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Notre armée est malade

« Des assises de l’armée comorienne s’imposent. L’institution doit impérativement et rapidement revoir sa politique de recrutement, étudier les moyens de revaloriser le métier et pourquoi pas organiser une campagne de « Vérité et Réconciliation » à l’image de ce qui s’est passé dans d’autres pays ». 

Pour comprendre la violence inouïe de la gendarmerie contre  des élèves au lycée de Moroni la semaine dernière, analysons un peu ce corps censé nous protéger mais  qui se retourne contre nous à chaque occasion. Qui sont ces militaires ? Comment sont-ils recrutés? Comment sont-ils formés? Et comment vivent-ils dans les casernes ?

D’abord, il n’est un secret pour personne que les recrutements dans l’armée sont des véritables camouflets. L’armée comme la police recrutent les jeunes délinquants qui étaient dans nos villes et villages. Les concours qui sont censés les sélectionner ne sont qu’un marché de dupes. La corruption passe toujours par là pour biaiser n’importe quel moyen de tri qui permettrait de se débarrasser des jeunes délinquants. Et même l’exigence d’avoir au minimum le BEPC pour intégrer l’armée est toujours détournée par les falsifications qui se font  au vu et au su de tous.

La solution pourrait  se remédier à partir de leur formation. Mais là aussi, des problèmes subsistent. A cause de manque de moyens, la formation est bâclée. La durée de formation est réduite à quelques  semaines. La procédure de « décivilisation » des jeunes recrus est survolée sans donner l’esprit militaire aux nouveaux. Et si cette formation est mal organisée c’est aussi à cause des formateurs.  Cette tâche est souvent confiée à des anciens de la Garde présidentielle de Bob Denard. Des hommes qui sont élevés dans la culture mercenariale et dans la brutalité. Je vous laisse donc deviner quelle leçon vont-ils donner aux nouveaux recrus. Et même si l’autre partie de la formation est assurée par des jeunes officiers de l’armée comorienne formés à l’extérieur, là aussi des lacunes existent. Ils sont certes bien outillés, sortis des grandes académies militaires mais ils ne sont pas formés pour former. Rares sont ceux qui ont des diplômes d’instructeur. Donc cette formation tourne à la plaisanterie.

Mais ces maladresses des jeunes militaires ne sont que la partie apparente de l’iceberg. La tête de l’institution est fortement malade, voilà pourquoi les bras (les jeunes militaires) agissent mal. La grande muette est minée par des conflits internes qui ne font que détruire à petit feu l’institution au risque d’exploser un jour. Si aujourd’hui la rivalité entre anciens de la FAC (Forces armées Comoriennes) et anciens GP (Garde Présidentielle) tend à s’apaiser, si l’opposition entre les anciens formés sur le tas et les autres issus de grandes écoles militaires étrangères, tend à s’essouffler, d’autres tensions ont surgi.

La politique est passée par là, et elle a laissé des traces. Aujourd’hui, des officiers se regroupent par clans insulaires et se regardent en chiens de faïence. Le séparatisme qui a sévi sur l’île d’Anjouan pendant des années a aussi laissé des séquelles. L’enrôlement des anciens FGA (milice armée de Mohamed Bacar) au sein de l’AND (Armée Nationale de Développement) n’a pas fait que des heureux. Certains cadres restés loyaux à l’AND digèrent mal  le fait de se retrouver dans le même corps que leurs anciens tortionnaires rebelles et servir sous leurs ordres. Un problème qui vient s’ajouter à l’ancienne guerre latente née après la fusion entre l’armée (FCD) et la gendarmerie. Gendarmes et militaires se méfient et se disputent le leadership dans l’armée.

Tout ceci nous conduit à suggérer que des assises de l’armée comorienne se tiennent au plus vite. L’institution doit impérativement et rapidement revoir sa politique de recrutement, étudier les moyens de revaloriser le métier et pourquoi pas organiser une campagne de « Vérité et Réconciliation » à l’image de ce qui s’est dans d’autres pays.

 

Par Ahmed Abdallah Mgueni

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1 commentaire sur Notre armée est malade

  1. Je suis tout à fait d’accord. Mais il y a aussi un problème de savoir vivre et d’éducation. Un gendarme ou un policier est là pour protéger et servir la population. Et non pour mettre plus de désordre.

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