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Israël-Hamas : la nouvelle équation

Un soldat israélien poursuit une manifestante palestinienne qui protestait contre l'opération militaire, au check point de Hawara, à Nablus, dans la bande de Gaza, samedi 17 novembre.

La nouvelle opération israélienne contre la bande de Gaza, baptisée « Pilier de défense« , a débuté comme un parfait remake de la précédente, nommée « Plomb durci ». Comme en décembre 2008, c’est par une opération d’intoxication, incitant le Hamas à se découvrir, qu’Israël a ouvert les hostilités.

A l’époque, le mouvement islamiste avait été abusé par les fuites savamment orchestrées par le gouvernement d’Ehoud Olmert, alors premier ministre, qui indiquaient que la décision d’attaquer, en représailles à des tirs de roquettes, avait été renvoyée à une réunion programmée le dimanche 28 décembre. La direction islamiste avait alors ordonné à ses hommes de reprendre leur routine et c’est ainsi qu’une quarantaine d’aspirants policiers avaient été tués le 27 décembre dans le bombardement surprise d’une caserne de Gaza.

À QUI LA FAUTE ?

Mercredi 14 novembre, Ahmed Jabari, le chef militaire du Hamas, a été dupé par une opération de diversion similaire : l’insouciance affichée par le premier ministre Benyamin Nétanyahou et son ministre de la défense Ehoud Barak, en tournée sur le plateau du Golan, l’ont visiblement persuadé que son ennemi était prêt à respecter la trêve négociée deux jours plus tôt par l’Egypte, en réponse à une série de bombardements croisés. Erreur fatale. Sitôt sorti de sa planque, le « général », comme l’appellent les Gazaouis, était fauché par un tir de missile.

A qui la faute pour ce nouveau round de violences ? La tendance dominante, aujourd’hui comme hier, consiste à incriminer le Hamas, coupable d’être débordé par quelques boutefeux, en son sein ou chez ses rivaux du Djihad islamique. Cette approche fait remonter les prémices de l’offensive « Pilier de défense » au 10 novembre, date à laquelle quatre soldats israéliens ont été blessés par une roquette anti-tank, tirée contre leur jeep, en lisière de Gaza. Mais dans l’interminable vendetta qui oppose le Hamas à Tsahal, le maniement de la chronologie est un art délicat. Deux jours avant cette attaque, le 8 novembre, ce sont les forces israéliennes qui avaient provoqué les groupes armés palestiniens en pénétrant dans la bande de Gaza. L’incursion, qui venait rompre une période de calme de deux semaines, s’était soldée par la mort d’un enfant de 12 ans, tué en plein match de football.

Coïncidence ? C’est une intrusion israélienne du même genre, le 4 novembre 2008, qui avait mis un terme à la trêve en place depuis cinq mois dans la bande de Gaza et avait déclenché le cycle d’attaques et de contre-attaques qui avait fini par déboucher sur l’offensive « Plomb durci ». Ultime similitude : ces deux incursions se sont déroulées, en 2008 comme en 2012, dans le contexte d’une élection présidentielle américaine focalisant l’attention des médias.

DES DÉGÂTS COLLATÉRAUX LIMITÉS

Les ressemblances s’arrêtent là. « Pilier de défense » ne sera pas forcément un « Plomb durci 2 ». Car en l’espace de quatre ans, les deux belligérants ont tiré quelques leçons de la dernière guerre de Gaza, qui fut synonyme de fiasco pour l’un comme pour l’autre. Israël semble avoir intégré le fait que le carnage causé par les bombardements indiscriminés de son armée (1 400 morts dont une majorité de civils, côté palestinien, contre 13 morts dont une majorité de soldats, côté israélien) lui avait fait perdre, sur la scène médiatique, une bataille gagnée haut la main sur le terrain.

Ramené au nombre de frappes conduites par son aviation depuis mercredi (500), le nombre de mort palestiniens (près d’une cinquantaine dont une minorité de civils) est pour l’instant faible – même si chaque mort, de quelque côté que ce soit, est toujours un mort de trop. Israël parvient à saper les capacités militaires du Hamas (ateliers d’assemblage de roquettes, entrepôts, pas de tir, etc.) tout en limitant les dégâts collatéraux. Rien ne dit que cette relative retenue se poursuivra dans les prochains jours, surtout si les menaces d’opération terrestre se matérialisent. Mais elle aura d’ores et déjà démontré, si besoin était, combien l’accusation de disproportion, formulée à l’encontre de l’offensive de 2008-2009, était justifiée.

DE NOUVEAUX MISSILES, LES FAJR 5

Du côté du Hamas, la nouveauté réside dans le fait que son arsenal s’est enrichi de missiles susceptibles de toucher les périphéries de Tel-Aviv et de Jérusalem : les Fajr 5, de confection iranienne. Jusque-là, la faible portée des Kassam et des Grad, employés par les artilleurs gazaouis, cantonnait la guerre dans les limites du Néguev, la périphérie de l’Etat d’Israël. Les armes fournies par Téhéran menacent aujourd’hui de la porter en son coeur. Elles sont entrées dans la bande de Gaza en pièces détachées, par les tunnels creusés à la frontière de Rafah, à la faveur de l’anarchie qui règne dans le Sinaï égyptien depuis la chute de Hosni Moubarak.

Certes, ces nouvelles armes sont loin d’instaurer un « équilibre de la terreur » entre les deux camps. Israël jouit toujours d’une puissance de feu et d’une capacité de dissuasion immensément supérieure, qui devrait l’inciter à baisser la garde le premier. Il dispose par ailleurs avec le système Iron Dome, entré en service en avril 2011, d’un bouclier antimissiles plutôt performant. Sur les 280 roquettes lancées en l’espace de trois jours depuis Gaza, 131 ont été interceptées, selon les chiffres de l’armée israélienne. Reste que les Fajr, qui donnent de nouvelles responsabilités aux islamistes au pouvoir à Gaza, ont un potentiel de déstabilisation, psychologique et politique, bien réel. Si l’un d’eux causait des morts à Jérusalem ou Tel-Aviv, la machine à représailles israéliennes deviendrait difficile à arrêter. Le Hamas n’aurait sans doute rien à y gagner.

barthe@lemonde.fr

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