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«Nous ne savons pas gérer notre pauvreté. Nous voulons vivre comme des pays développés ayant des moyens»

Nous publions ci-dessous un entretien avec le Docteur Halidi Boudra, peu avant sa mort. Cet article a été publié en 2008 dans la rubrique « Personnalité d’Albalad ».

Le Docteur Boudra est aujourd’hui un homme très diminué physiquement et pourtant sa mémoire est presque intacte.

« Je suis en rémission, théoriquement je devais mourir depuis 2002 », nous déclara-t-il d’emblée. Il nous a reçu à domicile, allongé sur son lit. Le médecin nous fera ensuite un bref résumé de son parcours.

« Je suis né à Mutsamudu. J’ai fait mes études primaires à Mutsamudu et à Domoni. Après un bref séjour à Mayotte, je suis revenu à Anjouan pour préparer mes études supérieures à Moroni, Mitsamiouli, Tananarive et enfin en France. Je suis médecin diplômé de Tananarive. J’ai préparé mon doctorat à l’Université de Marseille. J’ai fait la chirurgie à Aix Marseille. Je travaille à Hombo depuis 1972 après un séjour de quelques mois à Moroni. Je suis élu gouverneur de l’île d’Anjouan au suffrage universel pour un mandat de cinq ans (1979-1985). Je suis retraité depuis juillet 1995. Je suis aussi « un mal traité ». J’ai trois ans de non payement de ma pension de retraite. Comment dans ce cas voulez vous encourager les jeunes à faire plus ? »

■ Êtes vous vraiment satisfait de ce que vous avez accompli jusque là ?

Oui.

■ Comment avez-vous commencé votre carrière ?

J’ai commencé le 11 août 1960, comme médecin à Domoni.

■ A votre avis, qu’est ce que vous avez accompli de si important dans votre carrière ?

Tout se centre sur la sphère médicale.

■ Quelle leçon tirez vous de votre expérience professionnelle ?

Une amertume, parce que le comorien n’est pas reconnaissant.

■ Y a-t-il une cause particulière pour la quelle vous militiez ?

Oui. La lutte contre l’analphabétisme.

■ Quelle est votre philosophie du succès ?

Savoir se satisfaire personnellement.

■ La chance a-t-elle joué dans votre succès ?

Non, rien que le mérite.

■ Avez-vous déjà essuyé un échec ? Si oui lequel ?

Oui, en famille.

■ Quelle trace laissez vous dans votre pays aujourd’hui ?

J’aurai souhaité que les jeunes copient sur moi, c’est-à-dire : vouloir.

■ Si vous pouvez revenir en arrière quel détail de votre vie effaceriez vous ou modifierez vous ?

Je n’aurai rien à modifier, j’aurai plutôt à amplifier.

■ Quel est l’incident que vous n’oublierez jamais ?

Je n’ai pas de souvenance.

■ Quel regard posez vous sur le corps médical aujourd’hui ?

Nous ne savons pas gérer notre pauvreté. Nous voulons vivre comme des pays développés ayant des moyens. Beaucoup d’hôpitaux, beaucoup de médecins pour un résultat inexistant.

Maintenant on travaille pour une seule vocation : l’argent.

La première question qu’on vous pose une fois à l’hôpital : avez-vous de l’argent ?

■ Quel rêve n’avez-vous pas encore pu réaliser ?

N’avoir pas assez progresser dans la médecine.

■ Le 06 juillet dernier vous êtes élevé au grade d’officier de l’ordre du croissant vert des Comores. Que vous inspire cette distinction ?

C’est un geste normal prouvant que j’ai effectivement travaillé pour la nation.

Je tiens à souligner que j’ai toutes les décorations des Comores, jusqu’à l’étoile d’Anjouan qui est la plus haute distinction des Comores.

Encadré

■ Qui voudrez vous gifler ?

L’ignorant. Parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait et il ne sait pas ce qu’il doit faire et ce qui l’attend.

■ Qui remerciez vous ?

Pour le moment personne.

■ A qui offrirez vous une rose ?

A mes enfants.

■ Qui vous fait pleurer ?

Ma femme. [Elle est morte il y a quelques années]

■ Qui vous fait rire ?

Personne

■ A qui demandez vous pardon ?

A Dieu.

■ Nommez quelqu’un à qui vous êtes reconnaissant.

Mes enfants.

■ Quelle est votre devise ?

Aimer le travail.

■ Qu’est ce qui vous fait peur ?

Comme tout humain, la mort.

■ Une personnalité dont vous jugez historique.

Saïd Mohamed Cheikh. C’est le père de la Nation. Il est le doyen de tous.

■ Quel objet personnel ne pouvez vous pas vous passez ?

La pensée.

Propos recueillis par Faïssoili Abdou / CE

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