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Me Moudjahidi, cet avocat « qu’il faut assassiner »

On les appelle les « said ankili », c’est à dire les plus intelligents. Il faut noter que cette expression a ici en général une connotation péjorative. Il ne fait pas bon ici de lutter pour le droit, pour une meilleure justice sociale parce qu’en face il y a ( beaucoup plus nombreux) ceux qui luttent pour « le système », lequel est du fait des notables et autres ancêtres. Il est donc normal, que quiconque refuse obstinément de se plier à l’ordre établi soit pour eux l’ennemi à combattre. Pire encore, à abattre. L’attachement viscéral au droit n’est à leurs yeux que fanfaronnade d’un idéaliste qui s’est trompé de pays. Peut-être même ont-ils raison de réagir de la sorte, ces progressistes (appelés péjorativement said ankili) déterminés à sortir des sentiers battus se font malmener dans nos administrations. Les insultes sont légion pour les traiter de tous les noms. Et de leur barrer la route quand ils osent dénoncer des pratiques d’un autre âge qui entravent et plombent le bon fonctionnement de l’administration. 

Et quand on dit administration figure en bonne place, le palais de justice. Palais de toutes les turpitudes, de toutes les dérives. S’agissant de « cet auguste palais », l’opinion a appris (avec inquiétude pour certains) la vague de radiations « arbitraires » survenues au barreau de Moroni le 26 août dernier. Une affaire qui défraie la chronique essentiellement en ce qui concerne le sort de Me Abdoulbastoi Moudjahidi. Ce dernier, nul ne l’ignore, est de ceux qui osent clamer haut et fort l’égalité de droit. Un avocat (stagiaire) engagé. Cultivé en plus. Qui ne courbe pas l’échine pour obtenir un passe-droit. Qui lutte jusqu’à, j’hésite à le dire, l’héroïsme. Avec son corollaire au pays des non-dits. Notre Moudja fait l’objet des railleries, certaines plus subtiles que d’autres d’une partie des ses collègues après sa radiation, laquelle n’est pas encore effective. On le raille parce qu’il refuse de se faire engloutir par un système qui a pourtant englouti bien plus gros que lui. 

Et comme on pouvait s’y attendre, nombreux sont ceux (et c’est un doux euphémisme) qui ne le portent pas dans son cœur. Là où le bât blesse, c’est quand on leur demande de se justifier. Ils bégaient, cherchent leurs mots, peinant à cracher le morceau, et tournent autour du pot. Arrogance, dites-vous ? Et quand bien même il l’était, l’arrogance est-il un délit ? Parce que Mme le bâtonnier, dans la délibération du Conseil de l’Ordre des Avocats, a pour motiver la radiation de Moudja, parlé d’arrogance ! Les bras m’en tombent. Et pas que les bras, la tête aussi. Constatez par vous-même : « Un jour alors que nous étions en formation avec des collègues, Moudja pour la prise de notes s’est servi de son ordinateur, alors que les autres utilisaient des feuilles ». Figurez-vous que « ce geste » a été associé par le formateur à du mépris car il a tout simplement trouvé qu’utiliser un ordinateur, au 21eme siècle était impoli, et il ne s’est d’ailleurs pas privé de s’en prendre à lui. Première absurdité qui dépeint l’atmosphère ambiante. Vous serez sans doute moins surpris d’apprendre que le formateur en question n’est autre que le secrétaire du Conseil, selon ce collègue à Moudja qui partage la décision du barreau. « Un autre jour la présidente du barreau revenait d’un voyage. 

Beaucoup d’entre nous étions allés l’accueillir à l’aéroport. Moudja n’était pas là alors qu’il était au courant ». En voilà une autre aberration. Quand tu es subalterne, il faut que tu suives ton chef partout. Dans ses machuhuli, dans ses wafati, même à l’aéroport quand il va et revient d’un voyage…privé. Et pourquoi pas chez elle/lui pour faire la vaisselle ?…Et il y en a qui le font. Sinon,  » t’es un arrogant ». Autre aberration. Encore une autre. « Un jour la fille ( que nous ne nommerons pas) de la présidente (Mme le bâtonnier) avait une affaire qui l’opposait à une autre dame. La présidente nous a demandé de ne pas prendre la défense de ladite dame contre sa fille. Mais arrivé en salle d’audience, Moudja a osé contredire la présidente en se constituant avocat de la défense ». Non pas pour défier la présidente comme entendu ici et là, mais parce que tout le monde a droit à un avocat, fille de paysan comme la fille de la première avocate du pays. Il se murmure que c’est à partir de ce jour, que la présidente nourrit une rancune tenace envers Moudjahidi. Et « se serait vengée en le radiant ». Comme si le fait de n’être pas entré dans la longue procession de lèche-bottes faisait de lui, un damné. Et parce qu’il a refusé de mettre dans le rang, le Conseil dira de lui qu’il a « un comportement agressif et arrogant à l’égard des formateurs, de la justice et du conseil de l’ordre des avocats » pour motiver sa radiation. 

Moudjahidi paie aujourd’hui le prix fort. Le plus lourd tribut pour un avocat, fier de porter sa toge, fier de défendre les plus démunis. Celui qui proclame, encore et encore, qu’enfant de roi ou bâtard, chacun devrait avoir droit à une justice équitable. Chacun devrait avoir droit à un avocat. Et d’ailleurs, il se distingue par sa propension à s’occuper bénévolement et gratuitement de ceux qui n’ont pas les moyens de payer des honoraires. Parce que c’est aussi cela, Moudjahidi. Généreux, passionné, et viscéralement attaché à la justice.

Toufeyli Maecha

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5 commentaires sur Me Moudjahidi, cet avocat « qu’il faut assassiner »

  1. Tout ce qui est expose ici ,est fort déplorable. Mais il y a des choses qui choquent . lorsqu’on l’exposant (le plaignant)s’identifie comme faisant parti de cette corporation ;et qu il se trouve parmis les subalternes et reconnaît qu’il fait lui aussi la courbette. La révolution devait commencer dans la corporation sinon vous êtes tous des corrompus.c’est sidérant de savoir un palais de justice se sinstituant en victime c’est à dire vous avez tous peur de perdre votre job et vous demandez au peuple de vous défendre .si vous même vous avez peur de la justice qu’en est il pour un simple citoyen sans défense .ou bien les arguments ici developpés sont sans fondement ou bien vous êtes tous des lâches .et enlevez vos blouses et rentrez chez vous

  2. il faut qu’on fasse une pétition pour cet avocat humain qui ne fait aucune différence entre les pauvres et les riches,c’est un homme qui est victime d’un système féodal qui est bien encrée dans les cerveaux des comoriens,alors il est temps qu’il y’ait un soulèvement du peuple pour arrèter l’hémorragie qui gangréne notre pays.

    • il faut un vent violent qui va secouer le pays et qui va renverser et faire un tableau rase dans tout le pays.les Comoriens aiment entendre parler de la justice mais ils n’aiment pas qu’on l’applique.Le mieux parmi eux c’est le menteur, le voleur des deniers publics…. c’est un peuple assez spécial.

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