En ce moment

Le ministre premier : place et mirage d’une originalité

Opinion libre : Le ministre premier n’est pas à proprement parler une institution. Il n’est même pas une fonction. Tout juste pourrait-on dire qu’il s’agit d’une place. Mais alors, quelle place ?! La pôle position. Excusez du peu !

« Premier », il l’est, assurément. Il l’est si bien qu’il n’y a aucun autre qui le suit. Ni ministre second ni dernier. Pourtant, vis à vis des autres ministres, son seul privilège reste d’avoir été cité en premier. Au delà, il n’exerce à leur égard aucune autorité. Il ne jouit sur eux d’aucune hierarchie. Comme tous les autres ministre, son périmètre d’action est délimité par son portefeuille. Il n’est pas un premier ministre. Il n’y a qu’un chef du gouvernement et c’est le chef de l’Etat.

La « Constitution » d’ailleurs n’impose aucune condition particulière de nomination pour le ministre premier. Elle ne lui offre aucune solennité différente dans sa désignation par rapport aux autres membres du gouvernement. De sorte que rien d’apparent ne le qualifie comme étant « ministre premier ». Ni un décret, ni une circulaire, pas même un communiqué ne vient le spécifier. Pour savoir qui est le ministre premier, il faut simplement le déduire. Voire même le spéculer. Sa désignation n’est pas irréversible. Il peut être remplacer. Il faut et il suffit d’un remaniement technique par un autre décret de nomination du gouvernement.

En outre, aucune insularité d’origine n’est imposée pour peu qu’on sache la détérminer. Anjouanais, mohélien, maorais ou grand comorien, cela importe peu. Et même si politiquement, certains se persuadent qu’il devrait être issue de la même île que le président en prévision d’un cas d’intérim, ce lien fait avec la tournante est juridiquement infondé. Rien dans la « Constitution » n’impose un critère de la sorte. De toute façon, le ministre premier n’a que très peu d’incidence. Son importance dans les institutions est un mirage. Pour qu’il puisse en être autrement, il faudrait un alignement des planètes.

Primo, il faut qu’il espère une vacance du poste. Mais même si un tel empêchement définitif devait survenir, cela ne suffirait pas. Deuxio, Il faut qu’il espère que cela intervienne dans les 900 premiers jours du mandat. Tertio, quand bien même, ces deux aléas se réalisaient, il n’assurerait l’interim qu’au maximum, deux mois. Après quoi, il sera contraint d’organiser une élection présidentielle respectant le tour de l’île concernée. Si la vacance intervient après 900 jours, le pion sera damé par le gouverneur de l’île concernée. C’est lui qui assurera l’intérim pour terminer le mandat.

Attention, ceci ne vaut qu’en période normale car l’article 117 ne renvoie pas à tout l’article 58 mais uniquement à son alinéa 2. Dans la présente période transitoire, si une vacance du poste du président devait survenir, le ministre premier assurerait l’intérim qu’importe 900 jours ou plus. Mais cela reste un mirage tout de même, puisque de toute façon il ne saurait occupé le poste longtemps. Il serait tenu d’organiser l’élection présidentielle prévue dans les 12 mois pour honorer de nouveau une tournante grand comorienne.

La vacance du poste présidentiel étant très aléatoire, il ne reste que l’empêchement provisoire du président. Celui-là survient très fréquemment ne serait-ce que parce qu’il peut voyager. Mais même à ce propos, le ministre premier ne jouit d’aucun droit. Le Président a tout loisir de choisir le président suppléant de son choix parmi tous les ministres. Il peut bien, à ce titre, choisir le ministre premier ou un autre.

Le ministre premier n’a donc vraisemblablement qu’une importance politique. Et encore… Son nom peut-être significatif d’une politique et d’un choix. Il peut indiquer une proximité avec le Président que ne jouirait pas les autres. Une confiance témoignée par le président, qu’il ne serait pas enclin à donner au reste. Mais, juridiquement, sa place est simplement préventive. Il faut juste un ministre premier pour le cas hypothétique où il faudrait assurer un intérim.

Par contre, que fait-on en cas d’empêchement définitif à la fois du Président et du ministre premier ? La poule et l’oeuf. Rien n’est prévu, blocage…

Mohamed Rafsandjani

Comoresinfos est un média qui a vu le jour en avril 2012 et qui depuis lors, prône l'indépendance éditoriale. Notre ferme croyance en l'information de qualité, libre de toute influence, reste un pilier essentiel pour soutenir le fonctionnement démocratique.

Soyez le premier à réagir

Réagissez à cet article

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


error: Content is protected !!