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Contribution.Tournante présidentielle : le tour de Mayotte s’invite au débat (Par Ahmed Ali Amir)

imagtesNous sommes en 2013, l’échéance 2016 de l’élection présidentielle de l’Union s’invite au débat public. La question de la tournante, qui échoit à l’île de Mayotte, occupée par la France, surgit quand on s’y attendait le moins et par des personnes qui étaient loin, très loin des préoccupations de l’Unité des Comores.

Le journaliste maorais Hakime Ali Said, qui a été candidat aux élections législatives françaises à Mayotte, choisit ce moment pour créer la surprise, en se positionnant candidat aux élections présidentielles de l’Union, comme l’autorise la constitution. Il fait abstraction aux contraintes qui l’empêche de l’être, réduit le débat à la stricte limite et met la Cour constitutionnelle devant ses responsabilités.

Mais le débat ouvert, impliquant l’élite maoraise sur cette question, n’est pas fortuit. Il n’est pas non plus un acte de provocation gratuite. La constitution offre ce moment propice aux Maorais de démontrer leur désir de partager un destin commun et chiche! si à visage découvert, des Maorais de souche osent briser le tabou imposé, depuis plus de trente-huit ans déjà, et font tomber le mur de la mort qui les sépare du reste de l’Archipel des Comores.

La tournante entre les îles des élections présidentielles est la formule magique sortie des débats de la constituante pour donner satisfaction à la revendication des séparatistes anjouanais et aux relents sécessionnistes des autres îles pour un partage équitable des pouvoirs. Elle a permis de rassurer les îles de Ndzuwani, de Mwali, de Ngazidja et de Maore, de la possibilité pour les élites locales de prétendre à la présidence de l’Union et pour les îles d’administrer leurs propres affaires.

Mais la présidence tournante et les autonomies accordées aux îles avaient surtout pour but essentiel de créer les conditions institutionnelles pour permettre le retour de Mayotte dans un ensemble comorien. Quoi de plus normal aujourd’hui que le débat s’ouvre à Mayotte même. Dans l’accord-cadre de réconciliation nationale de Fomboni, du 17 février 2001, base politique du nouveau cadre institutionnel, les parties comoriennes signataires “saisissent l’opportunité de la réconciliation nationale en cours pour réaffirmer à la communauté internationale, et notamment à l’Organisation des Nations unies et à l’Organisation de l’Unité africaine, leur attachement à un règlement rapide et pacifique de la question de l’île de Mayotte. A cet égard, elles lancent un appel à la communauté internationale pour qu’elle mette à profit l’occasion offerte par la dynamique du nouvel ensemble comorien afin de faciliter le dénouement rapide et pacifique de cette question”.

Les signataires ont tenu, dans le chapitre “mécanisme de suivi de l’accord”, à rappeler à la communauté internationale, garant de l’accord, que la question de Mayotte est au centre de la problématique de la stabilité politique des Comores, Ndzuwani s’étant séparée des autres îles, en bénéficiant des appuis dans l’île comorienne occupée.

Dans ce débat, que certains veulent placer dans le terrain juridique seulement, alors que la question est d’abord éminemment politique, il n’est pas inutile de rappeler que la constitution comorienne ne dresse aucun obstacle pour la tenue des primaires à Mayotte, comme le laissent supposer certaines personnalités qui lisent avec une oeillère la constitution. La constitution met en place des dispositions transitoires, au cas où l’annexion française empêche la souveraineté du peuple comorien de s’exercer pleinement sur l’île comorienne.

Dans son article 13, la constitution révisée dit que “la présidence est tournante entre les îles. Le président et les vice-présidents sont élus ensemble au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de cinq ans renouvelable dans le respect de la tournante. Une élection primaire est organisée dans cette île et seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l’élection présidentielle. Dans tous les cas, la primaire ne peut s’organiser deux fois successives dans la même île”.

On ne peut sauter le tour de Mayotte aussi légèrement, sans risquer de décrédibiliser notre revendication territoriale. Le président de l’Union, garant de l’Unité et de l’intégrité territoriale doit apporter les preuves aux Comoriens et au monde entier, que la tournante maoraise est impossible à s’exercer en 2016. Le président de l’Union devrait, en principe, dans son discours annuel sur l’état de la Nation, rendre compte de l’évolution de ce dossier dont il a la charge. Tout comme le secrétaire général de l’Onu est tenu à présenter à l’Assemblée générale des Nations unies tous les ans, le degré d’évolution, les résultats des négociations entre la France et les Comores pour la réintégration de Mayotte.

L’article de la tournante en question est complété, il est vrai, par l’article 44, qui stipule que “les institutions de Maore (Mayotte) seront mises en place dans un délai n’excédant pas six mois à compter du jour où prendra fin la situation qui empêche cette île de rejoindre effectivement l’Union des Comores. La présente constitution sera révisée afin de tirer les conséquences institutionnelles du retour de Maore au sein de l’Union“. Trois ans, nous éloignent de l’échéance présidentielle…

On ne peut passer sous silence la loi organique de juin 2005, qui revient sur les conditions d’éligibilité du président de l’Union et aux modalités d’application de l’article 13 de la constitution, qui prévoit expressément que “la présidence de l’Union est tournante. Au terme du mandat en cours, exercé par Ngazidja, le tour revient à Ndzuwani puis Mwali ensuite Maore, sous réserve des dispositions de l’article 39 de la constitution (redevenu article 44 après révision évoqué ci-dessus)“.

On doit rappeler aussi que la Cour constitutionnelle, saisie par une requête du Comité Maore sur un quatrième vice-président originaire de Maore qui s’impose aux candidats aux élections, n’a pas jugé utile d’obliger les candidats à en présenter un quatrième, du fait que les électeurs maorais, entre autres arguments, n’émargent dans aucune liste électorale et que les conditions d’éligibilité des vice-présidents maoraisne sont pas réunies.

La constitution définit les conditions d’être électeurs ou éligibles, en stipulant que “tous les Comoriens des deux sexes âgés de dix huit ans au moins au 1er janvier de l’année du scrutin, ayant résidé six mois au moins dans le pays avant les élections, jouissant de leurs droits civiques et politiques et n’étant dans aucun des cas d’incapacités prévues par la loi ou prononcée par le juge“.

Le code électoral définit, avec précision, les “conditions requises pour être électeur”, précisant que “nul ne peut avoir la qualité d’électeur s’il n’est inscrit sur une liste électorale“. Les conditions du déroulement des élections prévoient également des institutions nationales et insulaires pour organiser et contrôler les primaires.

Un avis de juriste rappelle que “la règle constitutionnelle du principe de la tournante apparait comme objet de consensus politique réel avant d’y être consacré par les normes constitutionnelles et législatives. Il semble ainsi commander l’ensemble des équilibres entre les pouvoirs publics et son respect a pu s’imposer à ceux-ci, comme valeur supra-constitutionnelle… Dans son contexte politique, elle apparait aujourd’hui comme faisant désormais partie des principes fondant le régime constitutionnel comorien”.

Dans ce débat, la réalité de l’annexion de l’île par la puissance coloniale ne peut être ignorée. Mais, il s’agit pour nous de respecter la constitution comorienne sur le sujet et non pas évoquer des dispositions de la constitution de la puissance coloniale qui viole le droit international. Le président de l’Union a le devoir de convoquer les primaires à Mayotte.

Il appartiendra à la Cour constitutionnelle et à la Cour constitutionnelle seule, de tirer les conséquences de la présence française sur l’île de Mayotte et de déclarer l’impossibilité matérielle de tenir les primaires. Elle déterminera par la suite, les conditions de la tenue de l’élection présidentielle prochaine et de la nécessité de recommencer un autre cycle de tournante.

A défaut de délibérations de la Cour constitutionnelle sur le sujet, le débat politique sur la tournante doit revenir sur la table des négociations…

Ahmed Ali Amir alwatwan

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