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Compétences de la cour constitutionnelle vers la cour suprême : une décision controversée

Le président de la République vient de rendre publique le 12 avril dernier une décision transférant provisoirement les compétences de la cour constitutionnelle à la cour suprême. Une décision « gravissime » dans un État de droit, s’inquiète le jeune constitutionnaliste Rafsandjani Mohamed. Un acte justifié, pour une cour devenant au jour le jour, un fourre-tout, avance par contre, le politologue Mastaba Mouhidine.

Après plus de 11 mois de blocage sur son renouvellement, le président de la République Azali Assoumani décide de transférer « les attributions », de la cour constitutionnelle à la cour suprême. Un acte qui provoque une onde de choc, notamment au sein des milieux juridiques et politiques du pays, tant sur le fond que dans la forme. « Une décision gravissime aux yeux de l’État de droit », s’inquiète le jeune constitutionnaliste Rafsandjani Mohamed.

Ce célèbre chroniqueur juridique laisse entendre que rien n’autorise le président à modifier les dispositions de la constitution sans passer par la procédure de révision qui est prévue. « Ils (les soutiens de cette décisions : ndlr) disent qu’il est le garant des institutions. C’est vrai, mais justement garantir, c’est les protéger. Faire en sorte qu’elles fonctionnent mais pas transférer des compétences que la constitution a données à une institution ».

Pour-lui, il n’y a qu’une et seule issue pour le chef de l’État s’il veut modifier des dispositions de la constitution, « c’est par la voie de la révision constitutionnelle », par référendum ou par congrès des élus. A l’en croire la raison avancée d’une haute cour incomplète, ne tient pas debout. Car si elle ne fonctionne pas, c’est « parce que Azali n’a rien fait pour qu’elle fonctionne. Et puis, il dit qu’il y a un vide. Il suffit de renouveler la cour constitutionnelle. C’est simple. Il faut trois arrêtés de nomination, un décret et 30mn de serment et c’est bon ». Et de poursuivre : « tant que la constitution est telle qu’elle est, elle doit être appliquée telle qu’elle est. On ne peut pas anticiper ».

Et ce doctorant en droit constitutionnel d’enfoncer un peu plus le clou : « encore une fois, s’il (le chef de l’État) veut la disparition de la cour, il n’y a aucun problème pour cela. C’est juste que la constitution a prévu une procédure spéciale pour qu’elle soit modifiée. C’est la révision constitutionnelle (…) Il y a une hiérarchie des normes. On ne peut pas par un acte inférieur à la constitution modifier celle-ci. C’est aussi simple que ça ».

Des arguments battus en brèche par un autre juriste de formation Mastaba Mouhidine disant que la décision semble justifiée pour le moment. « D’ailleurs la Cour constitutionnelle est une cour presque politique. Parce qu’elle garantit le juge du contentieux, les libertés publiques et valide les élections etc. Malgré toutes les attributions données, elle n’a pas su jouer son rôle d’objectivité. Mais cette cour pendant 10 ans a été une cour à la solde du gouvernement en place. Ceci dit, cette cour a été discréditée et laisse à désirer. En conséquence lorsqu’il est question de trouver les voies et moyens de réformer et de donner un nouveau souffle, la décision est justifiée pour le moment », a-t-il fait savoir.

Pour ce politologue c’est la politique qui bâtit le droit. « L’article 12 de la constitution nous dit quelque part que le président assure le rôle de modérateur. Ensuite il est dit dans le même article que le président dispose de l’administration. Alors quand on a constaté qu’une institution comme la cour est boiteuse, il faut alors des mesures. Et lorsque vous lisez le décret il n’y a pas eu en réalité dissolution de la cour. On a eu rattachement provisoire ». Et de poursuivre : « ce qui irrite dans cette cour et qu’une cour qui a une valeur assez importante dans le cadre politique, juridique et administrative, on se rend compte que sa composition aussi est un fourre-tout ».

Sur la question de savoir si le président devait décréter ou décider. Ce politologue et commentateur de l’actualité politique et juridique souligne que « le décret n’est pas approprié dans le cas d’espèce. Il était question de prendre une décision. Parce que le décret semble un peu définitif. Alors que la décision est provisoire ». Pour lui, si le président est parti si vite dans cette décision, c’est que les assises sont passées par là.

« Il y a eu des assises et parmi les recommandations, il y a celles qui ont touché la cour, parce qu’elle laisse à désirer. Je peux comprendre pourquoi le président est parti si vite dans cette décision. Parce qu’il y a les libertés publiques qui sont en jeu. Alors il est souhaitable de prendre des mesures urgentes et provisoires », fait-il observer.

Et de conclure : « il est question de reformer. Le problème se pose parce que la Cour est une institution constitutionnelle. Parce que c’est une cour qui a une valeur exponentielle, celle qui garantit l’institution en réalité. Lorsqu’elle ne donne pas des résultats fiables et objectifs, on fait comment ? Est-ce qu’on doit la garder, continuer dans la médiocrité. Ou bien on doit trouver une solution ? ».

Maoulida Mbaé / LGDC

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