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Jacob Zuma et Thales poursuivis pour corruption en Afrique du Sud

L’ex-président de la République est soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin pour un contrat d’armement de 4,2 milliards d’euros signé en 1999, lorsqu’il était vice-président du pays.

Un mois seulement après avoir quitté la présidence de la République sud-africaine, contre son gré, Jacob Zuma prend le chemin des tribunaux. Le parquet général a annoncé, vendredi 16 mars, qu’il relançait des poursuites contre l’ancien président dans le cadre d’un contrat d’armement de 4,2 milliards d’euros signé en 1999 avec des entreprises européennes et américaines. Soupçonné d’avoir versé des pots-de-vin en marge de ce contrat, la filiale sud-africaine de l’industriel français Thales est également poursuivie.

« Il y a des chances que les poursuites judiciaires contre Zuma aboutissent », a déclaré le procureur général Shaun Abrahams, en conférence de presse à Pretoria. « Les poursuites sont également relancées pour Thales, et il paraîtra au tribunal au côté de Zuma », disait dans la foulée Luvuyo Mfaku, le porte-parole du procureur, cité par le média sud-africain News24.

Très attendue et maintes fois repoussée, cette annonce est l’ultime rebondissement d’une saga judiciaire très suivie en Afrique du Sud, l’un des multiples scandales qui ont conduit Jacob Zuma à sa chute. Poussé dehors par son propre parti le 15 février, Jacob Zuma a été remplacé par son vice-président, Cyril Ramaphosa, qui a promis d’en finir avec la corruption.
Seize chefs d’inculpation

Accusé de seize chefs pour fraude, racket, corruption, et blanchiment d’argent, l’ex-président est soupçonné d’avoir accepté des pots-de-vin et d’avoir assuré la protection des intérêts d’une filiale de la société française d’armement et d’électronique Thomson CSF, devenue Thales, alors qu’il était vice-président. L’industriel français serait poursuivi pour corruption et fraude.

L’affaire trouve ses racines dans le gigantesque programme d’armement commandé par l’armée sud-africaine au lendemain de la chute de l’apartheid. Thomson CSF n’a obtenu qu’une petite partie de ce marché : l’équipement électronique de corvettes de la marine fabriquées en Allemagne, pour l’équivalent de 180 millions d’euros.

Au début des années 2000, les soupçons de corruption se multiplient et le couperet tombe sur Schabir Shaik, le conseiller financier personnel du président. Personnage central de l’affaire, M. Shaik fait un temps partie du conseil d’administration des filiales de Thales en Afrique du Sud. C’est aussi lui qui administre le porte-monnaie d’un Jacob Zuma criblé de dettes. Il règle ses dépenses de santé, ses loyers, ses voitures, ses contraventions, les frais de scolarité de ses enfants et leur argent de poche… Une enquête du cabinet d’audit KPMG révèle ainsi qu’entre 1995 et 2005, il aurait effectué pour le compte de Jacob Zuma 783 paiements ou versements, pour un total de 4,2 millions de rands (280 000 euros). Le tout « dans un esprit d’amitié et de camaraderie », a t-il toujours dit au cours de son procès.

Accusé d’avoir négocié, pour le compte de son patron, des commissions de la part de Thales, M. Shaik est condamné en 2005 à quinze ans de prison pour corruption. Dans la foulée, Jacob Zuma et le groupe français sont inculpés une première fois. L’acte d’accusation est clair : « En 1999 et 2000, Thomson-CSF/Thales ont conspiré avec Shaik et Zuma pour payer à ce dernier un montant de 500 000 rands (33 000 euros) par an de pots-de-vin en échange de la protection de Zuma vis-à-vis de Thomson et de ses futurs projets », peut-on y lire.
« On va le voir en orange »

A l’époque, l’affaire prit un fort tournant politique, le président Thabo Mbeki s’en servant pour limoger Jacob Zuma de la vice-présidence. Mais à l’aide d’enregistrements téléphoniques prouvant des pressions du camp Mbeki sur des magistrats, M. Zuma obtient l’abandon des poursuites pour vice de forme en 2009. Quelques semaines plus tard, il accède au sommet de l’Etat.

Le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), fait alors de l’affaire l’un de ses principaux chevaux de bataille pour tenter de déloger le président. Au terme d’une lutte juridique acharnée, la Cour suprême ouvre la voie, en octobre 2017, à la tenue d’un nouveau procès pour corruption, jugeant la décision d’abandonner les poursuites « irrationnelle ». « On va le voir en orange », l’uniforme des prisonniers, s’est réjoui le chef du DA, Mmusi Maimane, en sabrant le champagne, vendredi, à l’annonce du parquet.

Affaire d’une grande complexité, elle pourrait connaître de nouveaux rebondissements. Au début de février, un ancien avocat controversé de Thomson-CSF, Ajay Sooklal, a affirmé que les présidents français Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avaient fait pression sur l’exécutif sud-africain pour étouffer l’affaire. Jacob Zuma, qui a toujours clamé son innocence, pourrait encore faire appel de la décision du parquet, alors que la date du procès n’a pas encore été fixée. Shair Schabir devrait également jouer à nouveau un rôle clé. En liberté conditionnelle depuis 2009 pour raisons médicales, il est tenu de témoigner dans un éventuel procès.

« La justice doit non seulement être rendue mais aussi être considérée comme avoir été rendue. J’ai conscience que tout le monde est égal devant la loi », a commenté vendredi Shaun Abrahams, en annonçant sa décision. « Un procès me semble la voie la plus adéquate pour régler cette affaire », a-t-il dit. Déjà condamné en 2016 pour avoir rénové sa résidence personnelle au frais du contribuable, c’est loin d’être la première fois que Jacob Zuma paraîtra sur le banc des accusés.

Lemonde.fr

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