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Ali Bazi Sélim, ancien ministre d’Etat : «L’appel du 11 août n’est pas une question de pouvoir»

Bazi

ASSISES NATIONALES. «Le pays est arrivé à un stade où même le peu dont nous disposions n’existe plus. Nous faisions de l’exportation et assurions notre autosuffisance alimentaire. On importait peu, mais tout cela est loin. C’est pourquoi nous disons que le bilan des quarante ans est négatif. Nous voulons de vrais changements et nous ne lâcherons pas jusqu’à ce que cela se fasse sans pourtant mettre des barricades».

 

 

Vous avez lancé un appel le 11 août dernier pour un sursaut national. Cet appel semble avoir eu l’adhésion de nombreuses personnalités politiques et de la société civile. Vous attendiez-vous à cette réaction rapide?

(…) On a voulu  malmener notre pays lors des Jeux des Iles à La Réunion, mais nos enfants ne l’ont pas accepté. Ils ont fait preuve de patriotisme. Les Comoriens se sont donc réunis Place de l’Indépendance le 11 août pour leur dire merci. Ils sont venus manifester leur joie. (…) J’ai saisi l’occasion qui m’a été donnée pour féliciter ces jeunes et exprimer ma désolation sur l’état dans lequel se trouve le pays. Un pays où toutes les valeurs, le prestige, l’éducation, le respect, le mieux-être devraient être possibles. Hélas ! Le 3 août 1975, l’espoir a été brisé. Le pays est entré depuis dans une situation difficile avec la présence des mercenaires. (…). Ces mercenaires ont  d’abord assassiné le président Ali Soilih, nous continuons encore à le pleurer ; ils sont ensuite allés tuer le président Ahmed Abdallah Abdérémane.

 

Que voulez-vous très précisément ?

Le navire Comores continue à prendre l’eau. Nous n’aspirons pas à avoir le pouvoir. Nous voulons un Etat juste, prospère, un Etat qui respecte le citoyen comorien et respecte ses droits, un Etat où il fait bon vivre, où l’on peut se soigner quand on est malade, éduquer ses enfants, manger à sa faim. Loin de nous l’idée d’un gouvernement d’union nationale. Nous voulons faire de ces assises nationales un cadre de concertation. Le président doit terminer tranquillement son mandat et les Mohéliens finir leur tour. Nous ne voulons pas de crise, mais après le tour de Mwali, nous ne voulons pas recommencer un cycle de 15 ans encore pour revivre la même situation.

 

Qu’est-ce que vous déplorez plus précisément ?

Le pays est arrivé à un stade où même le peu dont nous disposions n’existe plus. Avant l’indépendance, les Comores étaient un pays exportateur. On exportait du bois, de la vanille, du coprah, tisane et même du savon. Aujourd’hui, nous importons tout et nous n’exportons rien. C’est pourquoi nous disons que le bilan des 40 ans est négatif. Nous voulons des changements dans la paix et nous ne reculerons pas avant que ces changements soient réalisés.

 

Peut-on considérer votre appel du 11 août comme un retour à la vie politique ?

Non, c’est un cri d’alarme. La situation m’oblige à lancer ce cri de détresse avant que le bateau soit englouti totalement. Pour cela, j’appelle tout le monde au secours du bateau.

 

Quel bilan faites-vous des douze ans de pouvoir d’Ahmed Abdallah Abdérémane ?

Je ne peux pas faire de bilan, ni d’Ahmed Abdallah, ni d’Ali Soili puisque le pays était sous la menace des mercenaires. Le pouvoir était sous la bannière des mercenaires.

 

Au sujet de Mayotte, les différents régimes se rejettent la responsabilité de l’échec de son retour. Quelle est votre analyse de la question?

Les Comoriens n’ont pas lâché ce dossier et ils ne le lâcheront pas. Cela fait partie des questions importantes sur lesquelles se pencheront les assises nationales. Ce n’est ni de la responsabilité d’un groupe, ni de celui d’un parti politique. J’insiste sur le fait que les assises nationales doivent permettre aux Comoriens de faire le bilan et de se pardonner. Comme cela s’est passé en Afrique du sud.

 

Faut-il directement poursuivre la tournante à Ngazidja, sans au préalable une discussion concernant le tour de Mayotte?

Je pense que les Comoriens dans leur grande majorité auraient aimé que ce tour revienne à Mayotte. Cette question sera débattue justement  lors des assises nationales. (…). Après Mwali, c’est le tour de Mayotte. Nous sommes tous d’accord.

 

Si certains trouvent bonne l’idée d’assises nationales, ils pensent néanmoins que le timing est serré, vu que le calendrier électoral est déjà rendu public. Le «sursaut national»  n’est-il pas venu un peu tard ?

Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Et je pense que les assises peuvent trouver avec le gouvernement la possibilité de se tenir avant les élections.

 

Il y a un parti qui reconnaît la pertinence de ces assises, mais qui estime qu’il faudrait un gouvernement d’union nationale ou de transition d’une durée allant de 6 mois à 24 mois.  Qu’en pensez-vous ?

Nous n’avons pas encore rencontré de partis politiques, (quand nous réalisions cette interview, le mouvement du 11 aout n’avait pas encore rencontré les leaders politiques), mais je pense que la majorité des Comoriens veulent ces assises et attendent du gouvernement qu’il les accepte. Ils espèrent que le gouvernement va s’associer à cette importante proposition.

 

Il y a eu de nombreuses assises, de nombreuses tables rondes, quelle serait l’orientation de ces assises ? 

Les nombreuses tables rondes sont nées  après des crises et elles ont joué le rôle de pansement.  Il faut savoir différencier  une faillite d’une crise. La faillite est la résultante d’une mauvaise gestion, dans le cas d’une société, le bilan se fait à la fin de l’année. Nous parlons d’un Etat , on ne peut pas le laisser imploser. Les assises interviennent justement pour élaborer le bilan et savoir quelle conduite adopter. (…). Lors des accords de Fomboni, il y a eu un «gentleman agreement », un accord non écrit entre des gens honnêtes et sincères qu’après le tour complet de la tournante, il y aurait une évaluation. C’est dans ce sens-là qu’interviendront les assises.  Qu’on se le dise, si nous entamons encore cinq ans avec Ngazidja,  nous ne pourrons pas faire machine arrière.

 

Quel visage auront les assises nationales si l’Etat refuse de les patronner  surtout au vu du timing serré avec les élections présidentielles?

Le pays a atteint des profondeurs abyssales, c’est le sens de notre appel. Depuis le 11 août, les Comoriens viennent vers nous. Quand nous aurons rencontré toutes les forces vives du pays, nous chercherons à voir notre gouvernement. Nous pensons qu’entamer une autre rotation qui durera 15 ans, ce sera une perdition. Notre mouvement prend tous les jours une plus grande dimension. Nous avons bon espoir que nous nous assoirons ensemble pour discuter avec nos dirigeants que j’espère très attentifs.

 

Dans le cas où les assises sont organisées, qu’entendez-vous faire pour que les recommandations soient prises en compte par les futurs gouvernements ?

Ce sont les assises qui décideront ; il y aura une feuille de route et nous ferons en sorte qu’elles soient parrainées par la communauté internationale. Nous voulons des assises nationales, pour pleurer, chanter, nous réconcilier, mais aussi pour donner un nouveau souffle à notre pays, qu’il retrouve sa dignité d’Etat.

 

Propos recueillis par Saminya Bounou et Faiza Soulé Youssouf/Alwatwan

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1 commentaire sur Ali Bazi Sélim, ancien ministre d’Etat : «L’appel du 11 août n’est pas une question de pouvoir»

  1. Je tiens a saluer fortement Mr Ali Bazi, pour ses sinceres propos des ces assises.Il est tres improtant a tenir compte et embrasser cette proposition.La question n’est pas seulement de faire un bilan, car il est claire que le bilan est negatif, tout le monde le sais,mais il faut challenger le status quo existant,abandonner ces ancienne structures et faire des reformes.Car je suis convaicu qu’avec les structures existantes meme si on nous donne des milliard d’euros,n’est servir a rien.Il est temps pour ceux qui croient au bien etre de la population,de crier fort pour une structuration national.

    Et je suis desole pour la reaction du Ministre d’interieur.Car que la constitution stipule des assises ou pas,la necessite de sauver le pays est la.et c’est a travers des veritables debats national qui permettrons un chagment de cap.

    On ne peux continuer a vivre dans pays sans vision.

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