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Le dernier cri d’Omar Mouhsine

Omar Mouhsine part jeune, trop jeune. Il fut sans conteste, un amoureux de ce pays, un entrepreneur dans l’âme, un résistant à bien des égards. Il a alerté sur la prise en charge médicale dans le centre anti Covid à Samba, dimanche dernier.

Beaucoup s’en sont émus, d’autres ont été agacés. « Quoi il veut un autre traitement que celui réservé aux autres, se sent-il supérieur aux autres »? Alors que c’est parce que justement Omar Mouhsine, que je connais finalement très peu, n’a jamais eu un comportement fataliste ou désespéré, qu’il a eu le courage de son lit d’hôpital de pousser un dernier appel à l’aide. Lui aussi pensait sans doute que ce n’est pas parce que d’autres se sont tus sur une prise en charge jugée défaillante par beaucoup, qu’il aurait dû lui aussi se taire. Ce n’était pas son genre. Il n’était ni un résigné ni un peureux. Même lors de sa dernière sortie médiatique, l’homme qui s’est tenu en face des journalistes, il y a 3 semaines, alors qu’il annonçait que ses affaires n’étaient pas florissantes, et que de fait il cessait ses activités, loin d’être prostré, il était d’ailleurs beaucoup plus combatif, promettant même de revenir encore plus fort.
Qu’on ne s’étonne pas de cet ultime sursaut à l’hôpital de Samba. Omar Mouhssine ne s’est pas attaqué aux médecins mais à un système qui fait que ce dimanche, il y avait seulement 3 médecins pour plus d’une centaine de patients.

A dire vrai , cette épidémie est révélatrice d’un système de santé complètement à terre dont personne ne s’est jamais soucié réellement. Nos différents gouvernements ont tout fait pour que leurs administrés « normalisent », une mauvaise prise en charge médicale, le manque d’intrants, la bouteille à oxygène qui manque, le manque de scanner ou d’Irm dans le service public, le manque d’ambulances. Et quand une personne a le malheur de dénoncer un problème ou un manquement survenus à l’hôpital, elle est aussitôt traitée de « mzungu », de « bobo », de « mdjihadaya ».

Qu’on se le dise, les personnels soignants ne peuvent donner que ce qu’ils ont. Souvent, ils font même plus que ça. Ils se dépassent et se surpassent dans un environnement où ils manquent de tout, où ils sont mal payés, avec un statut précaire pour certains d’entre eux. Ils ne doivent pas tout le temps se sentir visés quand l’on dénonce une défaillance. Ils doivent plutôt comme cela s’est vu ailleurs, lier leurs cris aux nôtres pour que ça change, pour qu’il y ait une meilleure en prise en charge, qui passera forcément par de meilleures conditions de travail.

Paix à la belle âme de Omar. Paix à tous ceux qui nous ont précédés.

Faïza Soulé Youssouf

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