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Expulsions des Comoriens des autres îles à Mayotte : Une note de service sème le malaise à Ndzuani

Aussitôt signée, la note interdisant l’expulsion vers Ndzuani des Comoriens des autres îles établis à Mayotte a été annulée par le directeur régional adjoint de la police. Sans aucune explication. Qui lui a tenu la main ? Le nouveau gouverneur de l’île est-il pour quelque chose dans tout cela ? Qu’en pense le ministre de l’Intérieur, qui aurait été à l’origine de la première note ? Autant de questions qui restent jusqu’ici sans réponse. En tout cas, ce n’est pas la première fois que le gouvernement comorien se prend les pieds dans le tapis.

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Suite aux violences et autres exactions dont sont aujourd’hui victimes les Comoriens des autres îles à Mayotte, le directeur régional adjoint de la police et de la sureté nationale à Ndzuani avait, dans une note publiée hier, ‘‘interdit d’accepter toute embarcation des personnes faisant l’objet de reconduite aux frontières en provenance de Mayotte’’ et ce, a-t-il précisé, sur instruction du ministre de l’Intérieur. Mais quelques heures plus tard, le même commandant de police, Ismael Kaambi, a signé une seconde note annulant la première sans avancer la moindre explication.

Une seconde note annulant la première

Ce revirement spectaculaire nous rappelle un autre épisode, encore plus humiliant, de ce bras de fer permanent entre Moroni et Paris sur la question de Mayotte. En effet, le 15 mars 2011, une note du ministère comorien de la Défense exigeait la présentation d’une pièce d’identité‘‘à tout passager empruntant un avion ou un bateau à l’entrée comme à la sortie des postes frontaliers des Comores pour des raisons de sécurité’’.

Cette mesure, arrêtée en conseil des ministres, s’inscrivait dans un plan de riposte aux ‘‘provocations’’ de la France, qui avait alors accentué la chasse aux sans-papiers français. La note avait provoqué l’ire du président français Nicolas Sarkozy, connu pour sa ‘‘politique du chiffre’’ et qui entendait faire du nombre de ces expulsions un argument de campagne, à seulement une année de l’élection présidentielle.

Une ‘‘honteuse reculade’’

Quelques jours plus tard, l’ambassade de France à Moroni avait sorti un communiqué dans lequel elle disait ‘‘regretter cette décision unilatérale’’ avant de manier le bâton : ‘‘Dans le cas où les autorités comoriennes appliqueraient leur décision, la France mettra en œuvre toutes mesures de restriction dans la délivrance des visas pour les ressortissants comoriens à destination du territoire français’’.

Rien que ça ! Puis, deux jours après, dans un courrier adressé au ministère comorien des Relations extérieures, le service consulaire précisera qu’il ‘‘ne recevra pas de passeports diplomatiques comoriens, ni de passeports de service’’, jusqu’à nouvel ordre. Mais, une semaine plus tard, patatras ! Le gouvernement comorien a battu en retraite et opéré une ‘‘honteuse reculade’’.

L’histoire serait-elle en train de repasser les mêmes plats ? Il faut dire qu’hier mardi, une information relayée par la télévision Mayotte Première faisait état d’un départ du bateau Maria Galanta de Mayotte vers Ndzuani‘‘sans  clandestins  à bord’’. Maria Galanta est, pour rappel, l’un des bateaux de la compagnie Sgtm (Société générale de transports maritimes), qui est liée avec la préfecture de Mayotte par un contrat de reconduite aux frontières des Comoriens des autres îles considérés comme en situation irrégulière.

Une rumeur prêtait au tout nouveau gouverneur de Ndzuani, Abdou Salami Abdou, la décision de cette interdiction. Mais, un de ses proches, contacté vers 15 heures, a dit n’avoir rien appris de tel. «Je ne crois pas du tout. Il n’a encore pris aucun acte. Je viens de Dar-Nadjah», nous a-t-il répondu.

Brûler Maria Galanta

Interrogée à son tour, la compagnie elle-même dit avoir bien été interdite de débarquer des refoulés de Mayotte à Ndzuani, mais pas par l’exécutif  anjouanais.
«Hier [lundi] Maria Galanta a débarqué des clandestins au port de Mutsamudu mais ne s’est pas arrêté au port ; il est reparti aussitôt pour Mayotte, craignant pour sa sécurité.

Aujourd’hui, je ne suis pas allé au travail mais mon collègue qui est à l’agence m’a confirmé qu’un policier du service de l’immigration lui avait apporté une note émanant du ministère de l’Intérieur et interdisant à notre compagnie de transporter des clandestins ici jusqu’à nouvel ordre’’, nous a déclaré Youyou, employé de l’agence Sgtm à Mutsamudu.

Auparavant, la compagnie Sgtm elle-même a reçu des menaces de la part de simples citoyens anjouanais, remontés contre les actes de violence commis actuellement à Mayotte par des groupes de casseurs contre les Comoriens originaires des trois îles indépendantes de l’archipel.

Dimanche 22 mai à Mutsamudu, une manifestation populaire, au début pacifique, a fini devant le siège de l’agence. ‘‘Nous vous envoyons dire à vos responsables que la prochaine fois que Maria Galanta débarquera ici avec des clandestins, nous le brûlerons. Transmettez donc le message et pas de commentaires !», s’était adressé aux employés de Sgtm le porte-parole des manifestants. 

Vendredi dernier, soit deux jours avant, des dizaines de gens avaient déjà battu le pavé après la grande prière à Mutsamudu, pour dénoncer cette vague de violence à Mayotte. ‘‘Non à la xénophobie en Union des Comores’’, pouvait-on lire dans une des banderoles. Cette ‘‘marche de solidarité avec les familles maltraitées à Mayotte’’ est l’initiative de la Maison des organisations de la société civile (Mosc) et de simples citoyens.

Mohamed Inoussa
et Sardou Moussa / Alwatwan

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