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La Cour Constitutionnelle et nous !

Entre la cour Constitutionnelle et nous, ça n’a jamais été le grand amour. D’ailleurs nous avons été les premiers dès 2012 à solliciter la suppression de cette cour et l’ attribution de ses compétences à la Cour Suprême ( cf. article du 29 décembre 2012). En effet, cette Cour n’a jamais été à la hauteur dans ses arrêts portant sur la constitutionnalité de ses lois, la régularité des opérations électorales et la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Une Cour politisée à outrance. Toutefois, la suppression de cette juridiction ne pouvait se faire sans une modification de la constitution. Les pouvoirs exceptionnels du Chef de l’Etat encadrés par la constitution ne peuvent aboutir à la modification de la constitution. La décision du Chef de l’Etat du 12 avril 2018 qui se réfère justement à ces  » pouvoirs exceptionnels » definis dans l’article 12-3 de notre constitution et son décret d’application du 14 avril 2018, ne répondent pas aux conditions de fond et de forme de cet article 12-3.

En effet, l’ article 12-3 de la constitution dispose que « lorsque les institutions constitutionnelles, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles est interrompu le Président de l’Union, après consultation officielle du Conseil des Ministres, du Président de l’Assemblée de l’Union et de la Cour Constitutionnelle prend les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux institutions constitutionnelles, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Président de l’Union en informe la Nation par message. L’Assemblée de l’Union se réunit de plein droit. Elle ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Elle peut mettre fin à ces pouvoirs exceptionnels par un vote à la majorité des deux tiers des membres qui la composent. »

Les conditions de fond de cet article, sont cumulatives, suivant les doctrines issues des pays francophones qui comportent dans leurs constitutions des articles portant sur les pouvoirs spéciaux, similaires à l’article 16 de la constitution française. En effet il faut, d’une part, que les institutions constitutionnelles, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux soient menacés d’une manière grave et immédiate. Il faut, d’ autre part, que les institutions constitutionnellessoient interrompues. Une fois ces conditions réunies, le Président peut prendre les mesures qui s’imposent. Mais, des mesures qui doivent être inspirées par  » la volonté d’assurer aux institutions constitutionnelles, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission ». Outre les conditions de fonds, l’ article 12-3 de constitution impose des conditions de forme qui sont :

· Le Président de l’Union en informe la Nation par message.

· L’Assemblée de l’Union se réunit de plein droit. Elle ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Elle peut mettre fin à ces pouvoirs exceptionnels par un vote à la majorité des deux tiers des membres qui la composent.

Ainsi, le Président ne peut réviser la Constitution, ce qui est implicitement contenu dans l’article 12-3 qui ne lui accorde des pouvoirs que pour prendre des mesures visant à « assurer aux institutions constitutionnelles, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission ».

Ainsi, la décision du 12 avril 2018 et son décret d’application du 13 avril 2018 ne reposent sur aucune base juridique légale. Pour transférer les compétences de la cour Constitutionnelle à la Cour Suprême, il n’existe qu’une seule issue : la modification de la constitution du23décembre 2001. L’initiative de la révision de cette constitution appartient concurremment au Président de l’Union et au moins un tiers des membres de l’Assemblée de l’Union. Pour être adopté, le projet ou la proposition de révision doit être approuvé par les deux tiers du nombre total des membres de l’Assemblée de l’Union ainsi que par les deux tiers du nombre total des membres des Assemblées des îles ou par référendum.

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Faut-il supprimer la Cour Constitutionnelle ?

Le président de la Cour constitutionnelle, Bousry Ali, a été démis de ses fonctions, ce 26 décembre, à la suite, d’une audience interne à huis-clos de cette cour. Le président de la cour aurait méconnu ses obligations. La démission d’office a été constatée par les membres de la Cour au terme d’une audience interne expéditive qui ressemble à un règlement de compte. La procédure contradictoire a-t-elle été respectée par les membres de la Cour, conformément à l’article 13 de la loi organique N°04-001/AU du 30 Juin 2004, relative à l’organisation et aux compétences de la Cour Constitutionnelle. En effet, avant la prise d’une telle décision radicale, le Président devrait être entendu par ses pairs.

Ainsi Ali Bousry, désigné par le Président de l’Assemblée de l’Union, a été démis de ses fonctions dans une procédure accélérée qui n’honore pas cette institution qui n’est pas à sa première crise depuis sa mise en place en 2004. En effet, le premier président de la Cour Constitutionnelle Ahmed Abdallah Sourette a été démis de ses fonctions au mois de mars 2007. Le second président, Mouzaoir Abdallah a été poussé à la sortie en juin 2008 et Ali Bousry est le troisième président de la cour Constitutionnelle à être évincé en moins de 8 ans d’existence de l’institution.

Cette Cour constitutionnelle n’a toujours pas été à la hauteur dans ses arrêts portant sur la constitutionnalité de ses lois, la régularité des opérations électorales et la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Le pays a connu plusieurs années de conflit de compétence qui ont miné son développement. Chargée de statuer sur les conflits de compétence entre deux ou plusieurs institutions de l’Union, entre l’Union et les îles et entre les îles elles-mêmes, la cour constitutionnelle s’était plusieurs fois déclarée incompétence chaque fois qu’elle était saisie.

La réflexion qui s’impose actuellement c’est l’existence même de cette institution. Ne faut-il pas supprimer cette institution et inclure ses principales missions dans celles de la cour suprême pour un bon fonctionnement des institutions comoriennes ? Cette réflexion doit être engagée dans la perspective d’une réforme constitutionnelle qui allégera considérablement les institutions budgétivores de l’Union et des iles autonomes.

Le pays ne peut pas se permettre de disposer de cette multitude d’institutions qui ne contribue pas au renforcement de l’Etat de droit et à l’amélioration de sa gouvernance politique et économique.

Comores droit

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