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EXCLUSIF. Mayotte : des avocats sous surveillance

Après les juges, les avocats… L’affaire des « fadettes » au tribunal de grande instance de Mamoudzou à Mayotte que nous dévoilions mardi n’en finit pas de faire des vagues. Le Point est en mesure de révéler que le vice-président chargé de l’instruction de ce tribunal ne s’est pas contenté de faire les « fadettes » de ses collègues de bureau, il a aussi fait celles de quatre avocats. Et ce, toujours avec l’assentiment de sa hiérarchie.

En complément de la commission rogatoire délivrée le 12 mars 2012 dans le cadre d’une information ouverte pour « violation du secret de l’instruction, et recel de violation », le juge Marc Boehrer a demandé l’exploitation des « fadettes » des lignes téléphoniques utilisées par quatre avocats de la défense, dont celles de l’homme politique Me Saïd Larifou. La justice cherche à savoir si l’un d’entre eux a fait « fuiter » dans le journal local Upanga des informations relatives à une affaire sensible concernant le décès d’une lycéenne de 18 ans, Roukia, morte par overdose. Un dossier sensible dans lequel plusieurs gendarmes du Groupement d’intervention régional ont été mis en cause.

Le juge Hakim Karki, chargé de cette affaire, soupçonne ces fonctionnaires d’avoir organisé sur l’île une partie du trafic de stupéfiants dont serait issue l’héroïne fatale à la jeune fille. Fâcheuse coïncidence, depuis le début de son enquête, le juge Karki semble subir de la part de sa hiérarchie de multiples pressions et brimades. L’espionnage de ses lignes téléphoniques – GSM compris -, de celles de sa greffière et d’un de ses collègues de travail, dans le cadre d’une ouverture d’information pour « recel de violation du secret de l’instruction, » perçue comme un prétexte, apparaît comme une nouvelle tentative de déstabilisation.

Pression supplémentaire, l’espionnage s’élargit désormais aux avocats de la défense qui, comme par hasard, ont soutenu publiquement le juge contre sa hiérarchie qui voulait dépayser le dossier il y a un an. Dans le complément de la commission rogatoire que Le Point s’est procurée, il est indiqué que quatre avocats de la défense, Me Jacques Tchibozo, Me Fatima Ousseni, Me Nadjim Ahamada et Me Saïd Larifou, ont obtenu la copie du dossier d’instruction de la mort de Roukia dans une période correspondant à la parution de l’article incriminé. Ce même document, transmis à l’Office central pour la répression des violences aux personnes, service chargé d’effectuer la sale besogne, précise qu’il « conviendra de circonscrire l’exploitation de celles-ci entre le 12 mai 2011, date de la rédaction du procès-verbal objet de la violation du secret de l’instruction, et le 10 novembre 2011, date de la publication de l’extrait du P-V en question dans le journal Upanga« .

La loi veut que lorsqu’un avocat est placé sur écoutes, le bâtonnier en soit averti. Une obligation qui ne vaut pas pour les « fadettes », même si l’usage veut qu’on avertisse le bâtonnier quand les communications téléphoniques d’un avocat sont épluchées par la justice. Ce qui n’a pas été le cas, selon nos informations.

Cette affaire de « fadettes » qui a déjà provoqué de vives réactions chez les magistrats devrait aussi provoquer de gros remous au sein du barreau de La Réunion, et d’autres en France. Joint par téléphone, Saïd Larifou, l’un des avocats espionnés, se dit « indigné ». Candidat à l’élection présidentielle de 2002 en Grande Comore de 2002 et leader du principal parti d’opposition là-bas, l’avocat estime qu’il s’agit d' »une atteinte dangereuse et préoccupante aux droits de la défense ». Le conseil se réserve tout droit de recours judiciaire si les faits sont avérés. « En toile de fond de cette affaire, il y a le décès d’une jeune fille de 18 ans, morte d’overdose à cause d’une dose d’héroïne que les gendarmes sont accusés d’avoir mise en circulation. Il ne faudrait pas l’oublier… »

Source : le Point.fr

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