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De la gestion des affaires collectives à la gestion des deniers publics

La probité et l’honnêteté dans la gestion des affaires publiques sont des vertus qui ne sont pas répandues chez les responsables qui gèrent notre pays. C’est le moins que l’on puisse dire. Et ce quel que soit l’échelon de la société ou de l’administration au niveau duquel chaque gestionnaire opère. Mon affirmation ne vise aucune catégorie particulière. Force est de constater que la corruption et le favoritisme s’immiscent dans l’esprit de chacun de nos gestionnaires sans que nul n’en prenne véritablement conscience.said halifa

Alors, je me pose plusieurs questions:
– Quelle idée de mener une politique de lutte contre la corruption comme si les corrupteurs  étaient une minorité que la justice pourrait mettre hors d’état de nuire aussi facilement !
– Quelle idée de penser que le diable était l’autre !

Comment peut on penser lutter contre la corruption sans établir la vérité selon laquelle la majorité des comoriens est mêlée à la corruption de façon active ou passive ?

Prenons cinq minutes de notre temps pour effectuer un bref séminaire entre soi et soi- même dans ce domaine de la corruption et du favoritisme.

Si vous abordez cette enquête personnelle dans la stricte honnêteté intellectuelle vous réaliserez que de façon régulière chacun de nous est coupable de corruption de toutes sortes, actives ou passives : Abus de bien social, prise illégale d’intérêt, récompenses suite à un service public rendu, confusion entre intérêt personnel et intérêt collectif, délit de favoritisme,  etc.

Qui n’essaie pas de retirer sa marchandise à la Douane sans en payer les frais ?

Quel commerçant n’essaie pas de frauder le fisc en ne payant pas les taxes dues ?

Qui n’essaie pas d’obtenir une faveur, un droit à la place d’un autre citoyen plus méritant ?

Qui n’essaie pas de soudoyer un fonctionnaire afin d’obtenir la gratuité d’un service public payant ?

Qui n’essaie de détourner un bien public pour des fins personnelles ?
Mon questionnement est loin d’être épuisé. Cependant, chacun observera que nous sommes tous concernés, absolument tous. Moi même compris. Car l’autre jour j’étais dans la voiture de mon jeune frère. En pleine circulation sur la voie publique, nous sommes arrêtés par les gendarmes puisque son véhicule était  non seulement en surcharge mais également sans assurance. Quelle a été la suite de ce fait sommes toutes quotidien réalisé par ces deux gendarmes qui ont accompli leur mission de sécurité publique ?
Le commandant de la brigade concernée est mon ami. Ce dernier, emporté par la foi de l’amitié entre lui et moi a tout simplement bafoué la foi de la mission régalienne de l’État à savoir la sécurité des biens et des personnes.

J’étais, pour ce fait banal, coupable de favoritisme passif puisque je n’ai pas eu le courage de dire non à mon ami commandant de brigade.
Des faits de cette nature sont légion dans nos administrations.
Allons plus loin et observons le phénomène au niveau de la base de la société.

Qui ne se souvient pas d’un responsable d’association qui a détourné des biens collectifs ? Ou qui a confondu la gestion des biens publics avec celle des biens personnels ?

Le partage du « Mawou » l’argent encaissé suite à une sanction d’ordre social nous révèle le sens que nous donnons à notre mode de gestion collective.
Jetons un coup d’œil dans notre entourage, nous verrons que dans les familles, un oncle ou  n’importe quel chef de famille détourne et dilapide les biens indivis familiaux. C’est monnaie courante sauf que nul ne réalise et ne prend conscience qu’il s’agit d’une maladie chronique qui s’érige en endémie dangereuse pour notre économie, pour notre société puisque cela concerne chacun de nous.

La corruption est l’un des phénomènes les plus étudiés au monde, le plus combattu aussi, avec des résultats plus ou moins probants.
Je salue l’initiative politique prise par le gouvernement actuel. C’est une volonté politique salutaire. Cependant, comme j’ai essayé de poser le débat ici, il faudrait une approche plus profondément sociologique qui  permettrait de faire le bon diagnostic du mal.

L’approche juridique est nécessaire mais ne suffit absolument pas, car, vous conviendrez, qu’il ne s’agit pas d’une délinquance qui touche une petite minorité de la population. il ne s’agit pas d’une pratique qui concerne une petite poignée de délinquants que les tribunaux pourraient sanctionner. Il s’agit d’un mal qui touche non seulement chacun de nous. Pire encore. Le phénomène gangrène toutes les couches et toutes les institutions de la société.

Cette manière corrompue de gérer et de faire fonctionner notre société a atteint un point tel que les rarissimes individus qui ne détournent pas les biens publics sont honteusement considérées dans leurs villages comme des loosers, des moins que rien. Tout simplement.

La question que je me pose, enfin, après avoir dit tout cela est la suivante :

Comment éradiquer un mal qui attaque une société dont les membres ne se reconnaissent pas malades mais, au contraire, pensent que le mal n’est mal que quand c’est un ministre qui en est  possédé ?

SAID HALIFA 

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