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LETTRE OUVERTE SUR LE PROJET DE PRIVATISATION DE COMORES TELECOM

A :

  • ·Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle
  • ·Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
  • ·Messieurs les Gouverneurs des Iles Autonomes
  • ·Messieurs les Présidents des Conseils des Iles
  • ·Messieurs les Chefs des Partis Politiques
  • ·Monsieur le Président de la Fédération Comorienne des Consommateurs (FCC)
  • ·Monsieur le Président de l’Association des Consommateurs des TIC (ACTIC)
  • ·Messieurs les Représentants des Organisations de la Société Civile
  • ·Les médias

Messieurs,

Aujourd’hui, chacun d’entre vous se retrouve dans une situation délicate sur laquelle les comoriens ne manqueront pas de vous juger. Les générations présentes et futures vous demanderont des comptes sur ce que vous avez fait de notre pays. Pendant qu’une bande de voyous en costume d’apparat est en train de brader le patrimoine national, pourquoi restez-vous silencieux ? Que direz-vous à vos enfants lorsqu’ils vous demanderont pourquoi (par lâcheté ? par intérêt personnel ?) vous avez laissé « privatiser » Comores Telecom, seule source stable de revenues pour notre pays ?

Vous êtes-vous jamais demandé où est la nécessité de privatiser Comores Telecom ?

La privatisation d’un patrimoine national aussi important que Comores Telecom répond généralement à deux prérogatives :

~Soit parce que la société en question est au bord de la faillite et qu’il est devenu impossible pour l’Etat de continuer à la gérer. Nul besoin pour nous de dire que c’est loin d’être le cas pour Comores Telecom qui affiche un chiffre d’affaires annuel croissant atteignant plus de 25 milliards de FC en 2011.

~Soit parce que l’Etat a un projet prioritaire à financer, requérant d’importantes ressources financières non disponibles. Nous savons tous qu’à part le projet sans fin de renflouer certaines poches très privées et très profondes, aucun projet de ce genre n’est prévu et encore moins en chantier.

Alors la grande question que tous les comoriens se posent est : POURQUOI PRIVATISER COMORES TELECOM ???

Messieurs,

Si vous faites partie de ceux qui se posent cette question, permettez-nous de vous donner quelques éléments qui vous permettront de regarder le projet de privatisation de Comores Telecom sous un angle plus lucide.

A titre de rappel, le processus de privatisation est enclenché depuis 1992. C’est un processus réfléchi et planifié avec d’importantes étapes à respecter. Il s’agissait, en ordre, de :

 

 

~Scinder la SNPT en deux entités fonctionnelles indépendantes (Comores Telecom et la SNPSF)

~Mettre en place l’autorité de régulation avec comme premier objectif de procéder à la libéralisation du secteur des télécommunications et à la création d’un environnement concurrentiel réglementé.

~Et, une fois le secteur ouvert à la concurrence, lancer le processus de privatisation de Comores Telecom.

La scission de la SNPT a été réussie, créant deux entités viables et performantes ; l’Autorité de Régulation des TIC (ANRTIC) a été mise en place et continue à se déployer d’une manière assez satisfaisante.

Alors pourquoi faut-il sauter l’étape de la libéralisation du secteur d’abord avant de lancer tout processus de privatisation de Comores Telecom ?

Nous parlons ici d’une véritable ouverture du secteur des TIC et non le banditisme de grand chemin que furent l’épopée Twama Telecom (du groupe CGH) et Vocalpad initié par un certain Abou Oubeidi Mzé Cheih qui repart aujourd’hui encore à la charge contre Comores Telecom, sous la couverture de la Cellule des Reformes Economiques et Financières (CREF) montée de toutes pièces pour l’occasion.

Pourquoi faut-il passer d’un monopole d’Etat à l’inconcevable idée d’un monopole privé, sans avoir créé les conditions favorisant l’entrée sur le marché d’autres opérateurs ?

Une des raisons qu’avancent les marionnettes avides qui nous servent de dirigeants est que la privatisation de Comores Telecom est un pré-requis imposé par la Banque Mondiale à notre pays, rien de moins.

Jetons d’abord un regard sur les raisons de la Banque Mondiale à vouloir à tout prix privatiser Comores Telecom.

La Banque Mondiale est une banque avant toute chose et toute banque vit des prêts qu’elle octroie à ses clients et des intérêts qui en découlent. Pendant que les pays dits sous développés croulent sous le poids de la dette extérieure (96 milliards de FC pour les Comores), la Banque Mondiale continue à faire d’énormes profits sur le service de la dette. Alors comment faire pour qu’un pays comme les Comores continue à emprunter ? Le raisonnement est très simple : L’Etat comorien n’empruntera de l’argent que s’il n’en a pas lorsqu’il en a besoin.

Malheureusement pour la Banque Mondiale, l’Etat comorien peut se permettre d’emprunter moins (ou même pas du tout !!) auprès d’elle car notre pays possède encore quelques ressources propres comme Comores Telecom. Il faut alors simplement l’en priver.

Alors on commence d’abord par pousser les Comores dans le COMESA (Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe) signifiant en réalité que les ressources venant des services de douanes vont, dans l’absolu, être proche de zéro.

La deuxième source de recettes de l’Etat est le FISC et tout le monde sait à quel point nos services de recouvrement fiscal servent à financer les mêmes poches très privées et très profondes.

L’autre source de recettes sûres et stables pour l’Etat comorien est bien entendu COMORES TELECOM.

Comores Telecom contribue dans les caisses de l’Etat (sous forme de taxes et impôts divers) en moyenne à 6 milliards de nos francs par an sans compter que plus de la moitié des résultats nets (bénéfices) de Comores Telecom va aussi dans les caisses de l’Etat.

A titre d’exemple, au 31 décembre 2010, Comores Telecom a réalisé un chiffre d’affaires de 21 milliards 89 millions 92 mille 722 Fc sur lequel 12 milliards 595 millions 162 mille 776 Fc ont été prélévé comme la contribution de Comores Telecom sous la forme d’impôts et taxes diverses (IBD, IGR, TC, Taxes Douanières, Taxes ANRTIC) et d’arriérés téléphoniques de l’Etat.

Et c’est cette source de revenue pour l’Etat comorien qui dérange la Banque Mondiale car tant que les Comores disposeront des recettes venant de Comores Telecom, nous pouvons continuer à faire face aux défis liés au développement socioéconomique de notre pays. Pour la Banque Mondiale, il faut donc à tout prix priver l’Etat comorien de ces revenues en privatisant Comores Telecom.

Il s’agit alors de PRIVATION PAR PRIVATISATION.

Et c’est là qu’interviennent les deux principaux «Toutous de Bretton Wood », à savoir Son Excellence le Vice-président Budget-de-Guerre et Monsieur Abou Oubeidi Mzé Chei, Secrétaire Permanent de la Cellule des Reformes Economiques et Financières (CREF) et principal artisan de certains des projets les plus louches qui émanent des cercles du pouvoir depuis le règne de feu Président Taki Abdoulkarim et toujours sous les auspices de ses maîtres de Bretton Wood. Il s’agit du même Abou Oubeidi, ancien DG de la Douane et qui a fait un petit séjour à la prison de Moroni pour malversations financières.

Entre budget-de-guerre et un détourneur des deniers publics (et Dieu sait de quoi d’autre…), on peut dire que la privatisation de Comores Telecom est en de très bonnes mains !!

Et c’est de ces augustes personnages que nous sort l’arme fatale pour convaincre les comoriens de leur bonne foi : Le Programme d’effacement de notre dette extérieure (96 milliards FC) à travers la fameuse Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) dont le point d’achèvement, prévu en décembre 2012, est conditionné par … la privatisation de Comores Telecom, rien de moins.

Mais parlons justement de cette fameuse dette.

Emettons l’hypothèse que Comores Telecom est effectivement privatisée (ce contre quoi nous nous battrons jusqu’à notre dernier souffle). De facto, cela signifiera que le nouvel opérateur bénéficiera de l’exonération de toute forme de taxe et impôts pendant 12 ans, selon le nouveau Code des Investissements. Ce qui signifie que pendant 12 ans, l’Etat n’obtiendra presque rien du tout de Comores Telecom, en dehors des dividendes de ce qui lui restera comme actions. Nous ignorons les capacités intellectuelles des « Toutous de Bretton Wood », mais Monsieur le Ministre des Finances n’a pas besoin d’être un génie pour faire les calculs. Si Comores Telecom est capable de payer plus 6 milliards FC par an de taxes et impôts (montant qui ne serait pas imposable au nouvel opérateur exonéré) tout en continuant à investir en diverses infrastructures telles que le 3G, cela signifie simplement qu’à elle toute seule, Comores Telecom pourrait assurer la totalité du paiement de la dette extérieure de notre pays. Et c’est précisément cela qui fait peur aux fonctionnaires et consultants de la Banque Mondiale qui, contrairement aux croyances populaires, ne voudrait pas que les pays ‘‘sous son contrôle’’ soient capables de ‘‘se libérer’’.

Mais il y a une toute autre raison qui explique l’acharnement de la Banque Mondiale et ses bureaux d’études à vouloir privatiser Comores Telecom et non pas une société en manque d’énergie comme la Ma-Mwe.

Au-delà du travail remarquable qu’effectuent les deux ‘‘toutous de Bretton Wood », la Banque Mondiale s’entoure de dizaines de bureaux d’études qui ont comme principale mission de montrer par tous les moyens que la société en question est si mal en point (malgré des résultats positifs !!) que la seule réelle alternative est de s’en débarrasser.

L’un de ces bureaux d’études est la Société de Finance Internationale (SFI) qui a déjà déployé des dizaines de consultants qui sont en train de décortiquer toute l’ossature de Comores Telecom.

Leur rémunération, acceptée avec empressement par les Toutous de Bretton Wood, est simple : 10% de la valeur des actifs nets de Comores Telecom (c’est-à-dire grosso modo 10% du prix de vente de Comores Telecom qui vont à la Banque Mondiale comme paiement pour leur travail) ou 1 million d’euros si les 10% sont inférieurs à cette somme.

Les Comoriens ont la réputation d’être bêtes et dociles comme des moutons, mais vraiment à ce point ??

Pourquoi Mamadou et Abou Oubeidi accepteraient-ils une telle aberration s’il n y avait rien ‘‘en contrepartie’’ de leurs bons et loyaux services à la Banque Mondiale ?

Mais Monsieur le vice-président (ou président du vice, c’est selon), est-ce que ce que vous percevez comme ‘‘commission’’ est suffisant pour payer TOUS les électeurs en 2016 ? Parce qu’autrement, difficile d’espérer que les Comoriens votent pour vous. En tout cas, ce ne seront pas les 1200 personnes qui vivent décemment grâce à leurs emplois à Comores Telecom (et que vous voulez supprimer) ni les familles qu’ils soutiennent qui feront campagne pour vous.

On ne peut vraiment pas s’empêcher de se poser des sérieuses questions sur la santé mentale de nos ministres qui semblent tous être atteints de schizophrénie chronique.

Pendant que les deux ‘‘super toutous de Bretton Wood’’ au service de la république font tout ce qui en leur pouvoir pour mettre au chômage entre 800 et 1200 employés dont la plupart sont des jeunes qui commencent à fonder une famille, Madame Sitti Kassim, toute puissante Ministre de l’emploi, est entrain de scander à tous ceux qui veulent bien l’entendre que la priorité du gouvernement est la création d’emplois chez les jeunes !!

Très bel exemple de cohérence schizophrénique dans la politique du Président Ikililou qui devrait commencer à se réveiller. Ce ne serait pas une mauvaise idée que quelqu’un le réveille pour lui rappeler qu’il est le Président de la République.

On ne peut s’empêcher de se demander ce que pensent faire les intellectuels de l’Ile de Djoumbé Fatima face au projet de privatisation de Comores Telecom. S’ils laissent faire, comme le soutien l’Union des Cadres de Mwali, oseront-ils un jour vouloir briguer un mandat public et vouloir occuper des fonctions dirigeantes dans notre pays ? Accepteront-ils que l’héritage du règne de Mwali à la tête du pays soit la privation de son patrimoine et de ses principaux centres de ressources ?

L’histoire a toujours une drôle de façon de juger nos actions … et nos inactions !

 

Messieurs,

~Le personnel de Comores Telecom sollicite votre soutien pour que notre patrimoine à tous ne soit pas bradé pour servir les intérêts de quelques personnes pour qui rien n’est sacré ;

~Nous sollicitons votre engagement ferme et sans équivoque pour que l’avenir de notre pays ne soit hypothéqué pendant que nous détournons lâchement le regard ;

~Nous sollicitons votre engagement ferme et sans équivoque pour que des centaines d’emplois ne soient sacrifiés sous l’autel de l’avidité ;

~Nous sollicitons votre engagement ferme et sans équivoque à nos côtés contre la privatisation de Comores Telecom car notre combat est juste et nous le mènerons jusqu’au bout et par tous les moyens.

Nous ne reculerons devant rien car ce qui est sûr, notre engagement, à nous, est ferme et sans équivoque : NOUS N’ACCEPTERONS PAS LA PRIVATISATION DE COMORES TELECOM.

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