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Azali II: encore une présidence ratée

Le 26 mai 2006, lors de sa passation de pouvoirs avec Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, Azali Assoumani a été fortement hué par la foule, réunie à l’occasion au palais de Beit-Salam. L’histoire est têtue. L’on ne se rappellera pas assez de cet épisode fâcheux. Cela a été le signe évident d’un mandat de 4 ans raté et d’un régime de 6 ans qui a échoué. À l’époque, chacun était allé avec son explication. Et durant sa période de « chômage » de 10 ans, comme il aimait bien le dire, à qui voulait l’entendre, M. Azali, qui avait vécu cela comme une humiliation, a été hanté par ce terrible mécontentement, véritable désaveu du peuple. C’est ce qui avait conduit plus d’un à croire légitimement, en 2016, qu’il allait se servir de ce nouveau mandat pour ramener les compteurs à zéro et ainsi se réconcilier avec les Comoriens. L’erreur est humaine, « elle ne devient faute que pour celui qui persiste », selon l’adage.

Rappelons-nous que sans être extraordinaires, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et Ikililou Dhoinine ont été applaudis lorsqu’ils ont remis les clés du pays à leurs successeurs respectifs. Pourquoi pas lui aussi cette fois? Pourrait-on y penser.
Mais aujourd’hui, nul n’est capable d’avancer ni l’année ni le mois où Azali passera le témoin à un successeur. Il n’en demeure pas moins que le peuple sait d’ores et déjà comment il va vivre cette nouvelle passation si un jour il y en a une. Encore faudrait-t-il qu’il ait la possibilité de s’exprimer ce jour-là.
Élu en avril 2016 à la suite d’un troisième tour inédit, le colonel Azali Assoumani a obtenu un nouveau mandat de 5 ans qui aurait dû lui permettre de se réconcilier avec le peuple comorien, rassembler le pays et amorcer le chantier d’un vrai développement. C’est le seul et unique moyen de reconquérir les âmes qu’il avait choquées et déçues entre 1999 et 2006.

Seulement aussitôt investi à la tête du pays, l’ex chef d’état-major se révèle bien ingrat. L’arrogance et le narcissisme le submergent pendant que l’ivresse du pouvoir le rattrape. « Azali est devenu méconnaissable », racontent dépités des ex amis du colonel. Au lieu d’engager l’État dans la recherche de solutions aux aspirations du peuple, il le met au service d’une folle ambition: rester le plus longtemps possible au pouvoir.
Ainsi, à ses yeux, il lui fallait se séparer de ses alliés, notamment le parti Juwa, emprisonner les opposants, manipuler la société civile, corrompre un maximum de personnalités, pervertir plusieurs jeunes intellectuels et diviser la population. Le tout pour arriver à démolir les institutions et s’offrir ainsi une constitution taillée à la mesure de son costume.

Les désidératas de la population comorienne sont passés au dernier rang de l’action de son gouvernement. Cela se voit depuis quatre ans. Les Comoriens le vivent au quotidien. La corruption s’est amplifiée dans le pays, la situation économique s’est fortement dégradée, la pauvreté s’est accentuée partout sur le territoire national, l’insécurité a explosé. Bref tous les indicateurs sont passés au rouge, le désespoir s’est installé dans les cœurs, notamment des plus jeunes et des catégories vulnérables.
On aura donc compris que le slogan de l’émergence du pays accroché à la boutonnière telle une fleur, s’est fané l’espace d’un matin. Plus terrible encore, brandie à toutes les occasions, cette « émergence » s’est révélée être un leurre. On le constate aujourd’hui, aucune prémisse d’une évolution du pays. Pire encore, depuis la réélection fantaisiste de 2019, et abracadabrancatesque, pour certains, le slogan est même passe aux oubliettes. Au point même que l’évoquer aujourd’hui ferait grande tâche. Car c’est tout l’inverse qui se produit. Les investissements promis se font attendre, les mots d’ordre comme un jeune=un emploi n’ont jamais été suivis d’effet. L’éducation et la santé sont oubliées sur le bord de la route, la justice corrompue comme elle ne l’a jamais été. Bref, avec Azali II, le pays a fait une chute vertigineuse dans tous les secteurs d’activité. La confiance et l’espoir ont laissé la place au désarroi et à la peur. L’unité nationale, la stabilité politique, la paix sociale ne guident plus l’action des dirigeants obnubilés par l’argent, le pouvoir et les avantages qui les accompagnent.
Tout le projet d’Azali et de son équipe est focalisé sur l’allongement du mandat jusqu’au moins en 2029. Ce n’est donc pas anodin si on nous parlait d’émergence à l’horizon 2030. Et tout compte fait, qui oserait imaginer que cela soit le souhait du peuple comorien ? Celui-ci a toujours aspiré à des gouvernants compétents, honnêtes et soucieux de son bien-être. Osons espérer qu’un jour il finira par mettre sa docilité de côté et prendre son destin en main. Dans le cas contraire, il va continuer à subir le même schéma, véritable spirale sans fin. Car le salut des Comores n’a pas vocation à venir de ceux qui, depuis des années, ont annihilé tout espoir d’un meilleur devenir et mis à genoux plusieurs générations.

Ali Mmadi

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