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La sécurisation des scrutins : les leçons de 2016

Lors de l’élection présidentielle et des élections des gouverneures de 2016, un protocole d’accord a été signé le 15 mars 2016 entre le Gouvernement, la Commission Electorale Nationale indépendante (CENI) et certains admis à l’élection présidentielle et au deuxième tour de l’élection des gouverneurs du 10 avril 2016. Ce protocole d’accord avait repris en grande partie les dispositions du code électoral. Les signataires de ce protocole avaient décidé de mettre tout en œuvre pour que les s élections harmonisées comptant pour l’élection générale du Président de l’Union des Comores et celle du deuxième tour de l’élection des Gouverneurs des Iles Autonomes, se déroulent dans les meilleures conditions dans le respect des règles et des principes démocratiques conformément à la législation en vigueur. Ils avaient décidé d’œuvrer pour l’organisation d’élections propres acceptées par tous.

Les 12 points de l’accord concouraient certes à ces objectifs, mais plusieurs points qui concouraient à la fraude électorale ont été ignorés. Le point 2 de l’accord parlait de l’identification des représentants de la Cour Constitutionnelle et de la CENI et leurs démembrements. Ces membres ont toujours été identifiés par le passé par des badges, voire des casquettes et t-shirt pour la cour Constitutionnelle. Le point 3 relatifs à la tabulation des résultats, les représentants des candidats ont la possibilité de participer à la conception et la sécurisation du logiciel commun de la CC, de la CENI et du Ministère de l’intérieur. Cette disposition a permis de lutter contre les fraudes lors des saisies des résultats. Les points 4, 5 et 6 de l’accord évoquaient la nomination des délégués par les partis pour participer aux opérations de dépouillement, la présence des représentants des candidats dans l’ouverture des enveloppes et la saisie des résultats et le droit de regard des représentants des candidats sur toutes les opérations électorales. Le point 7 de l’accord évoquait la possibilité aux représentants des candidats de vérifier l’exactitude des données de la CNTDE. L’article 6 du code électoral dispose que « l’exactitude et la pertinence des données électorales doivent être rigoureusement vérifiées par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Les représentants dûment mandatés des candidats ou des partis politiques légalement constitués ou des alliances des partis politiques sont autorisés à s’assurer de l’exactitude, de la pertinence et de l’exhaustivité des données électorales régulièrement mises à jour ».

Ce protocole d’accord sur l’élection présidentielle et des Gouverneures des iles 2016 ne comportait pas toutes les garanties pour lutter contre la fraude, notamment lors de la période précédant le scrutin. L’article38 du code électoral dispose que « l’utilisation des attributs, biens ou moyens de l’Etat, d’une personne morale publique, des institutions ou des organismes publics, notamment ceux des sociétés, offices, projets d’Etat et d’institutions internationales, à des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote est interdite pendant les six (6) mois avant tout scrutin et jusqu’à son terme, sous peine des sanctions prévues par le présent Code. La CENI et ses démembrements veillent au respect, de cette disposition ».

Certes les conditions d’organisation et de déroulement du double scrutin de 2016 ont été acceptables, mais nous avons assisté impuissants à l’utilisation pour des fins électoralistes des deniers publics et privés et cela en violation flagrante du code électoral. Cette loi interdit aux candidats et à leurs représentants de promettre ou faire promettre, distribuer ou faire distribuer aux électeurs de l’argent, des vivres ou des biens matériels de quelque nature que ce soit. Des sanctions sévères sont prévues á l’encontre de ceux qui par des dons ou libéralités en argent ou en nature par des promesses de libéralités, de faveurs de distinctions honorifiques, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers faits à des individus ou à des collectivités, communes ou villages en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs, auront obtenu ou tenté d’obtenir leur suffrage, soit directement soit par l’entremise d’un tiers ou ceux qui auront par les mêmes moyens déterminés ou tentés de déterminer un ou des électeurs à s’abstenir de voter. En dépit de l’existence de ces dispositions législatives, les candidats et leurs encadreurs n’ont pas lésiné sur les moyens pour corrompre les électeurs.

La corruption des électeurs a fait parler d’elle lors des derniers scrutins d 2016. En dépit de l’existence des dispositions législatives qui sanctionnent la corruption des électeurs, les candidats et leurs encadreurs n’ont pas lésine sur les moyens pour corrompre ces électeurs, mais aussi les membres des bureaux de vote le jour du vote. Cette pratique n’a pas été évoquée dans le protocole d’accord du 15 mars 2016. La pratique des procès-verbaux pré-signés avait encore sévi lors des derniers scrutins des mois de février. Ainsi, pour gagner du temps, les présidents des bureaux de vote font signer tôt le matin les PV du scrutin aux membres du bureau et à tous les assesseurs des candidats. Le soir, le Président du bureau de vote ne fait que remplir les résultats des opérations de dépouillement. D’où l’impossibilité des assesseurs qui ont pré signés les PV le matin, de mentionner les irrégularités observées durant le scrutin. Pour rappel, la loi électorale dispose que « un procès-verbal des opérations de vote est établi en cinq exemplaires par le Secrétaire, signé par tous les membres du bureau de vote ; tout délégué d’un candidat a le droit d’y faire insérer une réclamation ou des observations. Un extrait est remis aux représentants des divers candidats. »

Des candidats aux élections harmonisées de 2010 avaient soulevé devant la Cour Constitutionnelle, la question du bourrage des urnes constaté dans certains bureaux de vote et ont demandé l’annulation des résultats des bureaux de vote, au motif que leurs assesseurs n’ont pas pu porter les réclamations relatives aux irrégularités commises dans ces bureaux de vote. La réponse de la Cour Constitutionnelle dans ses arrêts de ce 13 novembre 2010 a été cinglante. Après réexamen des procès-verbaux des bureaux de vote litigieux, les PV laissent apparaître que tous les assesseurs désignés par les candidats ont signé le procès-verbal avec les mentions « réclamations néant ». Ainsi au cours du réexamen, la Cour n’a constaté aucune irrégularité de nature à entacher les résultats des bureaux de vote et a rejeté les prétentions du requérant pour défaut de preuve. Ainsi la Cour Constitutionnelle n’avait rien vu d’anormal en dépit des multiples requêtes des candidats.

La corruption des électeurs est favorisée par plusieurs facteurs notamment les facteurs économiques. La crise économique aiguë, le nombre inquiétant des jeunes au chômage favorisent facilement l’achat des consciences. Cette corruption est aussi favorisée par les facteurs politiques. L’absence d’un état fort défendant l’intérêt général, d’une justice capable de réprimer sévèrement, toutes les formes de corruption, l’opacité dans la gestion des affaires publiques, encouragent les citoyens à se passer des lois qui régissent le pays. La vigueur de la société civile des médias n’est pas importante pour dissuader la corruption. En outre les partis politiques comoriens fonctionnent selon un système de distribution de faveurs partisanes et de clientélisme et ne participent pas activement á la lutte contre la corruption.

Cette corruption est un phénomène grave qui mine le développement de notre pays et constitue un cancer pour notre jeune démocratie. C’est une maladie qui attaque le fonctionnement de notre Etat et accentue les inégalités sociales. Il faudra par conséquent mener une lutte sans merci contre cette corruption qui participe à la déliquescence de notre Etat. C’est un combat de longue haleine qui peut durer des années, voire des décennies. Tous les dirigeants qui se sont succédés dans ce pays notamment l’actuel chef de l’état ont dénoncé et continuent de dénoncer la corruption, mais les mauvaises habitudes sont têtues. Elles subsistent aux déclarations de bonne intention. On ne peut lutter contre la pauvreté et contribuer á la croissance économique de ce pays sans une lutte acharnée contre toute forme de corruption. Les textes réprimant la corruption existent dans notre législation notamment le code électoral, il suffit de les appliquer.

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