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Les cadis et le mariage des enfants !

Les juges cadiaux, cadis et naib cadis des iles autonomes d’Anjouan, de Mohéli et de la Grande Comore ont bénéficié au cours de cette année des formations portant sur la code de la famille et plus spécifiquement sur l’âge du mariage. Ces formations sont organisées par les Directions insulaires de la protection de l’ enfance, avec l’appui technique et financier de l’UNICEF. Ces formations permettent d’échanger sur les pratiques des célébrations des mariages, des difficultés rencontrées par les cadis sur le terrain. Elles permettent aussi de constater que les cadis souffrent d’un faible niveau de culture juridique. Ces derniers sont le plus souvent limitée à l’apprentissage du droit coranique. Très peu d’entre eux sont familiarisés avec le droit romano-germanique dont l’acquisition des principes fondamentaux est notamment indispensable pour exercer des fonctions notariales.

Les juges cadeaux et les cadis jouent un rôle important dans la vie des Comoriens. Ils ont une compétence exclusive en matière du droit des personnes. Depuis la la période coloniale, les cadis s’occupent du droit des personnes. L’article 1er de la délibération de la Chambre des Députés des Comores du 3 juin 1964 indiquait que « La justice musulmane connaît de toutes les affaires civiles et commerciales entre musulmans autres que celles relevant du droit commun ». Les Tribunaux de Cadi (composés d’un Cadi et de son secrétaire greffier), selon l’art.9 du même document « connaissent des affaires relatives au statut personnel (état-civil), mariage, dons nuptiaux, garde d’enfants, entretien, filiation, répudiations, achats « Khol » et autres séparations entre époux, etc… Ils statuent en outre en matière de successions, donations, testaments, Wakf et « Magnahouli » et en matière d’obligations (Moamalat) lorsque l’importance du litige est inférieure à cent mille francs CFA » Le contentieux dont l’enjeu financier est supérieur est de « la compétence du Grand Cadi qui statue en premier ressort et à charge d’appel devant le Tribunal Supérieur d’Appel ». L’article 20 de la délibération de la Chambre des députés des Comores autorisait les Cadis à « exercer les fonctions de notaire entre musulmans comoriens ». A ce dernier titre, les cadis peuvent procéder à divers actes : procurations, donations, partages, ventes immobilières, liquidation de successions, etc… Un certain nombre de traits distinctifs du statut personnel –polygamie, répudiation de la femme par le mari ou inégalités des sexes (au détriment de la femme) en matière successorale– sont reflétés dans le Code de la famille adopté le 3 juin 2005 par l’Assemblée de l’UDC.

Compte tenu de ces multiples missions, il est nécessaire renforcer les compétences des juges cardiaux et cadis afin de les aider à mieux accomplir leurs missions notamment dans les célébrations des mariages conformément à la législation en vigueur pour mieux lutter contre les mariages précoces. Car, le mariage précoce des filles et des garçons compromet la réalisation et la jouissance de presque tous leurs droits. Imposer un conjoint à des enfants ou des adolescents nullement prêts à la vie conjugale et que le mariage privera de la liberté et de la possibilité de développer leur personnalité, ainsi que d’autres droits comme la santé, le bien-être, l’éducation, et la participation à la vie sociale, dépossède les intéressés des protections fondamentales de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par notre pays. Les adolescentes enceintes de moins de 15 ans ont cinq fois plus de risques de mourir en couche qu’une jeune femme de 20 ans. Elles courent davantage le risque d’être victimes de fistules obstétricales ou de déchirure de l’appareil génital.

Le code de la famille comorien fixe à 18 ans l’âge légal du mariage. Dans la pratique, cette disposition n’est malheureusement pas respectée. Plusieurs mineurs sont mariés, la plupart des jeunes filles avec des adultes en raison de la vulnérabilité des familles. Une des raisons communément données par les parents pour justifier le mariage précoce des filles est qu’il s’agit d’un moyen de préserver leur virginité et l’ Islam autorise le mariage des enfants. Le mariage précoce est également utilisé comme une stratégie de survie économique pour les familles pauvres. En 2012, 80,4% des filles de 15-19 ans n’étaient jamais marié avec un homme. Elles étaient plus nombreuses en 1996 à ne s’être jamais mariées à ces âges, soit 88,5%. Ce résultat signifie que, comparé à 1996, en 2012 beaucoup de filles de 15-19 ans sont mariées. Dans ce groupe d’âge, 6% des filles étaient mariées avant l’âge de 15 ans en 2012 et 5% l’étaient en 1996.

L’Islam n’incite pas – comme le laissent entendre certains ulémas de la place – au mariage précoce. Le mariage en Islam doit toujours se faire dans le cadre des objectifs globaux de l’Islam et des objectifs spécifiques du mariage. En d’autres termes, le mariage ne doit jamais se faire contre l’intérêt matériel, moral, physique, socio-économique… de l’un des deux conjoint. Ainsi, marier la jeune fille à un âge où l’accomplissement des charges familiales lui porterait préjudice dans son intégrité physique ou morale, serait contraire aux principes de l’Islam. De même, les conséquences néfastes découlant d’une sexualité précoce, notamment, le traumatisme, la fuite et l’abandon du foyer conjugal, le divorce, sont contraires aux objectifs du mariage en Islam qui sont l’épanouissement physique, moral et économique des conjoints

D’où l’importance de combattre cette pratique néfaste des mariages précoces.

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