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En Inde, la pendaison d’un séparatiste du Cachemire relance la controverse sur la peine capitale

Un manifestant favorable à l'exécution d'Afzal Guru, le 9 février à Ahmedabad.

Le message de fermeté adressé par le gouvernement indien est sans ambiguïté. Au petit matin de samedi 9 février, le militant séparatiste cachemiri Afzal Guru a été pendu dans la prison de Tihar, près de New-Delhi, une exécution qui confirme le choix de l’Inde de mettre un terme au moratoire appliqué de facto en matière de peine capitale depuis 2004.

Agé de 43 ans, Afzal Guru avait été condamné à mort pour sa participation à l’attaque terroriste sur le Parlement indien le 13 décembre 2001 où quinze personnes – dont huit policiers – avaient péri. Selon les autorités indiennes, l’assaut avait été l’œuvre conjointe du Lashkar-e Toïba (LeT) et du Jaish-e Mohammed, deux groupes djihadistes basés au Pakistan. Dans le contexte de l’après 11-Septembre, cette attaque au cœur de la capitale indienne avait connu un énorme retentissement et placé l’Inde et le Pakistan au bord d’un nouvel affrontement armé.

COUVRE-FEU

Inquiet d’éventuelles réactions violentes à l’annonce de la pendaison d’Afzal Guru, le gouvernement de New-Delhi a décrété samedi le couvre-feu dans certaines parties du Cachemire, Etat fédéré à majorité musulmane qui constitue la principale pomme de discorde entre l’Inde et le Pakistan. Des renforts de police ont été déployés à Srinagar, la capitale du Cachemire indien, pour parer à toute éventualité.

Photo datant de 2002 et montrant Afzal Guru lors de sa comparution devant le tribunal de New Delhi.

L’exécution d’Afzal Guru est la seconde intervenant en Inde en moins de trois mois. Le 21 novembre 2012, le Pakistanais Mohammed Ajmal Kasab, unique survivant du commando djihadiste ayant pris d’assaut des lieux symboliques de Bombay (166 morts), avait également été pendu. Il s’agissait de la première peine capitale exécutée depuis 2004, date à laquelle le parti du Congrès (centre-gauche) alors revenu au pouvoir avait décidé un moratoire de facto sur le châtiment suprême.

Alors que les prochaines élections législatives du printemps 2014 s’annoncent difficiles pour le parti du Congrès, le gouvernement a vraisemblablement souhaité afficher une posture d’inflexibilité en matière de lutte anti-terroriste. Mais les organisations de défense des droits de l’homme s’alarment de ce raidissement. Meenakshi Ganguly, la directrice du Human Rights Watch (HRW) pour l’Asie du sud, a déploré samedi « une tendance inquiétante ».

SÉPARATISTES SIKHS

L’enjeu autour de la pendaison d’Afzal Guru est d’autant plus chargé que d’autres condamnations à mort à forte résonnance politique sont en instance d’exécution. Parmi les cas les plus sensibles figurent deux militants séparatistes sikhs, Balwant Singh Rajoana et Dravindrapal Singh Bhullar, impliqués dans l’assassinat en 1995 du premier ministre du Pendjab ; et surtout trois Tamouls – Santhan, Murugan et Perarivalan – complices de l’assassinat en 1991 de l’ex-premier ministre indien, Rajiv Gandhi, dont la veuve Sonia Gandhi est aujourd’hui la présidente du parti du Congrès.

Une manifestation hostile à Afzal Guru, le 9 février à Ahmedabad.

Dans ces deux affaires, de vives pressions émanant de groupes sikhs du Pendjab ou de milieux tamouls du Tamil Nadu ont retardé la mise en œuvre des sentences. Après la récente double exécution de Mohamad Ajmal Kasab et d’Afzal Guru, le gouvernement de New Delhi va devoir faire face à un dilemme : refuser les exécutions des militants sikhs et tamouls l’exposerait à l’accusation de nourrir un biais anti-musulman ; les accepter risquerait de projeter à l’extérieur l’image d’un Etat devenu répressif. Le débat sur la peine capitale en Inde est en passe d’être relancé en Inde dans une atmosphère passionnée.

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