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« Le Comorien ordinaire est une espèce qui n’a pas vocation à se noyer entre Anjouan et Mayotte »

« Le patouille et kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien ! » : la plaisanterie douteuse d’Emmanuel Macron
Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République
Marseille le 04 juin 2017
Monsieur le Président, 
Nous avons observé avec satisfaction que l’homme que nous avons élu et qui porte notre espoir en une vie meilleure connaît la différence entre un crevettier et un Kwassa-kwassa. Nous regrettons cependant qu’il soit si difficile pour certains politiciens de faire la différence entre le rôle d’un saltimbanque à l’humour sordide et celui de Président de notre République.  Ceci dit, nous voudrions attirer votre attention sur certains aspects du particularisme océanien. 
Ainsi, le Comorien ordinaire est une espèce qui n’a pas vocation à se noyer entre Anjouan et Mayotte. Au contraire, il lutte pour maintenir la tête hors de l’eau.  Dupés par leurs « élites » après l’indépendance, victimes de l’impéritie de leur dirigeants et d’une corruption endémique, ceux, et surtout celles qui souhaitent pour leur enfant à naître, une éducation, des soins et une espérance de vie égale à leurs frères de la diaspora, risquent leur vie en payant à prix d’or un passage vers cet illusoire « Eldorado mahorais » que l’occupation illégale de Mayotte par la France leur propose. Pour ces différentes raisons et d’autres encore, nous savons donc que les Kwassa-kwassas ramène « du » Comorien plus que du poisson. D’ailleurs, puisque vous semblez vous intéresser à cette activité, Monsieur le Président, notez qu’il reste peu de ressources halieutiques dans les eaux de l’archipel : les « stocks naturels » hauturiers ont été bradés par ses dirigeants à des flottilles étrangères (asiatiques notamment) ; la surpêche côtière a diminué grandement les possibilités économiques. Des opportunités demeurent néanmoins pour des bateaux de tonnage moyen, capables de passer plusieurs jours en mer. Hélas, comment trouver des investisseurs ? Retenez, je vous prie qu’il suffirait pourtant de disposer de navires tels que ceux qui sont détruits après directives de Bruxelles sur nos côtes métropolitaines comme celle du Golfe du Lion où nos pêcheurs pâtissent de normes dimensionnelles inadaptées aux poissons méditerranéens. 
Vous le voyez, Monsieur le Président, je m’efforce d’être constructive, mais je peine à maîtriser l’indignation qui accompagne ma désillusion. C’est que, élue de la société civile sous l’étiquette d’EELV (Europe Ecologie les Verts), je lutte depuis 2014 pour les droits et un mieux être pour tous et en particulier des Marseillaises et des Marseillais du 8ème secteur de notre ville si cosmopolite et, par extension les 92 communes qui constituent notre métropole AMP (Aix Marseille Provence). 
Alors, Monsieur le Président, quand, au cours de votre meeting, vous avez, devant 6000 personnes, montré que vous saviez voir, à travers nos nombreuses diasporas, l’essence même de notre cité phocéenne et au-delà, l’esprit de la France, vous avez suscité un enthousiasme rarement égalé. Rappelez-vous, je vous cite : « Je vois des Arméniens, des Comoriens, des Italiens, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens, je vois des Maliens, des Sénégalais, des Ivoiriens, et tant d’autres que je n’ai pas cités »… « Mais je vois quoi ? Des Marseillais ! Je vois quoi? Je vois des Français ! » Des acclamations à l’évocation de chaque communauté vous ont été dédiées, notamment celles des français d’origine comorienne.
C’était un 1er avril et vous avez fait une pêche miraculeuse. Vos appels ont alors été entendus, Monsieur Macron, notamment par une diaspora comorienne dont Marseille est la capitale mondiale car elle compte plus de 100 000 d’entre nous. Mais l’espoir que vous avez suscité n’est-il pas qu’un chant de sirènes ? Tant de politiciens avant vous ont montré du mépris pour nos diasporas que nous désespérions d’en croiser un capable de respect. Aussi, après votre discours, nombre de Marseillais se pressaient pour embarquer vers Cythère. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelle diaspora acceptera de vous accompagner dans votre Odyssée sans guetter votre prochain écart de langage. 

Monsieur le Président, au cours des rencontres internationales vous avez montré une étonnante maîtrise qui nous a éblouis. Aujourd’hui, votre remarque déplacée nous déçoit. Cependant, piégé comme un Cœlacanthe dans les filets du Kwassa-kwassa, vous gagneriez autant que lui en notoriété, si vous vous dégagiez de ces rets en vous exprimant sur ce que nous aimerions n’être qu’une maladresse.  
En espérant que vous serez à l’avenir plus vigilant sur vos propos, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mon profond respect. 
Nouriati DJAMBAE Conseillère Métropolitaine

Aix-Marseille-Provence – Elue EELV 8ème Secteur

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2 commentaires sur « Le Comorien ordinaire est une espèce qui n’a pas vocation à se noyer entre Anjouan et Mayotte »

  1. Excellent texte !! La blague de Macron était un peu lourde et déplacée, mais l’intelligence de Nouriati est de mettre en avant que, au moins, lui est au courant du problème comorien… certes, il en rit, mais espérons qu’il agissent en conséquence surtout et qu’il aide à le résoudre comme son modèle, Michel Rocard, a résolu le problème de la Nouvelle-Calédonie. Déjà s’il se rendait à Marseille pour en discuter ce serait un bon départ.

  2. Ça va trop loin c’est pas par ce qu’on est président qu’on a pas le droit de faire de l’humour noir de plis ce qu’il a dis reflete malhereusement une triste realité …de temps en temps faut se detendre les gens — » mais bon de nos jours on hurles au scandale pour un oui ou pour un non…

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