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Prospection pétrolière : marcher comme sur des œufs

Le gouvernement de l’Union des Comores a pris de vitesse le communiqué signé du vice-président de l’Union en charge des Finances qui avait inondé l’espace presse et information du pétrole, des mines et des finances informant que la seule compagnie qui possède un accord relatif à l’exploration et la production de pétrole et de gaz dans les eaux territoriales de l’Union des Comores est Boulle Mining Group et sa société subsidiaire, Mozambique Channel Discovery.

Le même communiqué controversé diffusé par Marketwire (une agence d’information financier canadien qui distribue à plus de quinze mille clients), mettait en garde l’industrie pétrolière en particulier et le public en général, que la Compagnie Bahari, prétend prévaloir d’un accord dans l’exploration et la production pétrolière dans des eaux territoriales des Comores.

Le gouvernement de l’Union deux jours après ce communiqué inonde les mêmes espaces pour “rétablir la vérité“ et redonner à Bahari, ressources Ltd, la place que le gouvernement lui avait accordé, l’autorisant de “mener des négociations avec d’autres compagnies pétrolières pour l’augmentation des superficies explorées aux Comores et invite les parties intéressées à demander des licences auprès du vice-président en charge du ministère de la production, de l’environnement, de l’énergie et de l’industrie, seule autorité mandatée en la matière”.

Maintenant que le contrat est dénoncé, c’est vers l’avenir qu’il faut se tourner pour éviter pareille mésaventure qui risque de mettre le pays en péril, même si dans ce cas de figure, l’intention de nuire du vice-président de l’Union n’est pas encore prouvée, son périple en Asie, nous empêche de disposer de sa version des faits.

En Afrique, beaucoup de pays sont tombés dans des pièges contractuels qui se sont refermés sur leurs populations qui restent pauvres malgré la richesse de leur sous-sol. Le séminaire régional de la Facilité africaine de soutien juridique (Fasj) et de l’Union panafricaine des avocats (Palu), organisé justement sur les négociations et autres transactions commerciales complexes, en mars 2012, s’est penché sérieusement sur ces questions. La question de la gouvernance des industries extractives est d’actualité dans le contient et elle implique l’existence d’un cadre juridique et institutionnel d’investissement, qui soit transparent et stable, mais aussi un cadre de négociations contractuelles équilibrées.

Dans certains pays la participation de la société civile est garante de transparence comme il est exigé ici aux Comores l’implication du parlement dans la validation de tout contrat qui engage le pays et ses richesses. Il n’est pas sûr que les contrats commerciaux de long terme négociés entre les investisseurs étrangers et les pays africains permettent aux pays d’optimiser leurs rentrées fiscales et budgétaires et de soutenir l’emploi, la santé, l’éducation et répondre aux besoins environnementaux.

L’Angola, l’Algérie et la Libye sont considérés, jusqu’ici, comme étant les seuls pays qui ont suffisamment bien négocié leurs contrats pour pouvoir se passer des bailleurs de fonds extérieurs. Le cas des Comores interpelle. Boulle Mining Group a fait signe de sa manifestation d’intérêt en juillet 2011, deux mois après la campagne sismique réalisée par Gxt en Mai 2011. Entre la date de manifestation d’intérêt en juillet et la signature en novembre, la demande de contrat n’aurait pas été soumis au président de la République ni au conseil des ministres.

Le contrat a été signé par intérim et, selon des sources concordantes, en l’absence de la société Boule contractante, une copie scannée ayant été faite et transmise par internet pour signature. La précipitation dans la signature du contrat n’a pas permis aux mécanismes de contrôle mise en place aux Comores de fonctionner. Dans une note adressée aux autorités comoriennes, le service de géologie indique que les opérations pétrolières sont “extrêmement complexes et exigent des compétences de haut niveau, et des règles et procédures très précises qui ne peuvent être fixées que dans le cadre d’une loi de l’Etat qui ne sont pas justement précisés dans le contrat Boulle Minnig“ (citation de mémoire).

Le projet de loi pétrolière finalisé au Bureau géologique n’est justement en discussion que ce mois-ci. Les conséquences du contrat signé sont nombreuses. En parlant de “zone économique exclusive“, le contrant inclut l’ensemble des eaux entourant les Comores, “gérées ou revendiquées“ par le gouvernement des Comores. Concrètement Boule Minning avait le droit de faire de l’exploration et de l’exploitation sur le territoire, y compris celle qui n’est pas encore sous contrôle de l’Etat, l’île de Mayotte, placée sous administration française et territoire en litige. Tout acte perpétré dans ces eaux et dans la situation actuelle pourrait être interprété comme un acte de guerre, alors que les Comores ont toujours privilégié le dialogue et l’entremise de l’Onu pour résoudre la question de Mayotte.

Le contrat signé par le vice-président en charge des Finances stipule également que l’Etat n’a aucun droit juridique ou financière sur les données des explorations faites par Boule, l’activité d’exploration est faite à la seule discrétion du contractant et l’Etat n’a pas de connaissance sur son contenu. Comme si l’Etat comorien acceptait de ne pas être informé sur l’état des ses ressources en hydrocarbures, les zones qu’ils existent et les quantités disponibles.

Quant au transfert des droits qui devrait en principe être soumis à l’approbation de l’Etat, il se fera à la seule discrétion de Boulle. Une liberté qui démontre de la grande légèreté des négociations entreprises. La note envoyée aux plus hautes autorités, indique que tout contrat pétrolier doit se conformer aux lois du pays, et celui d’exploration doit définir un périmètre défini par bloc avec un nombre de blocs limités à un maximum de 3 blocs. Or le Bloc sur la frontière Ouest du pays attribué à la société Bahari Resources dans le cadre d’un accord signé avec le gouvernement et qui a suivi toutes les règles et procédures en vigueur est aujourd’hui contenu dans ce contrat global que Boule a bénéficié.

Il est impératif, que le gouvernement fasse appel aux compétences de la Banque africaine de développement en la matière et s’appuie sur un cabinet d’avocat de grande compétence pour toute discussion et toute conclusion ultérieure de contrat. L’important est d’éviter de créer des groupuscules ou de lobbying d’affaires susceptibles de se coaliser avec des élites locales éclatées dans le but d’exploiter nos richesses dans un pays divisé. La richesse doit servir au développement et à la stabilité et non le contraire.

Ahmed Ali Amir
ahmedaliamir@yahoo.fr

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Du protocole avec Gxt à la législation sur le pétrole

Quatre ans après la signature du protocole d’accord sur le programme de prospection pétrolière dans les eaux maritimes comoriennes avec la société américaine GX Technology Corporation, les autorités comoriennes annonçaient en mars dernier la délivrance de sa “première“ licence d’exploration pétrolière à la compagnie kenyane Ressources Bahari Ltd (Lire notre édition du 2 avril 2012). Il s’agissait pour la société kenyane de mener, dans une première étape, des études sismiques avant de réaliser les premiers forages.

La zone d’exploration attribuée s’étend sur une superficie adjacente aux zones 1 et 4 de Rovuma, au large de Mozambique. L’octroi de cette première licence faisait suite aux résultats issus des missions de prospection, qui devaient déterminer si les Comores disposent bien ou non d’un bassin contenant du pétrole ou du gaz (les études sismiques seront faites à 70 km des côtes, Ndlr). Entre 5 et 20 mai 2011, des prospections couvrant un espace de plus de deux mille kilomètres des eaux comoriennes à partir des frontières avec Mtwara(Tanzanie), en descendant vers Pemba (Tanzanie) à l’île comorienne de Mayotte, et financée à hauteur de 10 millions de dollars par Gxt, furent menées par trois bateaux de la société Ion international.

Un autre contrat a été signé avec la Société norvégienne Tgs Nopec pour prospecter sur d’autres zones des eaux territoriales comoriennes. Le 4 juillet dernier, c’est-à-dire quatre mois après l’octroi de la licence à Ressources Bahari Ltd, le président Ikililou Dhoinine, recevait, en présence du vice-président en charge des infrastructures et de celui en charge des Finances, une délégation de la Société Boulle Mining Group (Bmg), conduite par son Administrateur directeur, Jean Reymond Boulle et accompagné de Mark Collins et Wayne Malouf, tous deux administrateurs de la société (Al-watwan du mercredi 4 juillet 2012).

En début du mois d’aout dernier, le groupe Mozambique Channel Discovery Ltd, filiale de Bmg, faisait état d’un “Accord d’assistance technique et d’exploration pétrolière et gazière, signé le 6 novembre 2011, entre les Comores et Boulle Mining Group Ltd. Cette réclamation présentée par Boulle Mining Group, via sa filiale, de détenir un accord au sujet de l’exploration du pétrole et du gaz aux Comores vient d’être réfutée dans un communiqué de presse de la vice-présidence en charge de l’Energie.

Dans une lettre sans concession remise à la presse nationale, le vice-président en charge de l’Energie, Fouad Mohadji, met clairement en cause son homologue en charge des Finances publiques, Mohamed Ali Soilihi. Il lui accuse d’avoir, ni plus ni moins, “usurpé“ des prérogatives ne faisant pas partie de son champ d’intervention en signant, alors “qu’il assurait mon intérim au mois de novembre 2011“, un contrat “opaque“ avec Boule Mining Group (lire notre livraison du 15 octobre 2012).

Notons qu’un projet de loi sur le secteur pétrolier aux Comores est en plein élaboration et a fait récemment l’objet d’un atelier à la direction de l’énergie. Ce “code du pétrole“ pourrait être présenté aux parlementaires, à en croire ses promoteurs, ce mois d’octobre (Voir notre livraison du 21 septembre 2012).

Kamardine Soulé

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