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Droit de réponse à Abdelaziz Riziki Mohamed: Pour les intellectuels

Djamal-MsaDepuis bien longtemps, Abdelaziz Riziki Mohamed inaugure, quand il traite un sujet sur les Comores, une grammaire inscrite dans des formes brutes, brutales, et d’une manière ostentatoirement vulgaire. Il se livre à une entreprise d’habilitation du minoré, du refoulé, du naturel. Tout ce qui se dégage dans son lexique tourne autour d’un « langage des tripes ». Un langage qui décrédibilise en somme, l’intelligentsia en général et l’intelligentsia comorienne, en particulier.

Ce langage de tripes commence par son premier livre Les institutions d’un État mort-né. Un livre d’une critique négative à la fois envers les institutions, les structures, et les élites. On n’y rencontre point l’esprit de la nuance. Treize ans après, l’homme n’a pas évolué, sa pensée non plus. Avec lui, le monde comorien est tout noir. Les élites, pour lui, sont toutes « incapables, incompétentes ».

Dans une tribune publiée sur son blog lemohelien.com le 25 novembre 2014, il fustige les intellectuels comoriens d’être trop « fainéants, maudits, rouillés, stériles et finalement, improductifs ».

Je lui laisse ce terrain d’émotivité, de l’anathème, de la malédiction, un terrain où il est le plus doué, et maîtrise bien le jeu (d’émission du jugement moral) comme la règle du jeu (n’épargner personne) mieux que personne. Je m’intéresserais plutôt de ce qu’il appelle « intellectuels improductifs, incapables de produire de sens. » Sur ce point, je pense que son réquisitoire souffre d’une défaite sinon d’un déficit d’analyse et d’argumentaire.

Pour donner une description proche de la réalité, il me semble qu’il faut tracer les grands traits de mouvement, de foisonnement intellectuel en œuvre au sein de la diaspora comorienne.

Il n’est pas nécessaire de rappeler l’activité de la Revue TAREHI, Ya Mkombe, les activités d’ordre intellectuel qui anime la vie intellectuelle comorienne, la naissance de plusieurs maisons d’éditions, l’organisation de multiples événements culturels, la prolifération progressive de nouveaux auteurs, l’appétence relative et le rapport enchanté avec le livre et avec la culture. On voit ici et là des formes de solidarités électives qui s’organisent autour des idées… La plume a repris ses droits. D’autres formes d’expression sont nées. De nouveaux intellectuels inventent et expérimentent ce que Pierre Rosanvalon appelle la démocratie d’expression. Tous les mécanismes qui associent les épreuves de contestation, de dénonciation, de formulation de jugement sur les gouvernants et leurs actions. On peut même dire qu’un système de démocratie d’alerte, de veille est en gestation sur le Web.

Ces intellectuels ne sont pas du tout atones ni inutiles. Ils sont nombreux à signer des pétitions, à organiser de manifestations, à réaliser des happenings. La contestation sous forme artistique s’invite dans ce foisonnement intellectuel. À Moroni, le théâtre, la chorégraphie (avec 100 Blagues), le spectacle vivant avec Souef Elbadawi, les magazines littéraires avec Aboubacar Saïd Salim, l’animation des conférences avec Mistoihi Abdillahi, la cinématographie avec Hachimia Ahamada, l’expression de la mode, Hayati Chayehoi ou Sakina Msa…

Même dans le domaine politique, les intellectuels sont très  actifs dans la vie politique française. Dans une conférence tenue à Sarcelles  le 29 novembre 2014, Madame Fatima Tabibou, cadre de la diaspora comorienne, se félicite de la représentation d’un certain nombre d’élus d’origine comorienne dans certaines grandes villes de France. À Dunkerque, Mradabi Ali était le premier élu noir.

Des initiatives individuelles sous le modèle d’un engagement militant intellectuel se profilent avec les 4 questions d’Irchad Abdallah, qui interpellent, interrogent et qui essaient d‘élever le débat sinon d’y participer. D’autres jeunes intellectuels, hommes et femmes s’invitent dans des révoltes mesurées et civiques à l’instar d’Abu Hachimia. La dissémination de la parole, de la parole publique est généralisée.

Tous ces mouvements hétéroclites, aux profils différents, se croisent ou s’opposent sans pour autant verser dans une politique de mépris.

La peur de la chute, la peur de la déchéance morale, et le sentiment de ne pas se laisser aller, de ne pas descendre sur l’échelle la plus basse de la morale conduisent ces nouveaux intellectuels à porter une attention spécifique sur ce qui élève, sur ce qui est plus haut sur la hiérarchie de la légitimité culturelle… Cet ensemble de pratiques est un moteur de distinction et d’élévation.

Si l’on peut constater un déclin sinon un retard de production académique, tel phénomène n’est pas du tout lié à une malédiction de l’intellectuel lui-même, mais plutôt à des conditions structurelles dans le domaine académique et politique. Vouloir juger le niveau de production intellectuelle au prisme de la taille et du volume de la production culturelle de Madagascar par exemple est en soi un comparatisme anachronique. Les Comores ont une histoire récente, académiquement embryonnaire. L’histoire du système scolaire est elle-même relativement nouvelle. Le rapport qu’entraînaient les familles comoriennes avec l’école était jusqu’à un passé récent conflictuel. Ce qui n’était pas favorable au développement rapide de la science et de la créativité.

Ce sont ces conditions sociales, historiques de production qui donnent en partie une explication à cette lente, mais prometteuse vie intellectuelle. C’est dire qu’insérer l’analyse dans un cadre multisectoriel, on gagne beaucoup en compréhension de nombreux phénomènes, d’apport à la culture.

Toutefois, on peut effectivement signaler une certaine forme de désajustement chez quelques individus transplantés pourtant intellectuellement dotés de ressources capables de contribuer à l’élévation du débat. En lieu et place de cette élévation, ils étouffent le débat public. Mais ce phénomène ne relève pas de la « fainéantise ni de la damnation ». Il s’agit des cas de ce que Pierre Bourdieu appelle « transfuges ». Des intellectuels qui ont bénéficié en raison de leur trajectoire scolaire d’un déplacement sur l’échelle de la légitimité culturelle, mais vivent en contradiction entre les valeurs de leur classe d’origine très éloignée de la culture légitime et celles de leur classe d’accueil, de leur classe de situation. C’est-à-dire qu’ils peuvent reprendre des dispositions populaires quand ils sont avec leurs familles d’origine et en même quand ils sont avec leur nouveau milieu, exprimer un goût différent, des appétences différentes, un mode de langage très différent de leurs parents.

Malgré ce désajustement de certains intellectuels comoriens, ces derniers répondent à leur façon au rôle de l’intellectuel au sens de Paul Nizan. Ils alertent, ils avertissent, ils dénoncent et ils ne sont pas toujours du même côté de la barricade.

Quand Abdelaziz Riziki parle de la malédiction pour assener cette nouvelle génération d’intellectuels, « ces fainéants, ces inutiles » selon lui, on ne sait de quelle malédiction il parle.

Par contre, on sait que sa méthode et l’appareillage technique qu’il mobilise s’éloignent de plus en plus de la civilité intellectuelle. Car au lieu d’énoncer, d’alerter, il insulte, il méprise, il agresse en faisant usage excessif d’un lexique fortement étranger du milieu proprement intellectuel, haut lieu de la culture légitime.

Son jeu qui le fascine est loin de produire du sens. Il produit de la haine et du chaos moral. Ne participant pas et voire évitant le débat, il le rabaisse. Il livre en pâturage le petit jardin de toute l’élite comorienne, pour bien haïr, pour bien jalouser, pour bien tirer les gens vers le bas, et delà il tombe dans une médiocrité totale.

Au lieu de donner au nom de la science et par la science des instruments de défense contre les violences qui étouffent, contre toutes formes de domination, il défait et délégitime l’arme de la science qu’il prétend utiliser à mauvais escient. Ne voulant concilier l’éthique de la responsabilité avec l’éthique de la conviction, dont parlait Max Weber, il n’a aucune inclination pour Montaigne de qui on doit la célèbre phrase, « une science sans conscience n’est que ruine de l’âme.»

Peut-être la ligne éditoriale qu’il adopte et la forme vulgaire, grossière, brutale, agressive qu’il mobilise, tende à l’enchanter de lui-même, à cultiver sa réputation sulfureuse et auto suicidaire.

Mais on peut regretter que l’instrument qu’il détient, le blog, ne tienne pas lieu d’analyse des conditions concrètes d’expression des savoirs et d’invention critique propre à susciter l’innovation intellectuelle.

Je dois encore répéter que la conquête de l’autonomie du champ intellectuel ne peut sans doute s’effectuer sur le terrain de la haine. Car l’élection académique et intellectuelle a partie liée avec le dépassement de soi et avec la volonté de dire vrai dans des formes culturellement et conventionnellement plus hautes et attestées.

MSA ALI Djamal

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1 commentaire sur Droit de réponse à Abdelaziz Riziki Mohamed: Pour les intellectuels

  1. Eh oui Abdelaziz Riziki Mohamed alias ARM, perché sur ses doctorats considère les gens comme des petits fourmis. Ce chantre de l’autosuffisance est un des rares personnes si ce n’est le seul qui semble tout connaitre et tout maitriser. Attention, il ne faut se hasarder à lui défier, car devant lui personne ne fait le poids. Il a atteint le summum de la connaissance mais aussi le degré le plus élevé des insultes. Et sur ce dernier point, on peut dire qu’il a dépassé les personnages de l’Ecole de Bangano de notre illustre Fundi Mohamed Toihiri. Quand il commente l’article de qui que ce soit, il commence par des railleries enfantines, critique le niveau du français qu’il qualifie habituellement de ‘’français de manioc’’. Quand il ne trouve pas à dire sur la sémantique, ce qui est rare chez lui, c’est plutôt sur la personne qu’il va s’attaquer. Dans une de ses dernières attaques livrées au Comité Maore (une de ses cibles préférées), il a élargie son champ de bataille en s’attaquant à Soeuf Elbadaoui qui s’exprimait par rapport au refus du Ministère de l’Intérieur sur la mise en mise en place d’une stèle en l’honneur des victimes du visa Balladur. Son attaque contre Soeuf Elbadaoui commença par ‘’Et pour avoir quelque chose à dire, Soeuf Elbadaoui…’’. Là je fus frappé de stupeur car je reconnaissais ARM par son inégalable insolence mais je ne savais pas qu’il avait d’autres maladies dont el trouble de la mémoire; et ma foi j’ai eu pitié. Mais qui ne connait pas Soeuf Elbadaoui pour dire qu’il cherchait à avoir un mot à dire. S’il y a des gens qui profitent des occasions pour se faire voir, Soeuf Elbadaoui n’en fait pas partie, à ma connaissance. Ce qu’il a à dire, il le dit toujours haut et fort et sans détours. Et ça, on le voit dans ses publications, ses articles et livres, ses expositions, ces présentations théâtrales,… En lisant cette énième sortie des plus impolies d’ARM, je me suis dit: Grand Dieu le tout puissant, aider ARM à guérir des ses multiples maladies au lieu de lui punir en lui donnant un cœur noir rempli de haine et en lui rendant amnésique ba woyi mwana dja mwana comme disent les comoriens. En plus il est deux fois Docteur2 et notre espoir est qu’il s’en serve pour le bien de l’humanité en général et pour les comoriens en particuliers.
    Un des d’ARM c’est qu’il n’aime pas les arguments contre et il ne supporte pas les critiques. Dans une autre sortie spectaculaire, il s’était attaqué à notre grand Fundi Aboubacar Saïd Salim et quand j’ai lui ai répondu, il n’a pas daigné publier ma réaction. Ce fut dans le blog le Dafiné Mkomori que j’ai pu faire partager ma publication. Pour finir, je vous propose le lien vers l’article de ma réaction pour ceux qui voudraient savoir les propos qu’il a tenu et ma réaction qu’il n’a pas voulu publier. http://dafinemkomori.centerblog.net/2988-comoes-reaction-a-un-article-arm-sur-lemohecom

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