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POUR SAUVER LES ASSISES, UNE 3e VOIE EST POSSIBLE

Nous, signataires du présent appel, avons grandement espéré du projet d’organisation des assises nationales. Cet événement historique nous a été présenté depuis deux ans et demi comme le tournant déterminant qui allait conduire notre pays à une véritable renaissance après 42 ans de stagnation. Nous avons salué les hommes et les femmes qui ont poussé ce cri d’alarme et œuvré jour et nuit pour en faire une réalité. Nous avons applaudi l’engagement au plus haut niveau de l’Etat pour faire de ce rendez-vous une réussite. Cependant, nous avons progressivement déchanté face à la résurgence des comportements que ces assises visaient à dénoncer et à combattre. La déception est à la mesure de l’ambition qui a accompagné cet exercice.

Nous sommes restés sur notre faim devant le bilan sans concession, ni complaisance tant attendu, ce bilan qui devait nous permettre de tirer les leçons pour une meilleure conduite des affaires publiques. Malgré les qualités individuelles de l’expertise retenue pour ce diagnostic, le résultat final nous parait bien en deçà des expectatives, sans doute faute de temps, sans doute faute de pédagogie pour aborder cet exercice, somme toute innovant. Nous sommes extrêmement perplexes sur la qualité des recommandations qui pourront découler d’un bilan aussi peu approfondi. Quelle garantie donner aux remèdes qui seront prescrits si le diagnostic est incomplet ?

Nous, signataires du présent appel, demeurons préoccupés par le fait qu’une partie non négligeable de la classe politique et des élus locaux et certains des exécutifs insulaires en qualité d’autorités légitimes ne soient présents à ce grand rendez-vous. Nous déplorons fortement le manque d’engagement de ces derniers dans cette consultation à vocation nationale, de même que nous reprochons aux artisans de l’exercice le peu d’initiatives prises pour les ramener autour de la table. Quelle valeur donner aux recommandations qui en seront issues si elles ne sont pas le fruit d’une réflexion collective et inclusive?

Nous, signataires du présent appel, sommes extrêmement préoccupés par les échos sur les dysfonctionnements constatés dans la phase préparatoire, notamment la gestion financière du processus, les sommes colossales engagées sans transparence, la mise en place des différentes instances du comité de pilotage, la sélection des participants aux différentes consultations, l’accueil réservé à certaines délégations dans des localités hostiles au processus, les déclarations intempestives de certains membres et acteurs clés de l’initiative, la communication défectueuse, les mécanismes de prise de décision, et plus globalement le caractère d’improvisation qui a dominé tout le processus. Ces dysfonctionnements rappellent étrangement les pesanteurs qui pèsent sur nos institutions et qui ont mené le pays au bord du gouffre. Quelle crédibilité accorder à cet exercice si les acteurs du changement ne prêchent pas par l’exemple ?

Parce que nous n’avons pas le droit de jouer avec le futur de nos enfants, parce que nous avons un devoir d’honnêteté, de sincérité et d’exhaustivité dans le travail d’introspection dans lequel nous nous sommes engagés, parce que nous prenons une responsabilité pour tracer des pistes pour un nouvel horizon politique, nous, signataires du présent appel, souhaitons attirer votre attention sur le danger à poursuivre aveuglément une aventure dont l’issue est si incertaine.

L’objectif du présent appel est d’alerter sur nos craintes d’une possible déviation de l’exercice malgré les bonnes intentions qui l’ont animé au départ. Quelle image du pays allons nous véhiculer si cet exercice dans lequel nous nous sommes volontairement engagés, avec l’appui de nos ressources parmi les plus pointues, donne si peu de résultat ?

Notre plus grande crainte reste la menace qui pèse sur l’unité nationale et le retour de la déstabilisation chronique, alors que l’idée même d’assises nationales est née de la frustration de nos sportifs face à une atteinte à notre intégrité territoriale. Le débat focalisé sur le maintien ou pas de la tournante a fortement biaisé l’esprit de ces assises en fixant l’attention sur les ambitions politiques plutôt que sur les causes profondes de nos échecs. Il serait dommage que cet exercice supposé donner un nouvel élan vers un futur prometteur et une paix consolidée nous ramène aux heures les plus sombres du pays.

Le maintien de pratiques équivoques dans une atmosphère délétère n’est pas de nature à créer l’environnement apaisé nécessaire à l’adhésion massive de la population à un projet d’assises nationales supposées exorciser les maux dont souffre le pays. Il est primordial de rassurer l’ensemble des parties prenantes sur la transparence et l’indépendance du processus afin que chacune s’approprie les recommandations qui en découleront et s’investisse dans leur mise en œuvre.

Par conséquent, nous, signataires du présent appel :

– appelons à une extrême vigilance quand à l’adoption de recommandations qui ne résulteraient pas d’un consensus effectif et d’un diagnostic exhaustif et profond ;

– demandons que les premières conclusions ne soient pas immédiatement transformées en mesures déterminantes pour le pays afin de permettre le rassemblement effectif de tous les comoriens autour d’un projet de société commun.

– recommandons que ces assises qui se déroulent du 5 au 12 février 2018 soient considérées comme une étape du dialogue inter-comorien et qu’elles aboutissent à la programmation d’échéances complémentaires qui permettront d’examiner en profondeur les raisons de l’absence de décollage.

– appelons, si le principe de poursuivre le dialogue est acquis, i) les partis politiques à renoncer à la politique de la chaise vide et participent effectivement au débat, ii) la société civile à s’impliquer davantage pour conférer au débat, une posture citoyenne et iii) le gouvernement à jouer un rôle dans l’organisation des assises en permettant d’identifier un facilitateur qui puisse garantir le caractère inclusif du débat.

– appelons les hommes et les femmes impliqués dans cet exercice à mesurer leur responsabilité face à l’histoire ainsi que les conséquences qui pourraient découler d’une conduite hasardeuse du processus.

MORONI, LE 06 FEVRIER 2018.

Liste des signataires par ordre alphabétique :

1. Mme Abbas Amina, Présidente Adrikini, membre du M11, société civile

2. Abdallah Nouroudine, Directeur Général du CNDRS, Professeur des Universités

3. Abdérémane Cheikh Ahmed – Cheikh MC, Chanteur, compositeur

4. Abdoulkarim Ahmed, Militant et ancien président Ngo’Shawo

5. AbdoulMadjid Youssouf, ancien Député, ancien Ministre des Finances, ancien Conseiller à la Cour Constitutionnelle

6. Abdourramane Asmah, Relocation specialist

7. Aboubacar Mchangama, Journaliste

8. Aboubeker Chahssou, Gérant ABC…Z’Imprim

9. Ahmed Naguib Keldi, Gérant de sociétés

10. Ahmed Nassuf Abdou, Secrétaire Général MOJA

11. Ait Ahmed Djalim, Président Ngo’ Shawo

12. Ali Mmadi, journaliste

13. Ali Moindjié, Journaliste

14. Amin Said Ahmed, Militant Ngo’Shawo

15. Anziza Mohamed, Responsable logistique d’un laboratoire, Marseille

16. Assoumany Aboudou, Directeur Général de l’Union des MECK, ancien TPG de la République, et ancien ministre (Finances, Economie, Commerce, Intérieur et de la mise en place des institutions)

17. Ben Amir Saadi, Journaliste Reporter d’Images, Manager général des Cœlacanthes

18. Ezidine Housseine, Directeur d’une agence de communication

19. Faharate Mahamoud, Gérante de EGT. Ancienne présidente du MODEC. Représentante du secteur privé au CPAN

20. Fahmy Thabit, Entrepreneur, Ancien président de la Chambre de Commerce

21. Fatma Cheikh Ahmed, Assistante administrative et financière

22. Kamal Ali Yahoudha journaliste

23. Kamal’Eddine Saindou, Journaliste

24. Mohamed Ahmed Salim, Conseiller juridique, Gouvernorat d’Anjouan

25. Mourad SAID IBRAHIM, Avocat au barreau de Moroni, avocat agréé près la Cour suprême des Comores, ancien magistrat. Ancien ministre de la justice et de la fonction publique, ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire.

26. Docteur Mtara Maecha,

27. Nadia Tourqui, Ancienne fonctionnaire des Nations Unies, Consultante indépendante et membre du M11

28. Nakidine Mattoir, Historien

29. Nasser ASSOUMANI, Directeur ONG MAEECHA

30. Nassim GUY, Chargée de Communication en institution

31. Nour el Fikr Ali Mohamed, Consultant indépendant et Artiste

32. Omar Mohamed Houzoir, Consultant

33. Saandi Assoumani, Ancien ministre

34. Said Abass Ahamed, Médiateur international

35. Said Ahmed Said Tourqui, Ecrivain

36. Said Halifa, Développeur économique en mairie et expert-formateur sur les questions de la gestion communale et de la décentralisation

37. Said Mohamed Said Athouman, Gestionnaire en Retraite et assurances

38. Saindoune Ben Ali, Ecrivain

39. Salim Ali Amir, Artiste chanteur compositeur

40. Samia AbdoulMadjid, Consultante indépendante

41. Samra Aboulaith, Educatrice

42. Soeuf El Badaoui, Artiste et auteur

43. Yakina Mohamed Djelane, Enseignante Chercheuse, CNDRS

TOUS CEUX QUI ADHÉRENT A CETTE TROISIÈME VOIE PEUVENT SIGNER CET APPEL.

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