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Les litchis : une richesse encore inexploitée

Pour cette année, en ces débuts de récolte des letchis, les temps sont durs. La production a baissé. Cela a contribué à la hausse du prix du fruit rouge. Par ailleurs, cette richesse naturelle du pays n’est pas bien exploitée pour devenir au mieux une filière agricole comme les autres. Aucune organisation en vue encore moins un projet spécifique alors que le fruit ferait partie des produits potentiels au développement des chaînes de valeur.

Les litchis sont déjà là, garnissent et décorent les marchés de la capitale par leur peau rose et rugueuse sur les étals. Pour la vente, plusieurs femmes s’y mettent. Jeunes, et âgées remplissent les marchés. En ce mois de décembre, le prix des fruits rouges est à la hausse. Et selon une vendeuse, une vieille dame, rencontrée tout prêt du restaurant Nassib de Volo-volo, cela est dû à une faible production en ces débuts de récolte. Pour mille francs comoriens, on ne compte qu’une vingtaine de letchis. Une grappe qui, parfois, regroupe des letchis qui ne sont pas bien mûrs en ayant un mélange de vert et avec aussi une saveur âpre. Ce qui constitue bien une différence par rapport aux années précédentes. Si certains profitent pour goûter avec plaisir, d’autres préfèrent décliner l’achat de ces fruits. «J’achète parce que mon enfant aime les letchis», déclare Maman Kader. Et pour Nouriya Soulé, ce n’est pas son cas. Elle préfère attendre. «Je n’achète parce qu’ils sont chers et ils n’ont pas une très bonne saveur. J’attends jusqu’à ce qu’ils soient abondants car ils seront moins chers, juteux et délicieux», indique-t-elle.

Une saison difficile

Cette année, la faible récolte est souvent avancée par les vendeuses pour justifier la hausse du prix. Les producteurs, eux n’ont qu’une seule réponse à la bouche : le cyclone Kenneth. «Le cyclone a bien fait des ravages dans nos champs. J’ai six champs. Et dans les quatre, j’avais plus de cent litchiers mais, maintenant, ce n’est pas le cas. J’en ai perdu plus de cinq rien que dans un seul champ», déplore Foundi Bahaou, arboriculteur de Mvuni ya Bambao.

Une fois au marché, vendeurs et revendeurs se battent pour vendre leur produit. La majorité joue avec le même prix. Mais certains se révoltent et vendent à un prix plutôt abordable. Comme Maman Mariama, une infirmière qui a décidé de vendre ses propres litchis en toute indépendance. Assise un peu loin des autres, cette mère a la main sur le coeur. Tout en appelant les passants à acheter ses litchis, elle distribue aussi ses fruits aux enfants et aux jeunes. A côté de la Sonelec, une rangée de litchis occupe les lieux. Et les vendeuses appellent aux passants de jeter un coup d’œil et d’acheter. Cette mère s’est mise dans un coin, seule parce qu’elle a été chassée, dit-elle, par les autres vendeuses. Et pour cause ? Elle vend ses letchis à bas prix. «Ce sont mes propres litchis et je vais les vendre comme bon me semble», indique-t-elle. « Nawa nirentsi (qu’elles me laissent en paix, Ndlr), je veux les vendre rapidement car elles ont des obligations et moi aussi», ajoute-t-elle sans insouciance.

Le letchi, cache un travail qui demande beaucoup de temps et de courage. Pendant la saison de ce fruit, les producteurs ne chôment pas. Ils travaillent jours et nuits pour veiller au bien du petit fruit rouge. En plus de Kenneth, la tâche n’est pas du tout facilitée par l’arrivée des pluies ces derniers jours. «A cause de la pluie, les letchis pourrissent. Et, effectivement, ceci diminue encore plus le taux de production. Pour un grand litchier, il n’y a qu’une seule ou deux branches possédant des litchis. Cette saison est tellement difficile», a-t-on expliqué.

Aucune exploitation au niveau local

Pour l’infirmière, cette année la récolte est plus maigre. Elle parle ainsi d’une maudite année pour les litchis. «Ça craint pour cette année. Kenneth a vraiment tout détruit. Les arbres à litchis sont moins nombreux, ce qui fait que la récolte n’est pas satisfaisante. Et évidemment, les revenus sont minimes par rapport aux années précédentes», affirme-t-elle.

Faute d’exploitation, les litchis sont tout simplement vendus et consommés localement. Contrairement à d’autres pays, les fruits rouges sont bien exploités en produisant du jus, de la confiture, entre autres. Par manque de moyen de transformation, ces cultivateurs n’ont qu’une seule option : faire écouler le produit. Après le projet qui a été mis en place par le Qatar pour exploiter les litchis, et qui n’a pas abouti, aucun autre projet n’est encore envisagé pour exploiter ce secteur. Seulement, le secrétaire général du ministère de l’agriculture, Daniel Ali Bandar, évoque un projet de chaînes de valeurs. «Il n’y a pas un projet spécial pour les litchis mais ils font partie des produits cibles pour développer l’approche chaîne de valeur», annonce-t-il. Il précisera que «cette approche implique automatiquement la professionnalisation. Des études qui vont avoir lieu détermineront exactement les cibles des agriculteurs professionnels dans le court ou le long terme», a-t-il détaillé.

Outre cela, protéger ces fruits est encore primordial. Cependant les méthodes utilisées sont traditionnelles et aucune protection n’est encore en vue. «C’est un travail difficile. Nous devons rester jours et nuits pour faire chasser les chauves-souris et les makis. Et nous n’avons aucun moyen pour les protéger. Et nous ne bénéficions d’aucune aide pour mieux entretenir les litchis», avance l’arboriculteur.

Bahiya Soulayman / Alwatwan

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