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Hamada M. Boléro, Directeur de cabinet du chef de l’Etat, sur les Jeux de 2019 : «Il ne s’agit pas d’une concurrence entre les Etats»

JEUX DES ILES. «On a l’impression que Maurice et l’Union des Comores sont en compétition pour l’organisation de ces jeux alors que ce n’est pas le cas. Je  vous assure aussi que les relations entre nos deux pays sont excellentes et à un niveau très élevé. En fait, ce qui a manqué donc au fonctionnaires du Conseil international des jeux, c’est d’étudier la géopolitique de la région. »

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Al-watwan:. Le Conseil international des jeux a attribué à Maurice, contre toute attente, l’organisation des jeux 2019 qui était initialement confiée aux Comores. Comment avez-vous accueilli cette décision?

HMB.: On ne s’y attendait pas et moi, personnellement, encore moins. Je dois rappeler que le Cij est un conseil permanent international des jeux auquel participent des fonctionnaires. Ce n’est pas une réunion ministérielle. C’est la raison pour laquelle avec les fonctions que j’occupe en tant que directeur de cabinet du président, il m’a été chargé de suivre le dossier tout en rendant compte au ministre chargé des Sports. Bien évidemment, je suis déçu. Je ne m’y attendais pas puisque je connais très bien le dossier et comment ça s’est passé. En 1979, Maurice a été désigné pour abriter les jeux mais une année avant l’organisation, elle a estimé qu’elle n’était pas prête et le Cij lui avait accordé deux ans pour qu’elle puisse les organiser.

Donc, il doit y avoir certainement une raison. Mais ce qui est difficile à comprendre, c’est le fait de donner officiellement le drapeau des jeux à un pays et puis le reprendre pour le redistribuer, c’est une situation inédite. C’est donc une très grande déception mais, surtout, une incompréhension, dans la mesure où ces jeux sont régis par une charte dont l’un des objectifs c’est, justement, l’amitié entre les peuples des îles de l’océan indien, la solidarité et la fraternité.

Sur la base de ces principes là, je me demande si ceux qui ont pris cette décision se sont rendus compte de ce qu’ils faisaient? Ont-ils imaginé un seul instant la difficulté à laquelle seront confrontés les Etats par rapport à la profondeur de leurs relations bilatérales diplomatiques?

Al-watwan. Est-ce vraiment fini?

HMB.: Je ne le crois pas, puisque à la veille de la cérémonie de clôture des neuvièmes jeux à l’île de La Réunion, on se demandait justement si le Cij allait attribuer les jeux aux Comores, raison pour laquelle je m’étais déplacé, au nom du gouvernement, pour essayer de convaincre. Donc, ce n’est pas fini, le combat va continuer même si, je dois le souligner, ce ne devrait pas être le cas puisque l’objectif n’est pas de livrer une concurrence entre les Etats. Il faut savoir qu’il existe beaucoup d’organisations sportives où les Etats se concurrencent. Mais ici ce n’est le cas. Ici, c’est plutôt une complémentarité. Autrement dit, un Etat qui devrait organiser les jeux et qui n’auraient pas les moyens, les autres devraient l’aider parce qu’on prône justement l’amitié et la solidarité entre les Etats membres. On doit donc espérer et se dire que si réellement on ne nous pousse pas hors de ces jeux des îles de l’océan Indien, notre pays a l’obligation de les organiser.

Al-watwan. Vous avez évoqué les principes de solidarité, d’amitié qui régissent les pays de la Coi et la charte des jeux. Mais, est-ce que la Coi peut avoir son mot à dire à pareille situation?

HMB.: Qu’on évite de tomber dans l’amalgame. Les Jeux des îles de l’Océan indien n’ont rien à voir avec la Coi. D’ailleurs, les jeux ont été crées bien avant la Coi. Maintenant, puisqu’il existe une organisation politique dans l’Océan Indien, si cette organisation peut influer à travers les Etats membres de ces jeux pour que quelque chose soit bien fait, elle peut le faire bien évidemment. Mais ce sera uniquement parce qu’elle veut le faire.

Al-watwan. C’est la deuxième humiliation des Comores en si peu de temps, et certains voient la main de la France dans cette décision, parlant même de représailles suite au retrait des Comores des neuvièmes Jioi à la Réunion?

HMB.: Je ne vois pas comment je peux accuser un pays avec lequel nous avons des relations diplomatiques sans preuve. Pour moi, c’est essentiel et c’est basique. Mais, je crois qu’il ne faut pas mélanger les deux.

La première fois, il y a eu clairement une transgression de la charte alors que l’un des articles, justement, stipule que le pays organisateur des jeux doit respecter la charte. Cela a été, bien sûr, une humiliation.

Aujourd’hui, bien évidemment, c’est une autre humiliation mais, cette fois-ci, nous sommes devant le Conseil international des jeux et cela n’a rien à voir avec les Etats. D’ailleurs, je suis arrivé en retard à la Réunion alors que les membres savaient que j’allais venir, un retard de quelques heures puisque je suis arrivé à 15h et ils ont pris la décision à 12h alors que la réunion devrait se tenir pendant 24h. Ils auraient pu patienter, mais ils ne l’ont pas fait.

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Al-watwan. Pourquoi, à votre avis ?

HMB.: Je me pose moi-même la même question. C’est à eux de répondre. Je pense que si ces fonctionnaires-là avaient mesuré la profondeur des relations diplomatiques entre les pays membres, ils n’auraient pas agi de la même façon. Parce que là maintenant, on dirait que Maurice et l’Union des Comores sont en compétition pour l’organisation de ces jeux alors que ce n’est pas le cas.

Je  vous assure aussi que les relations entre nos deux pays sont excellentes et à un niveau très élevé. Ce qui a manqué donc à ces fonctionnaires, c’est d’étudier la géopolitique de la région. Et puis, il reste trois ans.  Ensuite, selon la charte, c’est une année avant le début des compétitions qu’on commence à poser ces questions. Mais, il y a aussi le communiqué du Cij qui, d’un côté, nous félicite pour efforts entrepris pour l’organisation des jeux et de l’autre, nous les retire. J’ai vu le président du Cij et l’argument qu’il me sort, c’est qu’on n’a pas été présent.

Al-watwan. Concrètement, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire maintenant ?

HMB.: Le gouvernement est en train de travailler. Je ne suis pas habilité à donner les détails, mais nous sommes, d’abord, en train de poser des questions à nos partenaires membres de ces jeux pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Est-on en train de nous pousser dehors? Dans quelques jours, nous espérons avoir des résultats de ce travail.

Et si à partir de là nous comprenons qu’effectivement il a été décidé que nous ne soyons plus membre de ces jeux, on en tirera les conséquences. Et s’il s’avère que c’est une erreur, une mauvaise appréciation, nous allons demander que la justice soit rétablie.

Al-watwan. Paul Béranger, ancien premier ministre mauricien n’a pas approuvé le fait que Maurice ait accepté de ravir à l’Union des Comores l’organisation des jeux…

HMB.:… Je connais bien Paul Béranger, c’est quelqu’un qui connait bien le pays et qui a même pris part dans les démarches de la réconciliation nationale. Tout ce que je peux dire, c’est que c’est quelqu’un qui connait profondément la région.

Al-watwan. Que répondez-vous alors à certains de vos compatriotes qui disent que les Comores n’ont pas leur place dans la Coi ?

HMB.: Premièrement, que cela n’a rien à voir avec la Coi et deuxièmement, je crois que c’est une réaction sportive par rapport à ce qui s’est passé et qui est quand même choquant. Je voudrais qu’on m’explique comment un pays de l’Océan Indien, composé de nombreuses îles au beau milieu de l’océan, peut ne pas participer à ces jeux.

Al-watwan. Dites-nous franchement, est-ce que les Comores ont fait l’essentiel pour avoir l’organisation de ces jeux ?

HMB.: Il n’y avait surtout pas de travail de lobbying à faire parce qu’il n’y avait pas de concurrence. Si on savait qu’il y aurait de la concurrence, on ne serait même pas candidat. Nous savons pertinemment que le pays qui a les moyens de le faire c’est d’abord La Réunion, ensuite Maurice et puis Seychelles. Comment allions donc nous battre avec un pays qui dispose presque de toutes les infrastructures? Mais, la charte veut que nous soyons les organisateurs. Le drapeau a été remis officiellement au chef de l’Etat, qui s’est ensuite adressé à la Nation. Et puis voilà. Comment qualifier cela sinon une humiliation ?

Propos recueillis par SaminyaBounou

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