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Lettre d’outre-tombe du Commandant Fayçal Abdoussalam

« Moi, Commandant Fayçal Abdoussalam, suis mort depuis 4 mois, presque jour pour jour. J’ai été condamné à perpétuité pour un prétendu complot contre l’autorité de l’Etat. J’ai pris perpète. Je suis mort dans des conditions qui restent encore à déterminer. De là où je me trouve, je n’ai pas l’impression que les autorités veulent savoir ce qu’il s’est réellement passé. A dire vrai, le flou qui entoure les circonstances de ma mort doit les réjouir. Aucune enquête n’a été ouverte, du moins à ma connaissance. Ma femme, je le sais, n’a jamais été interrogée. Quand on sait la célérité avec laquelle, les autorités judiciaires interrogent à tour de bras, gardent à vue, les conjointes des supposés auteurs de coups d’Etat et autres coups d’éclat, je ne peux que me poser des questions. J’ose espérer que mes enfants, connaitront un jour la vérité. Qu’est ce que ma famille me manque. Je ne verrai pas grandir mes filles. Je ne vieillirai pas auprès de mon épouse. Je ne connaitrai pas la joie de tenir sur mes genoux mes petits enfants. Je suis mort.

Tenez, la dernière fois, j’ai vu une publication de soutien à Said Ahmed Said Tourqui ( Sast). J’ai été content pour lui, il est vrai. Mais il est tout aussi vrai que j’ai eu un petit pincement au cœur. Je me suis rappelé à quel point, je me suis senti seul dans la prison de Moroni. Peu de membres de ma famille s’empressaient de prendre de mes nouvelles. J’étais le frère, le neveu, le cousin à bannir. J’ai été sacrifié sur l’autel de leur accointances avec le pouvoir. Vous le savez, certains cousins sont proches du gouvernement. Il y en qui occupent même des postes élevés. Entre le pouvoir et moi, le choix a été rapide. Injuste. Inique. A ma mort, ils ont pleuré. De honte ? Peut-être. A la vue de mon corps ensanglanté, ont-ils été pris de remords ? J’en doute fort. Il n’y a pas que le lien du sang. J’aurais été moins seul si mes frères, mes frères d’arme avaient été là pour moi. Eux aussi ont préféré m’oublier. Je ne sais s’ils regrettent leur geste mais à dire vrai, je m’en fous un peu. Je suis mort, n’est-ce-pas ?

En plus même si je serrais les dents mais j’étais malade en prison. Parfois je faisais 21 de tension. Il me fallait me rendre dans un centre hospitalier. Un cardiologue, m’a refusé une hospitalisation. Il a dit, je m’en souviens, « ma déontologie ne me permet pas de signer un transfert à l’hôpital ». Je faisais 21 de tension mais pas grave, je lui laisse sa prétendue déontologie. Médecins, avocats, franchement, ils n’ont pas été corrects avec moi.

Maintenant, je me demande même si mes conseils ne se sont pas servis de mon cas, pour aiguiser leur appétit présidentiel. L’un d’entre eux a même annoncé il y a quelques jours, son retrait de la vie politique pour se consacrer à ses clients. J’ai rigolé. Il n’en a que faire, de ses clients. Il s’est en tout cas, très mal occupé de moi. L’autre avocat n’a pas fait mieux. Occupés tous les deux à se préparer à une élection à laquelle ils n’avaient aucune chance de gagner.

Mais bon passons. J’espère sincèrement qu’une enquête sera ouverte. Une enquête juste et impartiale. Cela prendra le temps qu’il faudra. Un jour, les comoriens sauront ce qu’il s’est passé à Kandani, le 28 mars. Ils sauront pourquoi, moi, commandant Fayçal Abdoussalam, je suis mort. Pourquoi le Major Moutu est mort. Pourquoi Salim Nassor est mort. J’espère pour cela que Ouirdane s’en sortira. Vous savez, il était avec moi et Salim, le jour où j’ai quitté la prison. Bien que criblé de balles, il est vivant. La question est de savoir, il est vivant pour combien de temps ? »

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