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Mouigni Baraka Saïd Soilih : “Tout ce qui se dit à mon compte n’a aucun fondement”

gouverneurLe gouverneur de l’île autonome de Ngazidja est engagé dans un bras de fer avec l’Association des maires de l’île au sujet de la mise en place des délégations spéciales en lieu et place des mairies existantes. “Je ne compte pas renoncer à ce projet“, martèle Mouigni Baraka Saïd Soilih. Dans l’interview qui suit, le locataire du Palais de Mrodju aborde aussi d’autres questions d’actualité, notamment le problème de la gestion des ordures, la fronde au sein de son parti Orange dont une partie critique ouvertement son action…

Votre décision de mettre en place des délégations spéciales fait polémique. L’Associations des maires de Ngazidja est contre ce projet. Pourquoi, au lieu de consacrer votre énergie à préparer les élections municipales, vous tenez à créer des délégations qui, de surcroit, ne sont pas prévues par la loi?

Je dois d’abord dire que toutes les vingt-huit communes de Ngazidja ont compris l’urgence de mettre en place ces délégations spéciales. Et 99% des 207 villages de l’île y sont aussi favorables. Je les remercie et leur dis que je ne compte pas renoncer à ce projet parce qu’il est porteur de beaucoup d’avantages.

Pourquoi nous avons décidé de créer ces délégations spéciales alors que la loi ne l’a pas prévu?

Un petit rappel historique est peut-être nécessaire. Avant 2003, le président Mzé Soulé Elbak avait mis en place près de 70 mairies-pilotes à Ngazidja. Cela s’est poursuivi sous son successeur. En avril 2011, trois lois ont été adoptées: la première sur la décentralisation, la deuxième porte sur le scrutin communal et une troisième loi relative à l’organisation territoriale. Ces trois lois ont abrogé les dispositions antérieures, donc mis fin à l’ordonnance de Mzé Soulé Elbak. Il y a eu ensuite trois assises, notamment entre les exécutifs insulaires, l’Union et les partenaires. Les recommandations de ces assises appellent explicitement le gouverneur de Ngazidja à mettre en place des délégations spéciales en attendant l’organisation des élections. Vous conviendrez, après toutes ces explications, que nous avons raison.

Peut-on connaitre le budget exact des élections et comment allez-vous mobiliser ces fonds?

L’organisation des élections relève des compétences du gouvernement de l’Union. Et je ne saurais me substituer au ministère de l’Intérieur. Cela étant dit, je dois me préparer en conséquence.

Où en est la question de la délimitation des communes?

Sur ce sujet, nous privilégions le consensus. Nous allons donc réunir les communes concernées et discuter de cette question de délimitation. Nous pensons que les responsables locaux sont les plus habilités à débattre de ce problème. Mais, en cas de blocage des discussions, les pouvoirs publics vont devoir entrer en scène et trancher à vif.

On vous accuse d’avoir dépensé plusieurs dizaines de millions pour organiser les assises de la diaspora à Dunkerque en novembre dernier. Au juste, quels sont les résultats concrets de ces assises?

Ces assises ont été un franc succès. Alors que nous attendions une centaine de participants, ce chiffre a été largement dépassé et il y en a plus de 150. Notre initiative a reçu un écho favorable auprès de la diaspora. Notre objectif est de créer un cadre de dialogue et de concertation entre la diaspora et l’Exécutif de Ngazidja. Nous attendons maintenant le rapport final. J’ai la ferme conviction que la question du développement de Ngazidja passe par une grande implication des Comoriens de l’étranger. Avec la prochaine mise en place des communes, les projets seront discutés entre la commune concernée, le gouvernorat de Ngazidja et la diaspora. C’est une innovation au niveau de notre approche du développement.

La qualité de la délégation de Ngazidja, qui comprenait même des notables, avait nourri la polémique. Pour certains, cela montrait l’inutilité de ces assises. Que répondez-vous à cette critique?

J’admets qu’il y a eu des notables. Mais la délégation officielle a été composée de quinze membres dont moi-même et des cadres et autres fonctionnaires qui sont chargés, à divers niveaux, de la question de la décentralisation. Les notables dont vous parlez, on les a juste invités aux assises. Ils se sont payés leurs billets d’avion et n’ont reçu aucun rond du gouvernorat de Ngazidja. On parle aussi de jeunes qui ont bénéficié de visas et qui, une fois arrivés en France, sont disparus dans la nature C’est faux, archi-faux. Tous les membres de la délégation sont de retour. Seuls quelques notables sont encore en France pour recevoir des soins. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à la Communauté urbaine de Dunkerque pour avoir pris en charge l’hébergement et les autres frais liés au séjour des membres de la délégation en France. D’autres partenaires nous avaient accompagnés, comme la coopération française, le gouvernement de l’Union, les institutions bancaires de la place,…

La diaspora comorienne en France avait débloqué près de 150 millions de francs comoriens après les intempéries du mois d’avril 2012. Or, jusqu’ici, aucune réalisation n’a été enregistrée dans les villages ravagés par ces fortes précipitations. Peut-on savoir à quoi a servi cet argent de la diaspora?

Nous avons reçu de la diaspora entre 42 et 50 millions de francs comoriens. Dix millions ont servi à la réhabilitation de l’école primaire de Vuvuni, dix autres millions ont permis la construction de maisons en tôles à Nyumadzaha ya Bambao et six millions ont rénové l’école primaire de Mvuni. Aujourd’hui, certaines communautés villageoises réclament le reste de l’argent pour la construction de digues. Mais, nous attendons le premier rapport avant de procéder à d’autres décaissements.

Lors des examens de 2012, le commissariat à l’Education a été sous les feux des critiques. Pour la première fois, un commissaire a été pris en flagrant délit de fraude. Ce qui lui a valu sa démission de votre Exécutif. Quelles nouvelles mesures avez-vous prises pour éviter que de telles erreurs ne se reproduisent plus?

Je dois rappeler que le gouvernorat de Ngazidja n’était pas en reste après la découverte de cette fraude. Nous avons ensuite mis en place une commission spéciale, composée de Aboubacar Saïd Salim, de Mme Sittou et du syndicaliste Farid Msahazi, pour réfléchir sur les dysfonctionnements constatés et proposer des solutions. Puis, j’ai décidé de confier le département de l’Education à un spécialiste du secteur pour que de telles erreurs ne se reproduisent plus. Nous espérons que les mesures préconisées produiront des effets.

Le problème des ordures est provisoirement réglé en attendant que les riverains du site de Itsundzu s’insurgent encore contre la décharge. A quand une solution définitive de cette question?

A l’heure actuelle, une étude a été menée par des experts du Pnud; nous avons également lancé le deuxième projet relatif à la collecte, au tri, au recyclage et à la sécurité du site. C’est une fois que les résultats de ces expertises seront connus que nous allons démarrer les travaux. Nous ne reviendrons pas en arrière. Il faut une solution durable, qui soit profitable à tous les Comoriens. Les résultats du second projet nous permettront de voir plus clair. Je sais que le chef de l’Etat est engagé sur ce sujet et a rencontré beaucoup de partenaires. Je me félicite aujourd’hui de l’amélioration du cadre de vie à Moroni.

Votre mouvement politique Orange est presque au bord de l’éclatement. Certains proches de Mohamed Daoud (Kiki) ne se reconnaissent pas dans votre action politique et parlent même de ‘gestion mafieuse’ de l’île. Comment vivez-vous cette crise interne? Allez-vous créer votre propre courant politique?

Tout cela me désole. Mais, il faut dire que certains partis politiques ont connu pire. J’espère que le mouvement Orange saura surmonter cette crise interne. Souvenez-vous de la scission de Udzima, de Maesha-Bora,… j’espère qu’on n’en arrivera pas là. J’appelle mes amis à se ressaisir. Tout ce qui se dit à mon compte n’a aucun fondement. Et pour répondre à votre question, je n’ai pas l’intention de fonder un autre parti, je suis et reste au sein du mouvement Orange. Je ne vais pas le diviser non plus. Je me réjouis du bilan de mes vingt mois d’exercice du pouvoir. Certains engagements pris ont été tenus. 90% des bâtiments administratifs ont été rénovés et équipés, les Travaux publics sont aujourd’hui équipés en tout, sur fonds propres, nous avons assuré la fourniture de 1.700 enseignants et nous avons lancé la télévision de Ngazidja après avoir équipé la radio de nouveaux matériels. Ce bilan est loin d’être négatif comme certains cherchent à le présenter. On vous accuse souvent de faire la part belle à votre région (Itsandra) et de vous comporter plus en préfet de région qu’en gouverneur de Ngazidja. Que répondez-vous à ces critiques? Le premier acte que j’ai posé après mon investiture, je l’ai fait à Hambu pour les travaux de construction d’une école de formation financée par le Soudan. Je sais que ceux qui m’accusent de cela font allusion à la réhabilitation de la route à Itsandra, mais je dois dire que tout ce qui se fait dans cette région s’étendra dans le reste de Ngazidja. On a certes commencé à Istandra, mais les travaux de rénovation de la route se poursuivent aujourd’hui dans le Hambu et Mbadjini,…On ne peut pas tout faire en même temps.

Propos recueillis par
Mohamed Inoussa Alwatwan

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