une bonne relation avec Mme Clinton ; l’ancien hiérarque des Frères musulmans est tout aussi à l’aise avec les chefs du Hamas. En août, il a pris ses distances avec Washington en se rendant en Iran. Mais il a surpris tout le monde à Téhéran en dénonçant la politique iranienne au Proche-Orient.

Pragmatisme et indépendance : voilà un homme qui, sous ses costumes cravate les plus anodins, pourrait cacher un politique inattendu. M. Obama a salué sa médiation à Gaza. Il ne faudrait pas que Mohamed Morsi gâche ce succès – le retour de l’Egypte sur la scène proche-orientale – en se comportant chez lui en autocrate.

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