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Le gouvernement AZALI II : où en est – on avec les ambitions de l’Iman d’une émergence annoncée ?

Déjà, à y regarder de plus près, la composition de la nouvelle équipe gouvernementale interpelle plus qu’elle ne rassure. Quelques mois après son accession à la magistrature suprême, le Président AZALI a promis de faire de son mandat celui de l’émergence de l’Union des Comores. Soit, le peuple ne peut qu’en prendre acte ! Et depuis, le Président a multiplié les déclarations et initiatives visant à créer les conditions de faisabilité de son projet. 
Ainsi, il a annoncé entre autres le lancement prochainement des grands chantiers qui, selon lui, sont le pilier de ce projet : construction et réhabilitation des infrastructures (routes, hôpitaux, aéroport, hôtels et j’en oublie). Le point d’orgue de cette ambition affichée est la commémoration du 42ème anniversaire de l’indépendance du pays. Lors de son allocution traditionnelle, le chef de l’État a en effet tenté de préciser sa vision et a réitéré sa conviction quant à l’émergence des Comores.
Il a notamment tenu à rassurer les Comoriens que son projet est bien réalisable. Tout simplement par ce qu’aucun pays au monde n’a été construit «  ni par les Anges ni les Démons mais bien par les Hommes de ce pays qu’ils l’ont fait ». En référence au dialogue originel entre Adam et son Créateur, le Président rappela, à travers des envolées lyriques et coraniques, le projet divin qui établît l’Homme sur terre en vicaire, « Khalifa ». Dès lors, par le truchement de sa seule raison, l’Homme est capable de créer les conditions nécessaires à son existence. Et d’en déduire que l’Homme comorien est naturellement doté des mêmes aptitudes intrinsèques à accomplir le développement de son pays.  
D’emblée, on ne peut que se féliciter d’une telle vision à la fois volontariste et pragmatique qui place le Comorien au cœur d’un si ambitieux et noble projet, celui de sortir enfin le peuple de la misère et hisser notre pays dans le groupe des pays émergents. Mon amour de la patrie m’inspire le devoir de rappeler cependant que conduire un pays à son émergence ne relève pas de la rhétorique mais plutôt de la pratique et de l’éthique. Une éthique de conduite pour l’homme politique et autant pour le citoyen. Au premier, il incombe la responsabilité de montrer la voie et inspirer l’exemplarité, à savoir faire preuve d’une volonté réelle à poser des actes forts et d’une capacité concrète à créer les conditions nécessaires à cette émergence parmi lesquelles une bonne gouvernance et un pacte d’union nationale. 
Des actes forts de nature à convaincre le peuple et à entraîner son adhésion au projet. Une telle adhésion, qui doit correspondre à un état d’exaltation collective traduit dans ce que j’appelle « une union sacrée », me paraît une condition déterminante pour amorcer le décollage du pays. Il s’agit concrètement d’arriver à stimuler un élan patriotique en vue de faire participer l’ensemble des acteurs à la construction du pays. Mais pour que cette participation se fasse, il appartient aux dirigeants de créer les conditions de consolidation de l’unité nationale et de la cohésion sociale, d’un retour de la confiance et d’un climat propice aux investissements et à la libération des énergies. Ceci s’appelle tout simplement de la bonne gouvernance : responsabilité, transparence, état de droit et participation des citoyens.
La question que tout le monde se pose aujourd’hui reste de savoir si le nouveau gouvernement qui vient d’être mis en place répondrait à cet impératif et apporterait les réponses aux interrogations que soulève la mise en œuvre du projet d’émergence. La question se pose avec autant d’acuité que la notion même d’émergence n’a de sens que si elle est fondée sur un État de droit et n’a de force que si elle porte une adhésion collective. Dans cette hypothèse, il aurait été judicieux que le chef de l’État saisisse cette occasion unique pour donner un signal fort en mettant en place un gouvernement d’ouverture représentatif des différentes sensibilités de la société avec les meilleures compétences dans une politique de promotion.

Mais il a fait le choix d’un gouvernement classique et recroquevillé sur sa famille. Une chose est certaine, la composition de la nouvelle équipe ne répond ni aux équilibres habituels en matière de configuration géographique et politique moins encore à la demande du peuple en matière de renouveau et de dynamique politiques. Le peuple, qui n’a d’autres intérêts que de voir ses conditions de vie améliorées, s’en remet à ALLAH. Rappelons seulement qu’un gouvernement a la responsabilité de veiller au respect et à l’application des grands principes constitutionnels dignes d’un État de droit ainsi qu’à la mise en œuvre des politiques publiques destinées à stimuler la croissance économique et améliorer la vie de la population. 
C’est dire qu’au-delà de toute considération, un projet de développement est un tout, qui obéît dans sa réalisation à la conjonction de plusieurs facteurs, parmi lesquels les grandes infrastructures mais aussi une bonne gouvernance, une paix sociale et une adhésion des citoyens au projet. Au centre de celui-ci, le pouvoir judiciaire occupe une place de choix. Car il s’agira tout d’abord de s’assurer d’une justice transparente et équitable en vue notamment de garantir les libertés publiques, protéger les citoyens contre l’arbitraire comme de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite. 
Le chantier est titanesque. Espérons que le chef de l’État en a parfaitement conscience. Car, au-delà de sa dimension institutionnelle voire administrative, un projet d’émergence renvoie aussi à la notion de morale et de conscience tant individuelle que collective. Un nouvel état d’esprit qui doit aboutir à ressouder le lien entre les gouvernants et les citoyens, maintes fois déçus par les promesses non tenues. Il s’agira de faire naître la confiance et afficher une volonté de renoncement aux vieilles pratiques politiciennes. Cet impératif vaut autant pour les gouvernants que les gouvernés. Et c’est là que doit s’opérer le vrai changement afin de permettre une nouvelle dynamique qui conduit à la croissance économique.
Il est des moments dans la vie des nations dans lesquels des décisions symboliques et historiques s’imposent au plus haut sommet de l’État pour faire naître l’espérance et entraîner une union sacrée de la Nation. Et au moment où on annonce la tenue d’assises nationales sur le bilan des 42 ans d’indépendance du pays sur fond d’un projet d’émergence, il me semble qu’un gouvernement d’union nationale aurait été le plus indiqué. Mais avec cette nouvelle équipe, que certains qualifient d’ores et déjà de « clanique », le chef de l’Etat fait un pari risqué qui me paraît ne point répondre au contexte actuel du pays.  Des doutes persistent. De fait, il n’y a pas de véritable émergence sans bonne gouvernance. Une bonne gouvernance, accompagnée d’une union nationale, est même souvent la condition de l’émergence d’un pays.

Par Mr Mohamed Ahamed Takou,

Fonctionnaire.

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