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Mon rêve du bac s’est évanoui

Qu’on se rassure d’emblée : j’ai le bac. J’ai même un doctorat. De droit. Obtenu après des études supérieures en France. Je suis même enseignant à l’université des Comores. Depuis six ans. C’est de mon rêve de participer au jury du bac dont il s’agit. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Ma demande fut bien déposée, à temps, au bureau du commissaire en charge de l’éducation de mon île. Celui-ci demanda si j’étais titulaire d’un doctorat, si j’avais de l’expérience dans l’enseignement et si j’étais fonctionnaire. Une fois tout cela vérifié, je fus tout de même disqualifié. Non pas que je ne répondais pas aux conditions édictées illico par son excellence Monsieur le Commissaire. C’est que, d’après son lui, je n’étais « docteur » que depuis peu. Je fus donc recalé. Pour ma consolation, on me proposa de faire partie du secrétariat du jury. J’acquiesçai et fut même très enchanté de participer au jury du bac pour la première fois. Seulement ma joie fut avortée par un coup de fil du commissariat qui m’annonça que finalement je n’étais pas retenu pour le secrétariat. Néanmoins, je fus désigné pour coordonner la correction du droit. Quand je me présentai à l’Office des Examens et Concours retirer ma convocation, que ne fut mon étonnement de m’entendre dire que ma place était déjà occupée et que si je le voulais bien je peux coordonner la correction de l’économie. Seulement, on m’annonça quelques jours après que, comme je n’enseignais l’économie, je ne pouvais pas coordonner la correction de l’économie. Je fus bien sûr déçu de n’avoir pas eu la chance de participer au bac, mais je pensais surtout au temps fou que j’ai du perdre dans les couloirs sombres du commissariat à l’éducation. Ma petite mésaventure m’a valu beaucoup de visites au commissariat, beaucoup d’appels telephoniques et beaucoup de « il faut revenir, Monsieu r ne reçoit pas ».

Quand je pense que d’autres personnes, surement moins diplômée que mois, participent en ce moment au bac, simplement parce qu’elles ont des connaissances au commissariat, ou sont fils de…, sont de tel parti ou sont de telle région etc.

D’aucuns se demanderont certainement pourquoi je raconte tout cela. Qu’ils sachent que ma mésaventure est celle de beaucoup d’autres cadres qui rentrent, après de longues et couteuses études à l’étranger, servir notre pays et qui se voient traités avec dédain et mépris. Ma mésaventure est symptomatique du manque de considération et de la désillusion des cadres comoriens. Aucun titre ne vaut rien si ce n’est que tout s’acquiert par intervention. Même un doctorat en droit ne vous ouvre pas les portes de coordonner la correction du droit au bac dans un pays où les docteurs en droit se comptent sur les doigts de la main. Peut-être que la personne qui a pris ma place est titulaire une agrégation. On ne sait jamais !


Abdou elwahab Msa Bacar
Enseignant à l’université des Comores

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