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L’impossible recours à des élections partielles lors des élections présidentielles

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I. Il me parait nécessaire de citer, au préalable, la jurisprudence du conseil constitutionnel comorien en vertu de laquelle « Une irrégularité ne peut entrainer l’annulation du résultat d’une élection même dans un bureau de vote, que si elle a gravement influencé ce résultat ». En effet, telle est la question que doit, toujours, se poser le juge constitutionnel, c’est-à-dire celle de savoir si les irrégularités constatées ont eu une influence déterminante sur les résultats du scrutin. Au travers de cette jurisprudence, l’on comprend clairement que le juge peut procéder à une annulation totale de l’élection comme il peut procéder à des annulations partielles. Mais est ce que toute annulation partielle peut donner lieu à des élections partielles ? Répondre à cette question nécessite une bonne lecture, au fond , des textes existants en vigueurs. Le but est d’éviter les confusions et les mauvaises compréhensions. Bien que certains textes sont implicites quant à la manière dont ils sont rédigés.

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II. Il faut noter que les compétences d’attributions du conseil constitutionnel en matière électoral varient selon que l’on est en face des élections présidentielles, des gouverneurs ou selon que l’on se trouve en face des élections législatives des conseillers des îles et des conseillers municipaux. Et pour appréhender ces variations, il faut se retourner vers les textes tans constitutionnels que législatifs. Certes, en vertu de ces textes, on peut penser qu’il s’agit des mêmes attributions, mais en se penchant sur le fond, il est évident que ces attributions varient selon l’élection concernée.

III.  Pour apporter des explications au profit de mon argument selon lequel les attributions du conseil constitutionnel varient selon l’élection concernée, notre norme suprême, qui est la constitution, a apporté la réponse. D’abord seules les attributions de la cour constitutionnelle en matière des élections présidentielles et des gouverneurs sont prévues dans la constitution. Les autres attributions ne sont précisées que par loi organique du 26 juin 2014. A l’appui de mon raisonnement, l’article 36 de la constitution précise que « Elle (la cour constitutionnelle) veille à la régularité des opérations électorales tant dans les Iles qu’au niveau de L’Union, y compris en matière de référendum ». Le sens exact de cet alinéa concerne uniquement les élections présidentielles et celles des gouverneurs. La régularité des opérations électorales des élections des gouverneurs et présidentielles est soumise au contrôle du conseil constitutionnel qui doit veiller non seulement avant, pendant et après les résultats, mais il est aussi comme le précise le même article « juge du contentieux électorale ». Certes « juge du contentieux électorale » concerne toutes les élections mais aucun article de la constitution ne parle des attributions de la cour constitutionnelle en matière des autres élections, des députés, des conseillers des iles et des conseillers municipaux. Ces attributions sont prévues par une loi organique, notamment celle du 26 juin 2014. Certes c’est la constitution qui renvoie à la loi organique de compléter et de préciser telles dispositions constitutionnelles mais toutefois, on sait très bien qu’une loi organique, dans la hiérarchie des normes, est inférieure à la constitution. Le pouvoir constituant a donc pris le soin de mesurer l’ampleur d’une élection présidentielle et des gouverneurs en faisant de ces élections, celles des élections générales présentant des intérêts majeurs dont les contentieux restent différents des contentieux des autres élections non prévues dans la constitution.

IV.  Qu’en est t-il de la réponse à la question de savoir si toute annulation partielle donne lieu à des élections partielles ? La réponse est négative car la compétence du juge constitutionnel varie selon l’élection concernée. Dans une élection générale et nationale comme les élections présidentielles et des gouverneurs, il ne peut y avoir des élections partielles. Soit le juge constitutionnel annule totalement l’élection, soit il fait des redressements des voix mais en aucun cas ouvrir droit à des élections partielles. Pour la simple raison, pour annuler une élection, il faut que l’irrégularité constatée ait une influence déterminante sur les résultats du scrutin. Mais qu’est ce qu’un scrutin ? Un scrutin est un ensemble des opérations de vote. Or il y a plusieurs sortes de scrutins. On peut citer par exemple le scrutin de liste, ou le scrutin plurinominal et enfin le scrutin majoritaire. Dans notre cas d’espèce, il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours c’est-à-dire celui dans lequel est déclaré élu le candidat qui a obtenu la majorité des voix.

V. Or pour annuler une élection présidentielle ou des gouverneurs, il faudrait que les irrégularités commises dans les bureaux de vote priment sur les régularités. Le scrutin ne concerne pas uniquement des bureaux de vote mais l’ensemble des opérations de vote. Alors il faudra que les irrégularités constatées aient une influence déterminante sur l’ensemble des opérations de vote. Et dans ce cas le juge constitutionnel procède à des annulations totales qui vont donner lieu à des nouvelles élections ou à des annulations partielles mais qui ne vont qu’entrainer que des redressements des voix. Car si le juge annule des bureaux de votes alors que ces annulations partielles n’ont pas entrainé une influence déterminante sur le mode de scrutin, à quoi bon d’organiser des élections partielles ?
VI. Par ailleurs, la loi du 26 juin 2014 a, également, illustré la primauté des élections présidentielles et des gouverneurs sur les autres élections des députés, des conseillers de îles et des conseillers municipaux. Le législateur a pris le soin de préciser, prime d’abord, les attributions de la cour constitutionnelle de l’élection du président de la république et des gouverneurs des iles (Chapitre III de cette ladite loi).

VII. Sur le chapitre 4 de cette loi, l’article 21 mérite d’être expliqué et interprété. Si « l’annulation partielle renverse le choix de candidat exprimé » lors d’une élection présidentielle mais que, néanmoins, ce renversement n’a pas d’influence déterminante sur l’ensemble du  scrutin ? La réponse est claire, le juge annulera ces bureaux sans pour autant, en l’absence d’une influence déterminante sur l’ensemble de scrutin, reprendre des nouvelles élections partielles. Cette hypothèse des élections partielles est ouverte aux seules autres élections des députés, des conseillers des îles et des conseillers municipaux. Et non pas aux élections présidentielles et des gouverneurs des îles.

Yhoulam Athoumani, juriste et professeur de Droit à l’Université Paris 10

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