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Des boutiques appartenant aux Comoriens nés à Anjouan marquées d’une croix rouge à Moroni

Photos prises à Magudju à 08h56 ce samedi 21/02/2015
Photos prises à Magudju à 08h56 ce samedi 21/02/2015
Photos prises à Magudju à 08h56 ce samedi 21/02/2015

Ce matin Moroni s’est réveillée souillée. Des imbéciles ont marqué d’une croix rouge les boutiques appartenant aux Comoriens nés à Anjouan et/ou parlant anjouanais.
Je veux croire que chacun d’entre nous, à commencer par le gouvernement et toute la chaîne d’autorités qui va du quartier à Beit-Salam dénoncera cette dégradation de la propriété privée, porteuse de stigmatisation, de discrimination et de division nationale
Je ne vais pas faire usage de mots appris dans des manuels scolaires que les grands états réputés vertueux piétinent parfois, s’agissant de pays pauvres et de citoyens défavorisés.
J’agis ici en tant que Comorien, Mgazidja, Moronien. Natif des Comores, pays mosaïque qui a su lier les différentes composantes des 4 coins de l’Océan Indien et au-delà, en un peuple. Un peuple turbulent, nombriliste, certes mais paradoxalement accueillant.
De Ngazidja, où le nouvel arrivant au village, quelle que soit sa couleur, ses origines et même sa religion, une fois qu’il est entré dans le groupe d’âge et respecte les règles en contribuant à la vie de la communauté se voit garantir ses droits de citoyen. De nombreux Anjouanais sont des chefs de Hirimu dans les villages de Ngazidja.
De Moroni, qui fût capitale économique dans ma prime enfance, avec la Banque de Madagascar et des Comores, le port, la chambre de commerce la plus dynamique des 4 îles, bien avant que les Administrateurs français et les colons – dont les Mack Lucky, les Angot qui avaient quitté Anjouan après la dévastation de l’île par le cyclone de 1950- ne demandent l’installation de la capitale politique. Dans les années 50 et 60 de mon enfance, les boutiques voisines de celle de mon père à Badjanani, étaient tenues déjà par des Galfanes, des Nomanes , des Sidi, desCombo …. anjouann
Moroni, s’est toujours conduite comme capitale (de caput, capitis = tête en latin) et sut attirer et accueillir les bons artisans, les lettrés, les entrepreneurs, les bons commerçants, les boutriers… On peut citer les Saher, les Mbechezi, les Mdjasiri artisans qui ont fait l’essor de Magudju, le Grand Mufti Said Mohamed Abdourahamane, Djosi Mlanao et Mswali Sambaouma qui ont porté l’art de la menuiserie sculptée au plus haut point, Fundi Abdoulhamid, les Sidi, les commerçants Sam, Chalma, les Kalfane, les Faveto, les Justin, et mon père, commerçant, entrepreneur, libraire et importateur de livres de Fiqh, les boulangers Mshinda et Mohamed Soilih, j’en oublie, j’en oublie et des meilleurs.
Je ne parle ni d’état, ni de république. Les Comoriens avec toutes leurs différences forment le peuple le plus homogène que je connaisse des 60-70 pays que j’ai visités. Il y a moins de différence entre un Mgazidja et un Anjouanais, entre un Mohelien et un Mahorais qu’entre un Chtimi et un Languedocien, qu’entre un Ecossais et un Cockney, qu’entre un Bostonien et Floridien, pour ne pas parler des différences entre Suisses romands et Alémaniques. Nous sommes l’un des rares peuples dont toutes les composantes se comprennent depuis des siècles avant l’école obligatoire, l’armée, le cinéma, la radio et la télé. Un état, lui, se construit par la volonté du peuple et se disloque par la démission de ses habitants. Je ne suis pas naïf, et comme un chacun, je suis témoin des discours, manœuvres, regroupements chauvins, « iliens », pour s’arroger plus de gâteau à travers l’état, faute de le créer par le travail et le développement économique. Si l’élite de ce pays – de ces îles – se réfugie dans les manœuvres politiciennes, les tentations séparatistes opportunistes, l’archipel restera 4 îles sœurs en tout, mais se disloquera encore plus. Le choix est notre.
En attendant puisque nous sommes –encore ? Un état, ceux qui affirment en être responsables doivent plus que s’essayer à l’application des lois pour trouver les irresponsables qui veulent semer la terreur chez des commerçants qui paient leurs taxes et leur loyer et ont droit à la sécurité de leur personne et de leurs biens. S’il s’avère que ces imbéciles barbouilleurs aspirent à nous signifier un message politique de division et de haine, il y a des lois encore plus sévères pour ça. Espérons que notre gouvernement, ces derniers temps, n’a pas fatigué durablement ses policiers et gendarmes en les faisant mater, arrêter, battre et blesser grièvement de paisibles citoyens qui ne veulent que l’électricité et l’eau. Quant à nous autres, citoyens, nous ne tolérerons aucune menace, aucune violence contre un habitant de ce pays, fût-il étranger. Et encore moins à Moroni, creuset où se forgent la nation et, si on a la volonté de le construire, l’état.

Said Mchangama, président de la Fédération Comorienne des Consommateurs (Fcc)

anjouann

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