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Adoption de la loi d’habilitation : Une loi irrégulièrement adoptée ?

Par Fsy / LGDC.

Pour Mohamed Rafsandjani, la loi d’habilitation adoptée le 03 septembre dernier, l’a été de façon irrégulière, la prépondérance de la voix du président de l’Assemblée n’étant prévue nulle part. Yhoulam Athoumani estime en revanche que la régularité de son adoption ne souffre d’aucune contestation.

Comme à son habitude, Mohamed Rafsandjani, constitutionnaliste qui n’est plus à présenter est monté au créneau, via Facebook. L’objet de son intervention ? L’adoption de la loi
d’habilitation, « adoptée », la semaine dernière, à 16 voix contre 16
mais avec une prépondérance du président de l’Assemblée de l’Union, son vote ayant compté double. Le titre de sa publication remontant au 05
septembre est éloquent : « la pondérance d’une voix, l’histoire d’une supercherie ».

Pour le lauréat du prix Carcassonne, il s’agit là, « du plus groscoup de bluff de l’histoire du parlementarisme moderne ». Il a poussé son argumentaire en affirmant « que juridiquement, aucun texte de notre
République ne reconnaît un tel privilège au président de l’Assemblée de l’Union ». Et de citer la constitution de 2018, « qui consacre 22
articles au pouvoir législatif qui n’en dit pas un mot ». Pour Mohamed
Rafsandjani, « le mutisme est tout aussi éloquent dans les règlements
intérieurs, ancien comme nouveau ». Il a cependant concédé « que la
prépondérance est prévue, certes pour un président mais pas celui de
l’Assemblée et surtout pas en séance plénière ». Il a expliqué que « la
voix prépondérante est reconnue à chaque président de chacune des 4
commissions du parlement ; à ce propos, l’article 24 du règlement
intérieur dispose qu’en cas de partage des voix, lors d’une discussion
en commission (et non en plénière), celle du président de la Commission
(et non de l’Assemblée) est prépondérante ».

Mohamed Rafsandjani a rappelé que l’ancien règlement intérieur, a
stipulé en son article 5, « que pour les décisions qui doivent être
adoptées au sein du Bureau, en cas de partage des voix, celle du
président de l’Assemblée était prépondérante. Il a conclu en affirmant «que toutes les voix des parlementaires se valent dans une séance plénière ». Pour lui, la loi d’habilitation n’est pas régulièrement
adoptée. Il s’est ému « qu’aucun des 33 parlementaires n’a eu assez de
connaissance des règles qui régissent les fonctions pour en faire la
contestation.

Yhoulam Athoumani, autre juriste, qui est attaché temporaire
d’Enseignement et de recherche, n’est pas exactement sur la même
longueur d’ondes que son collègue cité plus haut. En soit, ceci n’a rien
d’étonnant. Yhoulam reconnaît que « la prépondérance de la voix du
président de l’Assemblée n’est pas prévue par la constitution ni par le
règlement intérieur, ceux qui s’opposent à cette loi d’habilitation à
l’article 36 du règlement intérieur qui dispose que « sauf les cas où la
Constitution ou le règlement en disposent autrement, les décisions de
l’Assemblée sont prises à la majorité absolue ». Il a poursuivi en
indiquant « que si l’on suit bien ce raisonnement, il n’est pas possible
d’adopter une loi sur la base d’une voix prépondérante ». Sauf que pour
lui, « un tel argument n’est pas fondé pour deux raisons ».

D’une part, « parce que la voix prépondérante, au regard du droit
comorien n’est pas une exception. Elle est même tout simplement une
pratique constitutionnelle ». Et d’autre part, « l’on ne peut se
limiter à l’article 36 pour écarter toute prépondérance de voix (…),
celui-ci ne précise pas les moyens juridiques à utiliser pour parvenir à
obtenir cette majorité absolue, se contentant seulement de poser une
finalité sans en préciser les modalités de procédure », a-t-il fait
valoir.

Et de citer René Capitan qui affirme « que la constitution ne se
réduit pas au droit écrit mais qu’elle comporte des règles non-écrites
et dont l’origine est proprement politique ». Ainsi, « on peut dire que
la voix prépondérante nonobstant le fait qu’elle n’a été ni consacrée
ni interdite, demeure une pratique constitutionnelle dont l’essence
relève de l’ordre politique. Pareille pratique est nécessairement
démocratique qui vient souvent palier le vide de la constitution ».

En somme, pour Mohamed Rafsandjani, la loi d’habilitation a été
irrégulièrement adoptée. Et Yhoulam dit exactement le contraire. Mais
cela ne date pas d’aujourd’hui.

Fsy / LGDC

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