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REQUÊTE du Conseil National de Transition aux Comores (CNT) au Conseil de Sécurité des Nations Unies

[Tribune]Monsieur le Président du Conseil de Sécurité ONU, New York Le Conseil National de Transition aux Comores a l’honneur de vous prier de bien vouloir porter devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies la question de la crise postélectorale aux Comores et ses conséquences sur l’unité, la stabilité, la paix et la sécurité dans l’archipel des Comores. Par la présente requête, le Conseil National de Transition, se référant au Chapitre Vl de la Charte des Nations Unies, relatif au règlement pacifique des différends, notamment aux articles 33 à 38 de la Charte, vous prie de bien vouloir inscrire à l’ordre du jour du Conseil de Sécurité la question comorienne. Le Conseil National de Transition aux Comores estime, à juste titre, que l’ouverture d’une enquête ou d’un débat sur la situation de notre pays, les Comores, permettrait de prévenir et d’éviter une nouvelle crise sécession et une menace sur l’unité, la stabilité et la sécurité dans notre pays et la stabilité dans notre région, l’océan Indien et en Afrique de l’Est. En effet, depuis la parodie d’élections présidentielles anticipées en mars 2019, organisées après une réforme constitutionnelle très violente et controversée en plus des tortures qui ont fait l’objet de plaintes, en vertu de la Convention de New York sur la torture, déposées à l’étranger, Azali Assoumani a instauré un climat de terreur et de tension aux Comores.
Son régime dictatorial fonde son pouvoir sur une stratégie de la peur, de l’arbitraire et de l’impunité. Il bafoue en permanence les valeurs démocratiques, dont les libertés individuelles et publiques : interdiction de manifester, suppression de la liberté d’expression et de la presse, censure et arrestations des journalistes, non-respect des libertés politiques, exil forcé d’opposants, placement en résidence surveillée et emprisonnement sans motif légal d’autres opposants, suppression de la Cour constitutionnelle et de la Justice constitutionnelle, subordination des pouvoirs législatif et judiciaire au pouvoir exécutif, et instrumentalisation de ceux-ci à des fins politiques. Les actions de la police politique, disposant d’un pouvoir exceptionnel et agissant en dehors de tout cadre légal, inquiétaient déjà la population et l’intégration et la présence dans cette milice d’État, ces dernières semaines, d’éléments étrangers dont, ni la nationalité, ni la mission n’ont pas été identifiées, ni annoncées, officiellement renforcent la terreur qui règne aux Comores.
C’est dans ce contexte que le Colonel Azali Assoumani envisage d’organiser des élections législatives et communales en janvier et février 2020.

I – LE CONTEXTE DE LA PRÉSENTE REQUÊTE
a) Instabilité récurrente et répétition de coups d’État mortels Au préalable, il est opportun de faire une présentation sommaire du contexte politique et institutionnel des Comores qui conduit le Conseil National de Transition à saisir le Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’histoire politique mouvementée des Comores depuis leur accession à la souveraineté le 6 juillet 1975 et leur admission aux Nations Unies le 12 novembre 1975 est marquée par une instabilité et des violences politiques meurtrières dont ont été victimes des chefs d’État en exercice, et des coups d’État, le dernier étant réalisé le 30 avril 1999 par l’actuel chef de l’État, Azali Assoumani. Ce climat a engendré une instabilité chronique de notre pays, l’empêchant de définir et mettre en place une vision pour son développement économique, maintenant la population dans un niveau de pauvreté extrême. b) Séparatisme insulaire et crise sécessionniste La dégradation de la situation socio-économique des Comores et la tension politique qu’y règnent ont conduit Anjouan, une des Îles de l’archipel des Comores, à faire sécession du 16 février 1997 au 25 mars 2008, cette île ayant même proclamé son indépendance. La mobilisation et l’implication de la communauté internationale dans la recherche d’une solution pacifique à cette crise ont permis une réconciliation nationale et le rétablissement de l’autorité de l’État comorien sur l’île d’Anjouan.
Un Accord-cadre de réconciliation nationale a été signé à Fomboni, sur l’île de Mohéli, le 17 février 2001 entre les parties comoriennes, sous l’égide de la communauté internationale. Cet Accord-cadre a jeté les bases d’une nouvelle gouvernance et de la Constitution du 23 décembre 2001. Cette Loi fondamentale prévoit deux principes fondamentaux, à savoir : d’une part, une présidence tournante entre les Îles de l’Archipel des Comores, et, d’autre part, une large autonomie à celles-ci dans la gestion de leurs affaires insulaires, en harmonie avec l’intérêt public national. Cet Accord-cadre et la Constitution adoptée par référendum le 23 décembre 2001 ont permis aux Comores de mettre fin à la crise sécessionniste, aux coups d’État récurrents et d’assurer une stabilité institutionnelle et politique à notre pays. Pour preuve, l’application de la Constitution du 23 décembre 2001, qui a été fidèle à l’esprit général de l’esprit de l’Accord-cadre de Fomboni du 17 février 2001, a été suivie d’alternances pacifiques en 2006, 2011 et 2016. La présidence tournante entre les Îles autonomes voyait ainsi notre pays s’inscrire progressivement dans la transition pacifique, dans un effort de démocratisation et dans la 3 confiance retrouvée de nos compatriotes, de nos partenaires et des investisseurs, et leur disponibilité à accompagner les Comores pour les aider à définir les axes prioritaires pour leur développement économique et sortir la population de l’état de pauvreté extrême dans lequel elle se trouve. c) Les Assises Nationales détournées et manipulées En 2015, la société civile comorienne, incarnée par des hauts dignitaires de notre pays, avait proposé l’organisation d’Assises nationales pour faire le bilan des 40 années d’indépendance, dans le but de dégager des perspectives pour rebâtir un État qui répond au mieux aux aspirations du peuple comorien.
Cependant, le Colonel Azali Assoumani, revenu au pouvoir en 2016, a détourné et manipulé cette dynamique de la société civile pour remettre en cause l’Accord cadre du 17 février 2001, notamment pour procéder à des réformes constitutionnelles pour convenance personnelle le 30 juillet 2018, se permettant de prolonger son mandat, remettant en cause les principes de la présidence tournante et l’autonomie des Îles, dans un contexte de grave crise politique. d) Installation des Comores dans la dictature et l’arbitraire, et humiliation aux Comores de la mission des Nations Unies sur la torture La situation des droits de l’Homme s’est tellement détériorée aux Comores que l’ONU y a dépêché une mission d’expertise en juin 2019. Dans son rapport préliminaire sur la torture aux Comores, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Monsieur Nils Melzer précise avoir « suspendu sa visite officielle aux Comores » ; l’expert regrette qu’il n’ait « pas été en mesure d’accéder à toutes les personnes privées de leur liberté, comme nécessaire pour l’accomplissement de son mandat. Cela est d’autant plus préoccupant du fait que j’avais reçu plusieurs allégations crédibles d’intimidation, de mauvais traitements et de recours excessif à la force de la part de la gendarmerie ». Selon l’expert spécial de l’ONU, « les autorités responsables n’avaient pas pris les mesures préparatoires nécessaires pour être en mesure d’accueillir cette visite dans le cadre des Nouvelles modalités applicables aux visites dans les pays des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme qui avaient été formellement transmises au Gouvernement Comorien plusieurs mois à l’avance ».
Il ajoute : « Malgré une réunion ad hoc avec le ministère des Affaires étrangères pour tenter de résoudre ce problème, les instructions nécessaires n’ont pas été communiquées. Finalement, à quelques jours après le début de ma visite, j’avais perdu tellement de temps à essayer d’obtenir un accès sans entraves qu’il n’était plus possible de procéder à une évaluation suffisamment représentative et objective de la situation aux Comores. Le 15 juin 2019, à mi-parcours de ma visite, qui avait commencé le 12 juin, et devant prendre fin le 18 juin, avait été compromise à tel point que j’ai dû la suspendre ». Ce rapport préliminaire du rapporteur des Nations Unies sur la torture aux Comores reflète parfaitement le climat d’intimidation et de pression dans notre pays depuis le retour du Colonel Azali Assoumani au pouvoir, le 26 mai 2016, ainsi que l’aggravation de la situation politique 4 aux Comores suite à une crise postélectorale provoquée par ses parodies d’élections. En effet, les conditions du déroulement des élections présidentielles de l’Union des Comores et celles des Gouverneurs de 24 mars 2019 ont été dénoncées par les observateurs nationaux et internationaux, dont ceux de l’Union africaine, qui disent ne pas disposer d’éléments permettant de parler d’un vrai scrutin. Depuis cette date, on assiste à l’exacerbation des intimidations et des arrestations de toute voix discordante. La tuerie programmée mais déguisée dans un camp militaire survenu le 28 mars 2019 et les assassinats des civils par des militaires rythment la vie politique des Comores.
Pour illustrer l’ampleur des arrestations abusives des hommes et femmes politiques, l’ONG SOS Démocratie aux Comores a pu établir une liste complète des prisonniers politiques depuis le retour du Colonel Azali Assoumani au pouvoir. Il faudra citer aussi les assassinats politiques, arrestations et inculpations illégales, suivies de détentions également illégales et le placement en résidence surveillée de deux anciens Présidents de l’Union des Comores, de trois anciens Vice-présidents de l’Union des Comores, de deux Gouverneurs en exercice, des trois Députes, d’un avocat, d’un écrivain et des journalistes.
Une liste des morts et prisonniers politiques établie par l’ONG SOS Démocratie est révélatrice de la répression et des tortures infligées aux opposants aux Comores. Ces prisonniers politiques sont :
LES ASSASSINATS POLITIQUES :

1) Monsieur NAIL, pêcheur originaire de Mutsamudu ( Anjouan) arrêté le26 septembre 2018 et décédé le «30 Septembre 2018 suite aux tortures subies par lui 2) 8 Personnes civiles dont 3 enfants décédés et plusieurs blessés à la ville de Mutsamudu après les tirs des militaires comoriens entre le 15 et le 19 MARS 2018 3) AHAMADA SAID Alias GAZON , sportif tué par les militaires le 09 Décembre 2018 sans le moindre motif légitime 4) Ahmed OUSSEINI est décédé après avoir été blésé par balle par les militaires comoriens le 24 Mars 2019 à Pomoni à Anjouan 5) Commandant Faissoil ABDOUSSALAM , détenu pour affaire de coup d’État et assassiné le 28 Mars 2019 au camp militaire de kandani 6) Major Nacerdine ABDOURAZAK , assassiné le 28Mars 2019 au camp militaire de Kandani 7) SALIM , assassiné le 28 Mars 2019 au camp militaire de Kandani
LISTE DES PRISONNIERS POLITIQUES
1)Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, Ancien chef d’État, 2)Ikililou Dhoinine, Ancien chef d’État, en résidence surveillée, 3)Mohamed Ali Soilihi, Ancien Vice-président de l’Union des Comores, en résidence surveillée, 4)Salami Abdou Salami, Gouverneur en exercice d’Anjouan, en détention provisoire, 5 )Hassani Hamadi, Gouverneur en exercice de la Grande-Comore, contraint de fuir le pays pour échapper à des poursuites judiciaires et même extrajudiciaires abusives, 6 )Djaffar Ahmed Saïd Hassani, Vice-président inamovible jusqu’au 26 mai 2021, mais destitué anticonstitutionnellement et condamné à la prison à perpétuité par une juridiction d’exception inexistante sur l’organigramme de l’appareil judicaire aux Comores, 7 )Bahassani Ahmed Saïd Hassani, Avocat 8 )Aligne Halifa 9 )Youssouf Mzé, 10 )Madame Sitty Nour Tourqui, 11 )Colonel Ibrahim, Chef d’État-major adjoint de l’Armée, 12 )Elhad Ibrahim, 13 )Mohamed Ali Abdallah, 14 )Kadrichifa Mohamed, 15 )Kassapa, 16 )Mohamed Ali Abdallah, 17 ) Soulé Ahmed, 18 )Tocha Djohar Abdallah, Député de l’opposition, 19 )Ahmed Hassane El-Barwane, secrétaire général du Parti Juwa, dirigé par l’ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, 20) Fahridine Djaafar, 21 )Absoir Ali Ibrahim, 22 )Siradjidine Ben Mohamed, 23 )Mohamed Ali Saïd, 24 )Kamal Eddine Saïd Ali, 6 25 )Ahmed Bourhane, 26 )Dahalane Siaka, 27 )Sadam Toihir, 28) Madi Ali, 29 )Idi Boina, 30) Abdallah Abdou Abou Hassani, 31 )Oubeid Mchangama, 32 )Saleh Assoumane, 33 )Nasra Saïd Hassane, 34 )Mahamoudou Tadjoudine, 35 )Ahmed Msahazi, 36 )Hassane Mohamed, 37 )Chamou Mlindasse, 38)Ahmed, 39) Lieutenant Selemani, 40 )Abdou Sound, 41) Mohamed Soundi, 42) Abdou Massulaha, 43) Faissoil Daroussi, 44 ) Saïd Ahmed Saïd Tourqui, écrivain, 45 )Ismaël Ahmed Kassim, 46 )Almoutawakil Ahmed.
D’autres faits graves imputables personnellement au Colonel Azali Assoumani et à son équipe menacent ouvertement la stabilité, l’unité de notre pays, qui est au bord de l’implosion. Depuis le dernier coup d’État électoral commis par lui le 24 mars dernier, des actes criminels et des mouvements et organisations politiques sécessionnistes et à vocation insulaire ont fait leur apparition sur le paysage sociopolitique comorien et se développent particulièrement dans les Iles d’Anjouan et de Mohéli. 7 Par ailleurs, auparavant, du 15 au 21 octobre 2018, la ville de Mutsamudu, chef-lieu de l’Ile d’Anjouan, a été prise en otage par un mouvement insurrectionnel armé aux contours douteux, revendiquant le respect de l’autonomie de leur Ile et la présidence tournante. Cette action violente revêt tous les aspects du coup monté par le pouvoir en place et a servi de prétexte à la destitution anticonstitutionnelle, à l’arrestation illégale et à l’incarcération sans jugement du Gouverneur Salami Abdou Salami d’Anjouan, pourtant innocent, et dont la culpabilité n’a jamais été prouvée. En juillet 2019, quotidiennement, des mines ont été lancées dans des localités de l’Ile et d’autres crimes commis dans l’Ile sans qu’une enquête sérieuse vienne identifier avec précision les auteurs et leurs objectifs. Les observateurs parlent de manipulations devant servir à l’arrestation arbitraire d’opposants.
Le 6 juillet 2019, alors qu’il s’adressait à la population venue assister à la fête de l’indépendance et en présence de autorités militaires et civiles, un haut gradé de l’Armée comorienne a solennellement déclaré qu’il a été décidé au niveau de l’État-major de tuer les opposants et les ramener au cimetière car il n’y a plus de places dans les prisons. Les déclarations des personnalités de l’île de Mohéli, avec à leur tête, l’ancien chef de l’État Ikilillou Dhoinine, et l’émergence des organisations qui revendiquent les droits des îles autonomes et qui menacent formellement de déclarer l’indépendance de celles-ci sont les résultats de la politique oppressive et répressive d’Azali Assoumani. Ce climat de tension et de provocation est entretenu par le Colonel Azali Assoumani lui-même, lui qui a déclaré en public, avec mépris et arrogance, une prétendue supériorité des Comoriens originaires de la Grande-Comore par rapport à ceux originaires des autres îles d’Anjouan et Mohéli. Les Comoriens ont également assisté aux déclarations « xénophobes » du Directeur de son Cabinet chargé de la Défense, qui demande aux Comoriens originaires de l’île d’Anjouan de quitter la Grande-Comore pour s’installer sur leur île d’origine. Plus graves encore sont la détention arbitraire et la mise en résidence surveillée des leaders politiques originaires de l’Ile d’Anjouan. En réalité, la parodie électorale du 24 mars 2019, organisée par la dictature féroce et sanguinaire imposée par le Colonel Azali Assoumani, plonge les Comores dans l’incertitude, détournant l’idée des Assises dites nationales, initiées par la société civile, déstabilisant les Comores, et les plongeant dans un climat d’oppression, de répression et d’arbitraire.

SUR LA PARODIE ÉLECTORALE DU 24 MARS 2019
Le coup d’État électoral du Colonel Azali Assoumani est venu aggraver une tension déjà bien palpable depuis le 26 mai 2016, et les élections législatives et communales qu’il entend organiser en janvier et février 2020 au mépris des textes juridiques pertinents, sans tirer les leçons des conséquences de la crise postélectorale en cours, sont préoccupantes et justifient amplement que les instruments et mécanismes juridiques des Nations Unies soient saisis pour prévenir l’inévitable aggravation de cette crise et de ses conséquences. 8 En effet, les observateurs nationaux et internationaux, y compris ceux d’organisations régionales et sous régionales africaines, dans leurs rapports, déclarent ne pas pouvoir se prononcer sur la régularité de la mascarade électorale du 24 mars 2019, faute d’éléments crédibles car, effectivement, les urnes avaient été prises par les militaires et manipulées avec la complicité de ces derniers et de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI). En réalité, il n’y a pas eu d’élection le 24 mars 2019. Déjà, le cadre légal n’était pas adapté, en ce sens que le Code électoral n’a pas été révisé pour le rendre conforme à la Constitution controversée et contestée du 30 juillet 2018. En plus, Azali Assoumani tient sous pression tous les organes chargés d’organiser et de contrôler les élections ainsi que l’Armée, et c’est pourquoi il s’est fait proclamer élu alors qu’il s’agit en réalité d’un coup d’État électoral. Le jour du scrutin, le 24 mars 2019, 12 des 13 candidats se retirèrent et demandèrent l’annulation du scrutin lorsqu’ils prirent en flagrant délit les militaires en train de distribuer des urnes bourrées et de procurations vierges signées à l’avance et portant la signature du Président du Tribunal de Première Instance de Moroni. Plus grave encore, sur l’Ile autonome d’Anjouan, seuls 6 villages sur 80 ont pu voter.
Ailleurs, les urnes furent bourrées publiquement par l’Armée. Sur l’Ile de Mohéli, tous les assesseurs des 12 candidats furent refoulés dès 12 heures, et les urnes bourrées et confisquées dans la violence et la coercition par l’Armée à 16 heures, alors que la fermeture des bureaux de vote devait avoir lieu à 18 heures. Sur l’Ile de la Grande-Comore, seuls 25 bureaux de vote sur 400 ont pu faire le dépouillement (et encore !), pendant que les urnes ont été confisquées par l’Armée. Ces irrégularités ont été constatées par des ONG comoriennes et par des observateurs étrangers, qui ont largement confirmé ces fraudes préméditées. Ce qui explique sans doute le refus du régime politique d’Azali Assoumani, à la demande des 12 candidats de l’opposition, de faire surveiller les quelque 700 bureaux de vote par des observateurs des Nations Unies et ceux de l’Union Africaine. e) La création du Conseil National de Transition (CNT) Les 12 candidats de l’opposition à l’élection présidentielle de l’Union des Comores se sont regroupés et ont créé le Conseil National de Transition, dans le but de condamner le coup d’État électoral du 24 mars 2019, et d’exiger une alternance démocratique aux Comores. Outre les violences meurtrières commises par l’Armée le jour du scrutin à Anjouan, la répression militaire s’est poursuivie le lendemain du scrutin sur les trois îles. En effet, le 25 mars 2019, l’Armée est intervenue violemment pour disperser les candidats qui manifestaient pacifiquement pour condamner le coup d’État électoral du Colonel Azali Assoumani. Un candidat de l’opposition fut blessé et d’autres arrêtés. Le 28 mars 2019, une fusillade a éclaté à Moroni, capitale des Comores. L’affrontement, aux contours douteux, se solda par la mort de trois militaires, dont celle d’un officier, obscurément 9 accusé de s’être évadé de prison le jour des faits, lui qui faisait déjà l’objet d’une accusation injustifiée de tentative de coup d’État. En raison de ce climat de violences et d’arrestations, la moitié des candidats aux dernières présidentielles sont en exil. C’est dans ce climat très tendu et de violence qu’Azali Assoumani a forcé le Parlement à « voter » frauduleusement une loi d’habilitation lui permettant de légiférer par ordonnances dans des domaines qui relèvent de la compétence exclusive du Parlement. Il entend définir lui-même les règles relatives à l’organisation des élections législatives et communales de janvier et février 2019.

III – LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA REQUÊTE
Le Conseil National de Transition aux Comores est dans l’obligation de saisir le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour examiner la situation comorienne à la lumière des dispositions de la Charte des Nations Unies, notamment à la lumière des articles 33 à 38 de cette Charte. Au surplus, le régime politique d’Azali Assoumani s’expose aux sanctions prévues à l’article 6 de la Charte de l’ONU : « Si un Membre de l’Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ». Or, parmi ces buts, nous retrouvons en bonne place « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion » (Article 1 alinéa 3 de la Charte). Le régime politique d’Azali Assoumani « enfreint de manière persistante » ces buts et principes, ainsi que bien d’autres. La plupart des personnes fuyant les persécutions aux Comores se rendent en embarcations de fortune d’Anjouan à Mayotte. Régulièrement, on signale des cas de décès en haute mer, entre les deux îles. Depuis 2018, il y a eu une augmentation exponentielle de ces mouvements de personnes, avec tous les risques de mort que cela suppose. Par ailleurs, l’article 33 de la Charte dispose : « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale doivent en rechercher la solution avant tout par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ». L’article 34 de la Charte donne un pouvoir d’enquête au Conseil de Sécurité de l’ONU, tout comme l’article 35 rappelle la nécessité de signaler au Conseil de Sécurité des différends nécessitant un règlement.
Si les conséquences de la crise postélectorale comorienne n’opposent pas des États souverains au sens des dispositions de la Charte des Nations Unies, il n’en demeure pas moins vrai que cette situation peut déboucher sur la sécession de certaines Îles de l’archipel des Comores, dans un contexte de répression et des violences du pouvoir illégitime. Une telle situation aura incontestablement une incidence très grave sur l’intégrité territoriale, l’unité, la stabilité, la paix et la sécurité de notre pays, en déstabilisant la région de l’océan Indien et de l’Afrique de l’Est. Il convient de rappeler que depuis 1997, à plusieurs reprises, la communauté internationale a dû se mobiliser pour aider les Comores à créer les conditions d’une réconciliation nationale, 10 notamment par la signature de l’Accord-cadre de Fomboni du 17 février 2001. De même, le 25 mars 2008, des troupes de l’Union africaine ont dû débarquer militairement sur l’Ile d’Anjouan pour mettre fin à la crise séparatiste qui y sévissait depuis le 16 février 1997. La diaspora comorienne, notamment celle établie en France, suivie par celle installée en Afrique, au Sénégal en particulier, est fortement mobilisée depuis mars 2019. Elle manifeste tous les dimanches pour condamner la dictature, réclamer la démocratie et le respect de la Constitution et de l’Accord-cadre de Fomboni, notamment le respect de la présidence tournante et l’autonomie des Iles. Plus d’une centaine de personnalités politiques et de la société civile originaires de Mohéli, dont l’ancien Président de la République Ikililou Dhoinine, demandent le respect des termes de cet Accord-cadre, et à défaut, elles entendent demander l’indépendance de leur Ile. Le Collectif des Anjouanais a clairement déclaré qu’en cas de violation des règles susvisées, il n’exclue pas de demander l’indépendance d’Anjouan. En réalité, les Assises dites nationales devaient être une opportunité pour tous les Comoriens de faire le bilan des expériences politiques vécues durant quatre décennies d’indépendance. Mais, ce projet a été détourné par Azali Assoumani, faisant basculer le pays dans un climat politique dangereux, susceptible de favoriser le retour du séparatisme, de compromettre l’unité des Comores, la paix et la sécurité du pays dans une région très sensible.
Incontestablement, les réformes constitutionnelles et institutionnelles imposées par Azali Assoumani en violation de la Constitution et de l’Accord-cadre de Fomboni vont réveiller les mouvements sécessionnistes qui, déjà à travers des communiqués, menacent de faire sécession et réclament l’indépendance de leurs îles respectives. Les revendications de ces mouvements pourraient, une nouvelle fois, entraîner un désaccord d’abord entre les îles de l’Archipel des Comores et les autres nations.
C’est donc pour prévenir cette menace sérieuse sur l’unité, la paix, la tolérance et la sécurité internationale, et tirant toutes les leçons des récentes tentatives sécessionnistes, que le Conseil National de Transition justifie la présente saisine du Conseil de Sécurité, en vertu des textes susvisés, et notamment de l’alinéa 2 article 35 de la Charte, prévoyant la possibilité d’intervention du Conseil de Sécurité si une situation semble menacer la paix et la sécurité dans le monde. Et ce d’autant que ni le paragraphe 7 de l’article 2, ni une autre disposition de la Charte n’empêcherait l’Organisation des Nations Unies d’agir sous forme d’enquête ou débats pour prévenir une crise susceptible de menacer la paix et la sécurité d’un pays membre des Nations Unies ou celle de la communauté internationale. Voilà les données du problème soumis au Conseil de Sécurité des Nations Unies par le Conseil National Transition aux Comores, qui regroupe 12 des 13 candidats aux dernières élections présidentielles aux Comores et des partis et personnalités politiques. Ce problème est lié à une situation risquant de mettre en danger la paix, la stabilité, la sécurité de notre pays, qui est exposé à un risque élevé de sécession et à une menace à l’intégrité du territoire et l’unité de notre pays. Cela justifie toute action que pourrait engager le Conseil de Sécurité des Nations 11 Unies pour intervenir aux Comores en vertu des dispositions en vertu de l’alinéa 2 de l’article 35 de la Charte. Vous remerciant infiniment de la suite réservée à la présente requête, je vous prie de croire, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Paris, le 11 Novembre 2019 Maître Saïd LARIFOU, Vice-Président du CNT

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1 commentaire sur REQUÊTE du Conseil National de Transition aux Comores (CNT) au Conseil de Sécurité des Nations Unies

  1. Très bonne initiative. Requête bien formulée qui mérite d’être examinée avec minutie par le destinataire afin de parvenir à un dénouement rapide de la grave crise institutionnelle et politique qui persiste dans l’Archipel des Comores.

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