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La notion de Ufahari aux Comores

Depuis les temps des sultanats à nos jours, le quotidien des comoriens est marqué par des principes idéologiques liés à la notion d’Ufahari (fierté). Nombreuses sont les personnes dans la société comorienne à s’imprégner de l’Ufahari. Jusqu’à a la moelle épinière. Parfois. Ils s’habillent, pensent et même ne mangent que pour ça.

Appelé, Grand-mariage à Ngazidja, Haroussi à Ndzouani, ou Choungou à Mwali et Maroé, le mariage coutumier est la source qui alimente l’Ufahari. La notion d’ufahari se présente comme un couteau à double tranchant. D’une part, elle constitue une source capitale pour remédier à certain problèmes qui touchent la société et la culture comorienne. D’ autre part, elle constitue les maux actuels de la société comorienne. Le séparatisme, l’individualisme et l’égocentrisme sont les conséquences de cette fiérté. 

 

Pour comprendre l’‘Ufahari et pour remédier à certains problèmes qui touchent la société comorienne, il faut revenir à la définition de la culture. L’anthropologue britannique, Edward Burnet Taylor, définit le mot culture comme étant « Cet ensemble complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et toutes autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. »(Culture Primitive 1871). Cette définition de la culture n’est autre qu’une définition parmi tant d’autres. Mais elle permet de comprendre le pouvoir de la culture décrit par Pierre Bourdieu. Pour le sociologue, la culture est considéré « comme un capital, un moyen de développement ».

 

 

Mais ce développement ne peut avoir lieu que si la culture est bien utilisée à travers l’esprit patriotique. Et cet esprit peut naitre par la notion d’Ufahari. La notion d’Ufahari peut enrichir l’esprit patriotique à travers l’envie de bien faire et de bien se montrer. La lutte contre la corruption, contre les démagogies, contre le séparatisme, contre l’égocentrisme peuvent être quelques exemples d’actions découlant de cette notion. Mais le contraire peut aussi avoir lieu si elle n’est pas bien positionnée. Nombreuses sont les personnes à m’interroger sur le manque de développement de nos îles. A mon avis, les raisons de la primitivité des îles sont en partie liées à ce manque criant d’esprit patriotique.

 

Aux Comores la notion Ufahari pèse sur la tête du citoyen lambda. Parce que les désirs individuels sont éphémères. La culture comorienne se voit dénigrée, modifiée voire même détâchées de nos principes. A force de mal utiliser cette notion, l’originalité de nos cultures est inexistante. L’Ufahari est achetété par les familles, les sociétés, les villes et les villages. Des sommes importantes sont dilapidés en un laps de temps lors du mariage coutumier. Et le pays s’appauvrit davantage.

 

Aujourd’hui bon nombre de comoriens cherchent leurs Ufahari jusqu’à oublier le pays. Ils se séparent de nos principes. Notre devise, « Unité, Solidarité et Développement » n’a aucune valeur. Parce qu’elle est individualiste, la société comorienne ne peut s’épanouir. A Ngazidja, le Anda réduit la voix du peuple. Ce mariage coutumier construit chaque jour des classes sociales. Le Anda à Ngazidja est une obligation pour tout individu sur l’île. Si ce dernier ne souhaite pas être reléguer au second plan. N’est pas décisionnaire qui veut. Seuls la classe des Wandru Wadzima (les hommes accomplis) peuvent prendre des décisions dans le village ou la ville. Cette séparation sociale est une entrave à la richesse de la culture comorienne. Classer les personnes en fonction de la réalisation de leur mariage coutumier ne relève en rien à la culture. « Tu n’as pas fait le Anda, donc tu n’as pas droit de prendre part aux discussions liées aux décisions prises par les notables ». Ces décisions séparées sont décrites par Soultan Chouzour comme le «  pouvoir de l’honneur ».

 

Ou sont donc passées nos deux premières valeurs, Unité et Solidarité ? De la diaspora, en France, aux États-Unis, au Maroc, en Australie en passant par le pays, quelque soit son statut, étudiant, agriculteur, commerçant, la majeur partie des citoyens comoriens sont définis par la notion d’Ufahari. Nombreux sont ceux qui se voient marginaliser par ce qu’ils n’ont pas fait le Anda. Ils peuvent être même méprisés par ceux qui ont pu le faire. La communication sociale est donc entravée par ce dédain, cette fierté ou tout simplement par ce mépris d’une personne à une autre en fonction de son statut. Mais le Anda n’est pas à la portée de toutes les bourses.

 

 

Hamadi Mohamed (IBNOU)

Etudiant en Culture et Développement

themarachi@gmail.com

Habari Zatrou N°9 / CulturArt

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