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Comores infos à la rencontre des étudiants aux Comores.

photo-comoresComores Infos : Bonjour comment allez-vous ?

Karim Bakari Hamidou : Bonjour, je vais très bien merci.

Comores-Infos : Présentez-vous ainsi que votre parcours à nos lecteurs.

KBH : Je m’appelle Karim BAKARI HAMIDOU, originaire de Mitsamihouli. Avant de vous présenter mon parcours, je tenais avant tout à vous remercier et à vous encourager pour cette initiative. Elle permet non seulement de mettre en avant cette jeunesse comorienne à travers le monde, mais elle permet aussi à d’autres de s’identifier par rapport aux parcours des uns et des autres et répondre indirectement à quelques interrogations. Après mon BAC A4 obtenu aux Comores en 2003, je suis venu en France pour poursuivre mes études supérieures. J’étais passionné par l’Anglais, je m’étais inscris en première année de DEUG d’Anglais à la Sorbonne et je me suis très vite rendu compte de la réalité de cette formation. Elle n’offre pas réellement beaucoup de perspectives d’avenir. Les débouchés sont restreints. J’ai donc décidé de m’orienter sur un domaine d’avenir, la logistique et le transport. Après mon DUT Gestion Logistique et Transport, j’ai décidé de continuer mes études bien que ce diplôme me permettait d’être tout de suite opérationnel. J’ai fait 2 licences professionnelles, une de logistique, en mention responsable d’exploitation et une autre en droit du transport international. Je suis aujourd’hui diplômé d’un master Logistique et transport international, mention sécurité des transports. Je viens de faire une année de spécialisation sur la sûreté et la sécurité de la navigation aérienne. Voila en détail mon parcours universitaire aussi riche personnellement et fort professionnellement.

C-Infos : Pourquoi avoir choisi cette formation plutôt qu’une autre ? Avez-vous bénéficié d’une quelconque orientation ?

KBH : Comme précité, mon choix s’est porté sur cette formation non seulement parce que j’ai toujours été fasciné par les avions, mais aussi parce que la formation logistique et transport présente un vaste horizon de métiers. Il y a aussi une volonté de faire évoluer le transport aérien aux Comores. Les structures d’orientation bien qu’existantes ne répondent pas forcément à nos interrogations. J’ai eu la chance de m’être posé les bonnes questions et surtout d’avoir réussi à mettre un pied sur cette formation au combien très sélectif.

C-Infos : Quelles sont vos motivations et attentes ?

KBH : Après mes études, j’ai intégré une compagnie aérienne. Cela fait quelques années déjà que j’ai eu la chance de travailler dans mon domaine, chose rare quand nous savons comment il est devenu difficile aujourd’hui de trouver un emploi en France surtout si nous n’avons pas d’expériences. Comme certains d’entre nous, nous nous posons forcément la question d’un éventuel retour aux Comores, afin d’y apporter notre savoir faire et notre vision du monde extérieur. Travaillant à Roissy, qui est, rappelons le, le 2e aéroport européen, je pense que nous sommes capables de changer les choses et faire du transport aérien aux Comores une valeur sûre. Quand nous voyons aujourd’hui comment les passagers comoriens sont traités et l’accueil laissant à désirer qui leur est réservé, en tant que professionnel dans le domaine, cela m’offense encore plus. Ma motivation première est de faire changer ces agissements sans jouer à l’avocat du diable. Faire connaître à ces passagers qu’ils ont des droits, et que les compagnies aériennes doivent respecter leurs engagements en matière de sécurité. Elles doivent jouer la transparence. J’attends aujourd’hui à ce que les autorités compétentes aux Comores ouvrent les yeux sur la difficulté qu’éprouvent les comoriens pour rentrer au pays. Encore faut-il que nos revendications soient prises en compte comme c’est monnaie courante malheureusement dans notre pays. Nous savons hélas que c’est toujours une minorité qui tire les ficelles.

C-Infos : Rencontrez-vous des difficultés administratives ou particulières ?

KBH : Comme tout étudiant étranger, les difficultés administratives en France sont diverses et variées. Une fois dans ce pays, les démarches administratives deviennent très rapidement le parcours du combattant. Celle à laquelle tout étranger n’échappe pas est le fameux renouvellement du titre de séjour. Brader des températures glaciales et faire la queue pendant des heures sans être sûr de pouvoir passer le jour même est source d’inquiétude et moralement pesant. Trouver un logement pour prendre son indépendance est devenu très difficile vu les exigences et les garanties qu’ils demandent. Étant étudiants, forcément nos ressources étaient limitées.

C-Infos : Parlez-nous des conditions des étudiants comoriens en général.

KBH : Les étudiants comoriens connaissent des difficultés diverses et variées. Le problème majeur reste l’orientation. Beaucoup après l’obtention du BAC ne savent pas réellement quoi faire. Le manque en amont de service d’orientation nous empêche de mieux anticiper. Beaucoup hélas choisissent par dépit leur formation. Soit par bouche à oreille en demandant de gauche à droite ce que les autres font, soit par défaut, en prenant la seule formation qui leur est offerte. Il faudrait dans l’avenir mieux encadrer les prochaines générations en leur donnant les bonnes informations et en leur apportant un suivi concret.

C-Infos : Que pensez-vous être en mesure d’apporter au pays ?

KBH : Nombreux sont les comoriens qui critiquent le pays sans se poser la réelle question de ce qu’ils peuvent apporter à la nation. « Ne demande pas ce que le pays peut apporter pour toi, mais plutôt ce que tu peux apporter à la nation ». Certes, nous connaissons tous les problèmes et la corruption qui règnent dans notre pays, mais le monde ne s’est pas fait en un jour. J’aimerai apporter mon savoir faire et mes connaissances dans ce domaine où nous avons tout à prouver. Nous devons restructurer notre aéroport, et nous pencher sur la question de la sécurité et de la sûreté de nos vols. Nous ne sommes pas des sous hommes. Notre pays doit apprendre à se faire respecter et lancer un mot fort à ses compagnies, à savoir que nous voulons le changement. Pour desservir notre pays, il faut respecter les passagers et donner des garanties suffisantes.

C-Infos : Avez-vous des projets précis et objectifs clairs à atteindre ?

KBH : Nous avons tous de près ou de loin des objectifs à court et à long terme. Aujourd’hui, je pense avoir réussi le premier volet de mes objectifs. Travailler dans une compagnie aérienne à renommée internationale est un symbole de réussite et une reconnaissance pour nos capacités à apporter notre pierre à l’édifice. Cependant, mes objectifs à long terme seraient d’apporter à mon pays cette expérience et une autre vision des choses. Nous devons assurer la relève. C’est de cette manière là que les compagnies nous respecteront. J’ai un projet en cours aujourd’hui avec l’ASECNA pour une éventuelle collaboration. Nous devons faire changer les mentalités. Tout cela passe par une bonne communication en véhiculant les bonnes informations au public concerné mais surtout le recrutement de personnes compétentes dans les services clés.

C-Infos : Le chômage des jeunes cadres ne vous effraie pas ?

KBH : La question du chômage effraie tout le monde en général. C’est vrai qu’aujourd’hui beaucoup ne sont pas recrutés à leur juste valeur. Il faut de la persévérance et surtout ne jamais douter de ses compétences. Il faut avant tout savoir se vendre et mettre en avant sa capacité à travailler en groupe et son sens du devoir. Celui qui doute ouvre la porte de l’échec.

C-Infos : Justement les jeunes cadres souffrent d’un manque de créativité et visent toujours la fonction publique. Comment expliqueriez-vous ce phénomène ?

KBH : Des idées beaucoup en ont. Moi je me dis sincèrement qu’aujourd’hui si beaucoup de cadres refusent de rentrer c’est surtout parce qu’ils n’ont pas les garantiesnécessaires pour se lancer. Notre pays est vierge, contrairement à la France où tout est saturé. On pourrait créer des entreprises et ainsi faire baisser le chômage. Mais une fois sur place, la réalité reprend le dessus. Pour obtenir un quelconque papier, il faut passer un temps fou ou distribuer de l’argent pour pouvoir l’obtenir. Ce facteur en décourage plus d’un et empêche des structures de se créer. La fonction publique reste par défaut le seul recruteur et chacun essaie d’avoir un morceau du gâteau.

C-Infos : Que conseillez-vous à ceux qui vont voir ailleurs à cause du manque de travail ?

KBH : Pourquoi les gens vont ailleurs ? Seulement parce qu’aujourd’hui le chômage des jeunes en général et des cadres en particulier bat des records. Chacun essaie de s’en sortir comme il peut. Il est bien temps que notre pays ouvre les yeux et arrive à attirer des personnes de talents. Nous sommes l’espoir de ce pays. Je sais que les conditions aux Comores sont très difficiles mais il est grand temps que nous pensions à son développement. Si chacun fait un peu, au final c’est la nation qui gagne.

C-Infos : Etes-vous un férus de politique ? Si oui, que retenez-vous des 2 ans du président IKILILOU au pouvoir ?

KBH : Je ne suis pas un férus de politique, mais comme tout citoyen, j’essaie de me tenir informé de ce qui se passe aux Comores. Beaucoup diront que 2 ans c’est très peu pour juger un président, surtout avec le chantier qu’il avait. Son premier gouvernement a connu des rebondissements sur des affaires de corruption. Il dit avoir pris des mesures et nommé des personnes de talents et de confiance. Nous verrons ce qu’ils vont apporter. Il faut que ses ministres comprennent qu’ils sont là pour servir la nation avant tout. Et que notre pays a un retard considérable par rapport à nos voisins africains. Le manque d’infrastructures et d’électricité est un réel frein pour le développement économique de notre pays.

C-Infos : Etes-vous pour ou contre la présidentielle tournante et pourquoi ?

KBH : Je suis contre l’idée de la tournante. Certes, cela permettait de faire comprendre à tout le monde que chaque île est importante, mais à mon sens, ce n’est pas forcément la meilleure solution. Il faudrait élire celui qui propose un programme riche et tourné vers le changement. Nous voulons le meilleur, et peu importe son île d’origine. Nous sommes comoriens avant d’être de telle ou telle île.

C-Infos : L’actualité, c’est aussi Comores Télécom qui censure les logiciels d’audio-vidéos. Qu’est-ce que vous en pensez ?

KBH : Le monde évolue, nous devons le faire aussi. Aujourd’hui, si tout le monde essaie d’utiliser VOIP pour communiquer, c’est tout simplement parce que les prix des cartes sont élevés. Nous sommes parmi les pays où les prix sont élevés. Sans parler du réseauqui laisse à désirer. Payer internet et ne pas pouvoir l’utiliser est contraire à la loi.ComoresTélécom a un manque à gagner en censurant les appels par VOIP. Quand le reste de l’Afrique innove et se développe par l’internet, les Comores sont encore une fois à la traîne. Pendant que Comores Télécom dégrade la qualité de l’internet aux Comores, privant au passage les internautes comoriens de la VOIP et du libre téléchargement pourtant inclus sans réserve dans les services contractés par ses clients, partout en Afrique des nouvelles applications utiles à la population sont créées par de jeunes entrepreneurs. Que fait l’ANRTIC, l’agence supposée réguler les nouvelles technologies aux Comores. Que faitl’État ?

C-Infos : Quelque chose qui vous tient à cœur dont vous souhaitez nous informer ou que vous voulez éclaircir ?

KBH : La seule chose qui fait débat aujourd’hui est la question de la compagnie Yemenia. Beaucoup critiquent le silence de l’État. Des mesures ne sont malheureusement pas prises après ce crash qui restera gravé dans nos mémoires. J’ai juste envie de dire à ses gens qu’avant de parler de l’État, d’autres continuent à emprunter leurs avions. La compagnie existe tout simplement parce que nous remplissons leurs vols. Si nousdécidons de nous pencher sur les autres compagnies, ou reporter nos voyages si nous ne trouvons pas de place, elle sera obligée de revoir sa copie. Le peuple peut se soulever sans crier, mais en agissant.

C-Infos : Que vous inspire l’initiative de Comores Infos d’aller à la rencontre des étudiants Comoriens ?

KBH : C’est une très bonne initiative car elle permet d’échanger et de partager nos expériences. Cette initiative permet aussi à d’autres d’y croire, la réussite n’est qu’une question de volonté. Enfin, elle permet aussi d’offrir la possibilité aux personnes de même parcours de créer des liens et ainsi partager les craintes et être de bon conseil. Ce message s’adresse à tout ces comoriens qui ont choisi la logistique et ou le transport, je reste à votre disposition pour toutes questions ou renseignements sur le domaine. Bien à vous !

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