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Affaire du viol : Pilipili mbali bizari mbalii

BarwaneUne chanson mohélienne, intitulée « bwerere » (bwerere signifie quelqu’un qui est paresseux), avait repris la fameuse expression swahilie pili pili mbali bizari mbali : dissocier le piment des autres épices. Cette méthode aide à comprendre certaines sociétés qui sont rongées par la corruption, la crise économique, la défaillance de toute forme d’autorité (autorité politique, religieuse, coutumière, etc.) et l’absence d’une vraie élite et qui sont confrontées à des multiples maux, notamment la prostitution, la pédophilie et les viols. La situation effarante de ces sociétés-là nous renvoie à la Grande Comore pour une affaire d’une adolescente de 13ans violée. Cette affaire a défrayé la chronique, et certains pseudos notables ont voulu l’étouffer afin d’éviter des poursuites judiciaires. Mais une telle affaire nous interpelle tous et nous pousse à analyser certains aspects  de la société comorienne, notamment  la notion de justice, de tabou, de notable et de confusion de genres.

Il fut un temps où dans le système traditionnel grand comorien existait une forme de justice coutumière appelée gungu. Le gungu est une manifestation populaire

consistant à humilier publiquement une personne qui a commis une faute grave.

Pendant toute la période du régime révolutionnaire d’Ali Soilihi (1975-1978), une émission radiophonique, intitulée saya ishirini nane harumwa ze bavu (vingt quatre heures dans les régions), passait sur les ondes de Radio Comores. L’objectif de cette émission était d’informer l’opinion publique des actes répréhensibles (vols à l’étalage, à des cabris, etc.) et les noms de leurs auteurs. Cette façon de faire se résumait ainsi:ya renda mbi lazima ya zidjuwe (la personne qui a commis une faute doit impérativement la reconnaître). Cette justice expéditive et médiatisée s’était avérée efficace dans la mesure où elle avait créé un climat de peur de la part de tous les citoyens.

S’agissant de la notion de tabou, le mot est d’origine de la Polynésie. D’une manière générale, un tabou est un  sujet dont on ne peut pas parler par crainte ou par pudeur. En  Grande Comore, le tabou est défini par « kazambwa », ce que l’on ne peut pas dire.  Si le sujet est grave (c’est le cas l’inceste au sein d’une famille), le tabou devient «siri» ou secret. Si le secret est rendu public, le tabou se transforme en anyibu ou une honte. Ici, nous avons l’expression anyibu iyele, la honte s’est propagée (c’est l’exemple des familles des présumés coupables dans l’affaire de l’adolescente de 13ans).

En ce qui concerne la notion de notable, nous abordons d’abord la définition du  mot notable en français. Il est notable celui qui est bien noté dans son domaine respectif. En s’appuyant sur cette définition, le sportif qui se distingue dans sa discipline par ses très bons résultats, est considéré comme notable. Par contre, dans la définition grande comorienne, le notable est celui qui a fait son grand mariage (une série de prestations coutumières permettant à l’individu d’accéder à une considération sociale).Mais cette appellation pose problème, car elle ne correspond pas à la signification française du mot notable. Il faut donc trouver une signification adéquate  pour l’individu qui a fait un grand mariage. Pour F. Le Guennec-Coppens, le mdrudzima (celui qui a fait son grand mariage) est un « homme accompli ». Cette définition nous semble correcte car elle traduit bien l’appellation « mdru mdzima ».

Après avoir défini le mot notable, il est aussi important d’expliquer les limites de l’autorité du soi-disant notable ou homme accompli. Ce dernier acquiert son titre honorifique en faisant le ndola nkuwu (littéralement, c’est le grand mariage, selon la définition de S. Chouzour). Cet acte coutumier est d’ordre privé, car il s’agit d’un grand mariage qui confère socialement de l’honneur (le prestige social) à un individu. Et ce dernier monte en grade (le rite de passage dans la catégorie de wandru wa dzima ou hommes accomplis) mais tout en restant dans son domaine (tradition). En aucun moment, le statut de mdru mdzima devrait constituer un critère de compétence qui octroie un droit à un individu d’intervenir dans les affaires politiques et judiciaires. Malheureusement, c’est le fait contraire qui se produit en Grande Comore. L’affaire du viol de l’adolescente de 13 ans en est l’exemple probant. Récemment, une autre affaire a fait réagir une partie de l’opinion publique. Des wandru wadzima de la Grande Comore auraient exigé un mawu (rançon) à l’actuel président de l’Union des Comores. Le motif  serait que ce dernier ne voulait pas s’adresser à eux à son arrivée à l’aéroport Prince Said Ibrahim. Cette histoire est choquante car des soi-disant notables se placent au-dessus du Président de la République. De plus, le fait que des soi-disant notables aillent dans un aéroport pour accompagner ou accueillir un président de la République, est un geste stupide qui n’existe nulle part. Mais la question qui se pose et qui nous parait pertinente est la suivante : pourquoi y a-t-il une confusion des genres entre notables  et politiques?

La confusion de genres est l’un des principaux facteurs du phénomène msadjadja ou désordre entretenu par la plupart des gouvernements (à l’exception de l’ancien régime révolutionnaire d’Ali Soilihi) depuis l’accession à l’indépendance. Ces gouvernements se sont appuyés sur les notables, avec des méthodes différentes, pour les utiliser (en terme d’autorité et influence) afin d’imposer leur système politique aux citoyens. En contrepartie, les notables influent sur les décisions politiques (ils influent sur les nominations à des postes importants leurs enfants ou leurs proches) et judiciaires (ils interviennent auprès des autorités judiciaires pour demander la libération de quelqu’un qui a fait des détournements de fond public ou un acte criminel). Ainsi est né, dans cette confusion de genres, le népotisme qui, dès les années 80, s’est transformé en système politique de mwana hatru(notre enfant).Autrement dit, ce système consiste à favoriser toutes celles et ceux qui soutiennent le système politique au pouvoir.

En guise de conclusion, l’affaire de l’adolescente violée en Grande Comore ne fait que traduire une crise structurelle qui est caractérisée par une société civile quasi inexistante(les structures associatives ne constituent pas un contre pouvoir et une,  force de propositions; la plupart des cadres se réduisent à des petits fonctionnaires obéissant au système politique corruptible des différents gouvernements; des pseudos notables dont la plupart restent très attachés à une notion d’honneur fantasmagorique et à des petits privilèges), une classe politique en disgrâce (une classe politique émiettée, personnifiée, clientéliste et opportuniste) et un Etat de droit mort-né (depuis l’accession des Comores à l’indépendance à nos jours, le système judiciaire est exsangue et pestiféré).

Docteur Ibrahim Barwane

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3 commentaires sur Affaire du viol : Pilipili mbali bizari mbalii

  1. le viol est impardonnable de manière générale , mais il est surtout ignoble quand il s’agit d’une adolescente , mais je crois que la corruption est planétaire , surtout que les pays du Nord qui nous servaient de modèle hier pratiquent la corruption comme les petites républiques bananières du Sud .Chez nous la notabilité a une grande influence sur la société qui remonte depuis la période coloniale,se débarrasser rapidement de la société en claquant les doigts me semble difficile .Nos institutions ne sont pas solides et les générations montantes qui sont aux manettes font pire que les notables traditionnels.Le juriste de formation intervient auprès de la justice pour libérer un frère , une soeur ou un ami ,donc le politique ,le notable , le cadre influent recourent à la magouille , à la corruption , bref , c’est un fléau qui touche de la base jusqu’au sommet de l’Etat.Pour lutter contre la camora il faut un changement de mentalité mais d’etat d’esprit , un nouveau regard du monde et de la société comorienne, mais ceci devrait s’inscrire dans la longue durée .

    • Voila 1 Mec intelligent.
      Je ne te connais pas mais enfin quelqu’un qui a les idées claires.
      Prenez en de la graine, vous prétendus journaliste. Car j’en suis sûre par vos articles mensongères et partisanes vous rêver de devenir le comorien pseudo intellectuel, défendeur des droits de mon Q. Votre travail n’est pas neutre mais vous faites cela dans le but d’être reconnu 1 jour de profiter de cette notoriété pour enfin finir comme les gens qui sont peints dans les remarques de MOMO.
      Aussi espèce de « Bounty » va plutôt faire des œuvres digne d’un musulman car à vouloir copier le blanc vous faites plutôt le boulot du Chaiytoini. FITNA, FITNA et calomnies c’est tous ce que vous connaissez.
      A bon entendeur salut.

      Moina Hahaya en mode vénère.

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