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Paris et Kaboul à l’heure des bilans

Le départ des troupes françaises de combat d’Afghanistan sonne l’heure du bilan sur une intervention et une présence devenue significative à partir de 2008.

L’avenir de ce pays après le départ définitif de l’OTAN fin 2014 dira si l’envoi de soldats et le soutien au gouvernement afghan auront permis de stabiliser et de pacifier cette région. Mais, pour l’engagement français, il est déjà possible de chiffrer les résultats de l’aide apportée par Paris à Kaboul.

Depuis 2008, alors que le contingent français atteignait 4 000 hommes, plus de 2 milliards d’euros ont été alloués à ce pays, au titre de l’aide civile et militaire. Les Etats-Unis, dont près de 100 000 soldats ont été déployés sur le terrain (depuis le retrait des renforts à la fin de l’été, ils ne sont plus que 68 000), ont dépensé, chaque année, l’équivalent de 98 milliards d’euros sur la même période, pour les seules activités militaires.

En Kapisa, la province afghane placée par l’OTAN sous responsabilité française, la brigade de l’armée nationale afghane est passée de 600 hommes en 2009 à 3 000 en 2012. Trente-cinq kilomètres de fils électriques ont été installés et une route goudronnée, payée par les Etats-Unis, la traverse presque de part en part.

Néanmoins, certains officiers ne cachent pas, en privé, leur amertume d’être contraints de rentrer avant d’avoir accompli leur tâche et de confier le contrôle de la sécurité à 240 Américains et non aux Afghans.

VINGT PROCHAINES ANNÉES

Sur le terrain de la diplomatie, la France n’aura jamais joué un rôle de premier plan. Faute d’avoir été invitée à la table des négociations avec les talibans, aux côtés des Américains, des Pakistanais et des Afghans sur l’après-2014, Paris joue sa propre carte en secret. Des représentants des principales composantes de la société afghane ont été réunis à deux reprises, fin novembre 2011 et fin juin 2012 à Chantilly (Oise) pour évoquer  » l’horizon 2020 « . Une troisième réunion doit avoir lieu au mois de décembre.

L’idée est de convier à la fois le camp du président Hamid Karzaï, les anti-Karzaï, des messagers des mouvements insurgés, dont les talibans et des experts français, soit une trentaine de participants, sous l’égide des ministères des affaires étrangères et de la défense.

Le 20 octobre, le traité de coopération et d’amitié entre la France et l’Afghanistan a scellé et donné un futur cadre à la relation entre les deux pays pour les vingt prochaines années. Il a été paraphé par le ministre des affaires étrangères afghan, Zalmaï Rassoul, et son homologue français, Laurent Fabius, venu à Kaboul pour l’occasion.

L’effort financier réel consenti dans ce traité par les contribuables français au profit de l’Afghanistan ne dépassera pas la dizaine de millions d’euros annuels. La France compte parmi les plus faibles pays donateurs et cet accord reprend, par ailleurs, les 40 millions d’euros déjà versés chaque année en matière de coopération, ce qui permet d’afficher près de 300 millions d’euros pour cinq ans.

PARITÉ HOMMES-FEMMES…

Le départ des militaires remet sur le devant de la scène ce qui fut, avant l’invasion soviétique en 1979, au cœur de la relation franco-afghane : la coopération en matière de santé et d’éducation. Le traité signé entre Paris et Kaboul a ainsi mis l’accent sur l’Hôpital pour enfants, dans la capitale afghane, qui sera étendu. Les lycées franco-afghans Esteqlal et Malalaï bénéficieront de renforts pédagogique et matériel, et l’université polytechnique de Kaboul ouvrira des partenariats avec des homologues françaises.

Dans le domaine de la recherche, la France devrait aider à la création d’une structure proche du Bureau français de recherches géologiques et minières (BRGM), chargé de gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol. L’archéologie, secteur où les Français et les Afghans travaillent ensemble depuis 1922, est également visée dans l’accord de coopération.

Sur le terrain de la gouvernance, la France se propose de former une partie de l’élite administrative afghane : le corps des gouverneurs qui sont nommés par le gouvernement afghan à la tête des provinces sera formé dans le cadre d’un programme géré par le ministère de l’intérieur français, les diplomates auront accès à des sessions similaires.

Est-ce que les habitants de la Kapisa diront un jour si la présence française a laissé une trace particulière ? L’état de l’opinion afghane est une donnée incalculable à ce jour, mais l’on dispose de celles des parlementaires afghans de cette région. Les autorités françaises ont eu la surprise de découvrir que, parmi les trois parlementaires afghans qui ont refusé de voter la ratification du traité d’amitié franco-afghan, figurait celui de la Kapisa, au motif qu’il était contre l’inscription dans ce texte de la parité hommes-femmes.

Lire le reportage Le retrait du matériel français, une opération militaire à part entière

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