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Le nouveau code pénal ne contient aucun article sur la question du viol sexuel

Un nouveau Code pénal sans articles sur le viol : N’est il plus punissable ?

C’est la question que peuvent se poser les lecteurs du nouveau Code pénal comorien.

En effet, le 16 février 2021, le Chef de l’Etat a, par Décret n°21-018/PR, promulgué la loi n°20-038/AU du 28 décembre 2020 portant Code pénal. Celui-ci est composé de 564 articles et traite de diverses infractions, tant nouvelles qu’anciennes.

Mais à ma grande surprise, j’ai constaté que celui-ci ne contient aucun article sur la question du viol.

Est-ce un oubli ou une volonté du législateur comorien de maintenir les acquis de la loi Mourad ?

Je suis de ceux qui pensent qu’il s’agit d’une volonté du législateur comorien de maintenir les acquis de la loi Mourad.

Rappelons le que la loi Mourad est celle qui a pour la première fois criminaliser le viol autrefois punie de trois ans d’emprisonnement comme un délit mineur.

En effet, lors de la révision du Code pénal, je fais partie de ceux qui ont attiré l’attention du législateur et du Président de la République sur la nécessité pour notre pays de maintenir les dispositions actuelles traitant sur les violences faites aux femmes et aux enfants. Notre pays dispose d’une meilleure législation pénale en la matière et la nécessité de la réviser de fond en comble ne me paraissait pas justifier.

Je pense que c’est ce choix adopté par le législateur comorien.

Aucune disposition du nouveau Code pénal ne traite du viol certes, mais celà ne veut forcément pas dire qu’elle n’est plus punissable.

En effet, en lisant les dispositions finales de ce nouveau Code, le lecteur se rend compte que certaines dispositions de la loi Mourad, plus précisément celles relatives à l’infraction de viol ne sont pas abrogés et demeurent applicables. Oui souriez, le viol reste toujours punissable.

L’article 563 CC dispose que  » Dans toutes les matières qui n’ont pas été réglées par le présent Code et qui sont régies par des lois et règlements particuliers, les Cours et les tribunaux continueront de les observer ».

Le législateur prend le soin de le préciser à l’alinéa 2 du même article que  » sont et demeurent abrogées toutes dispositions antérieures contraires à celles du présent Code ».

Il ressort de cet article, que seules les dispositions antérieures contraires au nouveau Code pénal sont abrogées. Autrement dit, celles qui ne sont pas en contradiction avec le nouveau Code demeurent toujours applicables.

Concrètement, celà veut dire par exemple que les peines relatives à l’infraction d’agression sexuelle prévue par la loi Mourad ne peuvent plus s’appliquer parce qu’elles sont contraires à celles prévues par le nouveau Code pénal. Sous la loi Mourad, l’agression sexuelle était punie de 5 ans d’emprisonnement alors que sous le nouveau Code, elle est punie de 10 à 15 ans de réclusion criminelle.

Mais dans la mesure où le nouveau Code pénal ne contient aucune disposition sur le viol, les peines relatives à l’infraction de viol prévues par la loi Mourad demeurent donc applicables.

En somme, il faut retenir que bien que le nouveau Code pénal ne contient aucune disposition sur le viol, ce dernier demeure toujours punissable.

Si la démarche du législateur de maintenir les acquis de la loi Mourad est salutaire, elle ne demeure néanmoins pas à l’abri des critiques.

Cette démarche manque de cohérence.

En effe, si on analyse la portée du nouveau Code pénal, on serait amener à penser que l’infraction d’agression sexuelle est plus grave que celui du viol. Alors que dans les faits, c’est plutôt l’inverse.

Sinon comment comprendre qu’une infraction d’agression sexuelle, qui ne nécessite pas une pénétration sexuelle de la victime soit imprescriptible alors que le viol est prescriptible ?

L’infraction de viol est plus grave que celle d’agression sexuelle. L’infraction de viol c’est celle dont la victime est pénétrée dans sa chaire, par voie vaginale, anale ou buccale. C’est celle-ci qui cause des graves préjudice à la victime. Alors que l’infraction d’agression sexuelle est celle dont la victime n’a pas été pénétrée. Les préjudices sont les plus souvent morales et psychologiques.

C’est d’ailleurs le viol qui est plus récurrente dans notre société malgré qu’elle est autrement qualifié d’agression sexuelle.

Je pense que sur ce volet, le législateur a manqué de cohérence, et qu’il ne serait pas une mauvaise idée d’y remédier pour rendre également les crimes de viol imprescriptible et rajouter des peines complémentaires aux peines principales de celui-ci comme c’est le cas avec l’agression sexuelle.

Par Bacar Antuf

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