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De l’objet du droit

Opinion libre: Actuellement aux Comores, un débat passionné anime les esprits. A l‘origine de tous ces remous, des décisions du président Azali ASSOUMANI, qui ont consisté en la suppression de la Cour Constitutionnelle et en la tenue d’un référendum portant sur l’adoption d’une nouvelle Constitution. Ainsi le référendum a été organisé le 30 juillet dernier, malgré le boycotte de l’opposition et les nombreuses mises en garde de la communauté internationale. Le fond du débat est à la fois politique mais aussi juridique.

Le plus communément, le droit renvoie à l’ensemble des règles posées par les humains pour régir la conduite de l’Homme en société et les rapports sociaux. Il est donc établi par la collectivité pour discipliner sa vie. Chaque société se définit par un cadre juridique qui lui est propre. Le droit d’une société se trouve à sa naissance limité et il progresse, rapidement ou lentement, en fonction de l’évolution de la collectivité qui lui donne naissance et proportionnellement au mouvement du progrès de l’esprit, des sciences et des arts dans cette collectivité. Autrement appelé droit positif, il s’oppose au droit divin.
Le droit divin, au sens conventionnel, représente l’ensemble des dispositions et des normes doctrinales, cultuelles, morales et relationnelles édictées par Dieu, via l’un de ses messagers, pour amender la vie des humains et combler leurs aspirations au bonheur dans ce monde et dans l’au-delà.
Il existe plusieurs différences entre les deux systèmes, mais nous observons aussi quelques similitudes, comme la hiérarchie des normes.

La hiérarchie des normes est un classement hiérarchisé de l’ensemble des normes qui composent le système juridique d’un Etat de droit pour en garantir la cohérence et la rigueur. Elle est fondée sur le principe qu’une norme doit respecter celle du niveau supérieur et la mettre en œuvre en la détaillant. Dans un conflit de normes, elle permet de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur la norme qui lui est subordonnée. Ainsi, en règle générale, une décision administrative doit respecter les lois, les traités internationaux et la Constitution. C’est le conseil constitutionnel qui se veut être le dernier échelon du droit. Seul le peuple peut se trouver au-dessus du conseil constitutionnel. Durant mes cours de droit, un de mes enseignants de droit constitutionnel, le défunt Guy Carcassonne nous martelait que le plus important dans la hiérarchie des normes, c’est le respect de cette hiérarchie, de par le respect des normes elles-mêmes et des institutions.

Monsieur Azali ASSOUMANI ou «al imam Azali », n’est pas sans savoir que dans le droit musulman c’est l’imam Muhammad Ibnou Idriss Ash-Shâfi, qui a le premier mis par écrit avec une façon méthodique, la hiérarchie des normes ainsi que l’étude des sources du droit islamique à travers la science de Usul-al-fiqh (sources du droit). Une des définitions de la science de Usul-al-fiqh, est la connaissance des normes et procédures permettant d’extraire des dispositions normatives pratiques au travers de leur source analytique.
Les Usûliyyûn (juristes musulmans) ont établi une hiérarchie des sources du droit, à savoir des sources scripturaires et des sources rationnelles.
Les sources scripturaires sont le Saint Coran et la Sunnah du Prophète Muhammed (paix et bénédiction sur lui).
Les sources rationnelles sont l’Ijma (le consensus), le Qiyâs (l’analogie), la Maslahah Mursalah (l’intérêt général), l’Istihsân (la préférence).

L’objet du droit dans les deux systèmes peut se rapprocher d’un point de vu de l’entendement humain, mais ce n’est pas du tout le cas d’un point de vu conventionnel.
En droit positif, le droit est là pour assurer un ordre social, répondre à un besoin de sécurité et de stabilité des individus qui composent cette société.
En droit musulman, en plus des éléments mentionnés ci-dessus, le droit vise à établir une société vertueuse où règne l’amour, la compassion, la justice et ce sous trois aspects :
– L’amendement de l’individu pour qu’il soit une source de bien pour sa communauté et ce à travers les Ibadats ou pratiques cultuelles, qui ont pour objectif de polir le caractère et de réformer les mœurs.
– L’établissement de la justice au sein de la société, que ce soit envers les étrangers, les adversaires et les ennemis.
– Réaliser l’intérêt de l’Homme et le prémunir contre torts et préjudice, à court terme et long terme.
Sur la base de ces éléments, nous faisons le constat qu’ils existent plusieurs anomalies, ou en tout cas un manque de cohérence dans les dernières décisions prises par le pouvoir. Ces anomalies s’apparentent à des erreurs politiques, juridiques et religieuses pour les raisons suivantes :
– La décision de Mr Azali ASSOUMANI de modifier le statut de la Cour Constitutionnelle de façon unilatérale est une erreur juridique car la Cour Constitutionnelle faisait partie intégrante des institutions de l’Etat jusque-là. Toute modification de son statut demandait une modification de la Constitution au préalable. Toute modification aurait dû être incluse dans la nouvelle proposition de Constitution, donc soumise au résultat du référendum au préalable.
Cette décision unilatérale est aussi une erreur politique car elle fut le point de départ de la grogne de l’opposition, mais aussi l’argument pour dénoncer un coup d’état institutionnel.
– Cette situation de référendum a conduit à une situation d’instabilité et d’insécurité sur le territoire national, jusqu’au point que le pays est devenu le centre d’attention des principales organisations internationales, telles les Nations Unis, l’Union Africaine etc. Donc le président Azali ASSOUMANI a contribué à l’instauration d’un climat de désordre public, et surtout à nuire à l’image du pays à l’étranger. Ceci va à l’encontre de ses missions en tant que chef d’Etat.

– Monsieur Azali ASSOUMANI n’applique pas la Constitution actuelle, qui stipule que les Comores sont un pays musulman. Or l’Etat dans son fonctionnement ne démontre en rien qu’il est Musulman :
o L’Etat ne contrôle aucunement l’enseignement de l’Islam
o L’Etat n’utilise aucunement les normes de l’Islam en matière de justice. Bien au contraire, ce sont les voleurs, les violeurs et les délinquants qui font la loi. Aux Comores, c’est la corruption qui est la première source du droit, et ce au vu et su de tout le monde.
o L’Etat ne suit aucunement les sources du droit musulman, pour fixer les dates des fêtes religieuses. Aujourd’hui les Comores font parties des exceptions dans le monde Musulman, et ceci ne peut plus durer car cela créer du désordre public à chaque fête religieuse.

– La nouvelle proposition de Constitution met une nouvelle définition des Comores, en restreignant la définition de son peuple, à savoir Musulman sunnites. Or cette notion est erronée et dangereuse. Qu’est ce qui définit un Comorien, si ce n’est les liens du sang? Monsieur le président, il faudrait être Musulman avant d’être sunnite. Or l’Etat Comorien que vous présidez est-il Musulman (je ne parle pas des habits ni de la taille de la barbe)? Voulez-vous dire que seuls les Musulmans peuvent habiter aux Comores ? Je vous renvoie vers le traité de Médine, autrement appelé la Sahifa, qui établit un Etat où non Musulmans et Musulmans peuvent cohabiter ensemble. Un Etat Musulman n’est pas un territoire qui regroupe un ensemble de personnes qui se prétendent être Musulmans, mais c’est un territoire où justement la source du droit et la gestion de l’Etat, s’inspire à minima des normes Musulmanes. Sur cette base, l’Etat comorien n’a absolument rien de Musulman, bien au contraire, comme l’a si bien dit Mohammed Bajrafil, dans des termes similaires : l’Etat français est bien plus Musulman que l’Etat Comorien à bien des égards.

Protéger les Comores de demain, c’est protéger les éléments de stabilité d’aujourd’hui, dont le droit institutionnel. Protéger les Comores de demain, c’est initier des réformes de fond, et non pas des réformes de façade et populiste en vue de satisfaire un besoin personnel. Le vrai responsable politique, qui plus est se veut être patriote, se doit d’être légaliste et défendre avant tout les intérêts de la nation.
Par Bendjadid AHAMED

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1 commentaire sur De l’objet du droit

  1. bien dit nous avons besoin des gens comme vous pour inciter le peuple comorien à évoluer sur le plan mental afin que nous puissions dans un avenir proche inchallah mener une revolution réelle et nous soulevons contre toute forme d’injustice et de dictature et cela doit forcément passer par des arguments comme les votres et non par des insultes comme certains articles que l’on trouve souvent

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