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Nous devons réinventer l’avenir européen

L‘unité de l’Europe était le rêve d’un petit nombre. C’est devenu un espoir pour beaucoup. C’est aujourd’hui une nécessité pour nous tous. » Konrad Adenauer l’avait déjà compris, dix ans avant la signature du traité de l’Elysée, le 22 janvier 1963.

Ce texte a donné corps à la « nécessité », portée par le désir de réconciliation, d’une amitié franco-allemande durable, d’une économie prospère et d’une Europe unifiée. Cinquante ans plus tard, nous constatons que l' »amitié franco-allemande » a accompli beaucoup de choses et que l’Europe est une réalité.

UNION EUROPÉENNE EST LA PLUS GRANDE PUISSANCE ÉCONOMIQUE MONDIALE

La paix règne sur le continent et l’Union européenne est, en termes de PIB, la plus grande puissance économique mondiale.

C’est pourquoi, pour certains, il n’existe aucune alternative à l’Europe. L’Histoire nous a appris que tout cela n’est qu’illusion : en 1913, personne ne voyait venir la guerre. Les perspectives d’avenir des populations étaient marquées par la foi dans le progrès et l’optimisme.

Et pourtant, la « seconde guerre de Trente ans » commençait un an plus tard. Les débats auxquels nous assistons au sein de nombreux Etats membres montrent que la fin de l’unité et la désintégration de l’Europe sont possibles, même aujourd’hui.

Ces noces d’or ne doivent cependant pas nous empêcher de regarder encore et toujours vers l’avenir.

Dans mon secteur industriel également est apparu indispensable, à la fin des années 1990, de réaliser l’intégration européenne pour sécuriser l’avenir. A l’époque, le projet EADS et son socle franco-allemand étaient considérés par beaucoup comme une entreprise très risquée.

LA CONSTRUCTION DE L’EUROPE

Aujourd’hui, nous sommes fiers de pouvoir dire que, en dépit des hauts et des bas, nous avons créé une entreprise performante et intégrée au-delà les frontières nationales, et avons ainsi contribué à la construction de l’Europe.

Les défis et les projets communs nous ont rassemblés et conduits au succès. Dans ce domaine, j’ai constaté que nous parlions bien trop souvent de ce qui nous sépare, nous, Français et Allemands, et pas de ce qui nous lie, qui est beaucoup plus important et recèle un potentiel considérable. EADS et Airbus en sont de bons exemples.

Aujourd’hui, je vois arriver chez nous une génération de jeunes Allemands, Français, Britanniques et Espagnols qui regardent l’Europe sans « bagage » historique et qui perçoivent les forces et les opportunités de la mondialisation plus clairement que ma génération.

Ces jeunes savent que seul un travail d’équipe permettra à l’Europe de s’affirmer économiquement et politiquement dans le monde au cours des cinquante prochaines années.

Les expériences positives réalisées grâce à notre projet industriel ont fait naître chez moi la conviction qu’une Europe fédérale unifiée est non seulement nécessaire, mais possible.

RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ ET LA COMPÉTITIVITÉ DE L’INDUSTRIE EUROPÉENNE

Mais je vois également le scepticisme croissant dont l’Europe est victime. Pour le combattre, la France et l’Allemagne doivent définir un nouvel ordre du jour européen, comprenant au moins deux grands objectifs.

Tout d’abord, nous devons renforcer l’attractivité et la compétitivité de l’industrie européenne. Pour y parvenir, nous devons apprendre les uns des autres et montrer du courage dans l’action. La France vient de prendre des mesures pour enrayer sa tendance préoccupante à la désindustrialisation.

D’autres doivent suivre. Cela rappelle l' »Agenda 2010″, qui a beaucoup apporté à l’Allemagne et qui est pourtant menacé de démantèlement. L’Allemagne ne doit pas se reposer sur ses lauriers. L’augmentation de la dette publique et la création de nouvelles dépenses sont préoccupantes.

Assurer la compétitivité de l’Europe implique également la mise en place d’une politique énergétique concertée et de réponses communes à l’évolution démographique.

Compte tenu de taux de natalité en baisse, nous avons besoin d’une politique d’immigration et d’intégration cohérente. Des mesures nationales fragmentées, que ce soit en matière de politique énergétique ou d’immigration et d’intégration, feront régresser l’économie européenne sur la scène de la mondialisation.

Cela vaut tout autant pour la formation, la recherche et développement (RD). L’Asie, Chine incluse, investit aujourd’hui 3,5 % de son PIB dans la RD, contre seulement 2 % pour l’Europe, qui risque de ne pas pouvoir suivre le rythme.

Le tandem franco-allemand se doit d’imposer à l’Europe une stratégie RD tournée vers l’avenir. A ce titre, nous devrions lancer sans plus attendre le 8e Programme-cadre de recherche et développement.

MAINTENIR LES BRITANNIQUES AU SEIN DE L’UNION

La seconde mission concerne la politique étrangère et de sécurité commune. Dans ce domaine, la première pierre a été posée il y a cinquante ans. D’autres jalons, symboliques, ont suivi. Les défis actuels montrent que l’Europe doit enfin parvenir à se rassembler sur les questions de défense et de sécurité.

Ainsi, la première puissance économique européenne ne doit plus rester à l’écart des conflits en invoquant un rôle historique particulier (notamment en Libye), alors que les Français, les Britanniques et d’autres Etats européens assument leurs responsabilités.

Paris et Berlin doivent, pour des raisons de sécurité et de politique économique, mettre tout en oeuvre pour maintenir les Britanniques au sein de l’Union. Bien entendu, pas dans une « Europe à la carte », mais il ne doit pas être sacrilège de se demander si certaines des compétences de l’Union ne seraient pas mieux gérées au niveau national ou régional.

Finalement, l’unification européenne procède par tâtonnements et ne suit pas un plan directeur. La France et l’Allemagne doivent faire preuve de courage et de ténacité. Il est plus que jamais indispensable d’oser plus d’unification, de construire une Europe fédérale dotée de fortes structures complémentaires et fondée sur l’économie de marché.

Nous avons besoin d’une Europe qui, demain, conserve sa compétitivité globale et sa capacité d’agir. Ceci est la mission qui nous incombe de cinquante ans de traité de l’Elysée. Et ce n’est qu’ensemble que la France et l’Allemagne peuvent en fixer l’agenda.

Tom Enders, président exécutif (CEO) d’EADS

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