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Snps : un besoin urgent de plus de 3 milliards pour éviter la banqueroute

L’analyse globale de la situation financière révèle une augmentation de la valeur bilancielle au cours des cinq dernières années qui passe de 13 milliards de francs en 2011 à 18 milliards en 2015, soit une hausse de 38 pour cent et qui s’explique, en grande partie, par un accroissement de 48 pour cent des dépôts, mais, également, par l’accroissement des créances qui ont enregistré une hausse de 67 pour cent.

Par Kamardine Soulé

 

La situation de la Société nationale des postes et services financiers, «La banque de proximité qui rassure», comme déroule son slogan commercial, inquiète plus d’un. En premier lieu, son actionnaire majoritaire, l’Etat, qui a reçu, le mois de novembre dernier, le rapport des travaux du Comité technique chargé d’étudier et d’orienter  le choix du plan de redressement de la banque postale. Les conclusions du rapport, dont nous avons réussi à nous procurer une copie, recommandent un apport financier «immédiat» de la part de l’Etat de 3,5 milliards de francs pour sauver l’institution financière.

En plus de cette recapitalisation, le comité technique plaide pour une restructuration avec la subdivision des services postaux et financiers de la Snpsf en deux entités autonomes. Par ailleurs, le Comité préconise une période de transition de deux ans pour appliquer ces mesures d’assainissement. «C’est en fonction des résultats obtenus et des négociations avec d’éventuels partenaires que le choix stratégique définitif pourra être adopté», lit-on dans le rapport.

Recapitalisation et restructuration
 
En réalité, le montant à recapitaliser pour relancer la société, en «quasi cessation de paiement», se situe entre 8 et 9 milliards de francs dont 7 milliards pour couvrir le passif et se mettre en conformité avec la réglementation prudentielle et 2 milliards pour la restructuration, notamment les indemnisations pour les éventuelles licenciements, l’amélioration du système d’information et la sécurité. C’est du moins le montant avancé par Ernst & Young, cité dans le rapport du comité technique. En effet, en octobre 2012, le cabinet d’audit avait été choisi pour mener, durant deux mois, une «étude de diagnostic» sur l’état de santé de la Snpsf.

Mais vu ce coût très élevé de redressement et des sommes difficile à rassembler, le comité propose un plan de financement graduel. C’est-à-dire la recapitalisation immédiate d’environ 3,5 milliards de francs, l’intégration du reliquat dans le budget de l’Etat sur quatre ans, et la recherche de financement auprès de partenaires.  
L’analyse globale de la situation financière faite par le Comité technique révèle une augmentation de la valeur bilancielle au cours des cinq dernières années : «Le total du bilan passe de 13 milliards de francs en 2011 à 18 milliards en 2015, soit une hausse de 38 pour cent. Cette hausse s’explique, en grande partie, par l’accroissement des dépôts qui sont passés de 14,5 milliards de francs en 2011 à 21,3 milliards en 2015, soit une augmentation de 48 pour cent mais, également, par l’accroissement des créances qui sont passées de 3,9 à 6,5 milliards, soit une hausse de 67 pour cent», explique le rapport.

Ce sont les dépôts des clients qui constituent les seules ressources de l’établissement. Et la croissance de ces dépôts varie selon le rythme de paiement régulier des salaires des fonctionnaires. Le hic, comme le font remarquer les auteurs du rapport, c’est que «une partie de ces dépôts a servi à financer le fonctionnement de l’établissement, constituant une infraction au principe de protection des intérêts des déposants prévue par la loi bancaire».
Force est de constater que depuis 2009, l’année où les états financiers de la Snpsf ont commencé à être audités, la société a enregistré une rentabilité structurellement déficitaire et des fonds propres négatifs. C’est qui avait amené la Banque centrale (Bcc) à mettre en place en 2011 une administration provisoire, après avoir constaté un risque de cessation de paiement de l’établissement.

Détournements et créances douteuses

Des fonds propres négatifs d’un montant de 3,9 milliards de francs, avec un capital social de 200 millions de francs. Une situation qui enfreint, encore une fois, les dispositions de la loi bancaire qui exigent «un capital minimal d’un milliards pour tout établissement de crédit et des fonds réglementaires pour couvrir les différents risques», note le rapport. Comment est-on arrivé à pareille situation? La réponse est à chercher dans l’organisation même de la structure. Si l’on en croit le rapport du comité technique, il n’existe ni structure, ni mécanisme de contrôle interne, comme le révèle le rapport. «Les contrôles de première et de deuxième niveau restent lacunaires voire quasi inexistants en dépit des sureffectifs des différents départements».

Ce qui explique la multiplication des fraudes, qui ont pris ces cinq dernières années une telle ampleur (voir à la page précédente, tableau, dont nous avons pris le soin de ne pas publier la partie portant les noms des auteurs présumés ou avérés des infractions, ndlr). Des fraudes perpétrées, bien entendu, par les agents mêmes de la boîte. A la date du 31 décembre 2015, le montant cumulé des fraudes s’élevait à plus de 1 milliard de francs. 
Mais les fraudeurs ne semblent pas avoir dit leur dernier mot, puisque deux affaires de détournements de fonds ont été débusquées cette année 2016.
La plupart des affaires ont déjà été instruite par la Justice, d’autres sont en cours. 
Mais ce n’est pas tout. L’autre ombre dans le tableau de la Snpsf concerne la question des créances douteuses. Le rapport des commissaires aux comptes pour l’exercice 2015 cité dans le rapport du comité technique, avait affiché un portefeuille de découverts douteux de 1,850 milliard de francs provisionnés à 86 pour cent et 120 millions de francs de prêts douteux provisionnés à 100 pour cent.

Mais le Comité, qui estime que les auditeurs de la Commission aux comptes avaient présenté une interprétation erronée de la réglementation, devait revoir ces créances douteuses à la hausse. Selon lui, le niveau réel des créances douteuses au 31 décembre 2015, conformément à la loi, devrait être de 2,4 milliards de francs. Le cas de crédits douteux le plus criant, au regard des membres du comité technique, concerne le projet immobilier Hamboda de 842 millions de francs. «Procédures d’octrois non respectés, viabilité du projet non garantie. Une partie du crédit a servi au remboursement des créances dans les autres banques», relève, à ce propos, le rapport. Celui-ci montre que l’absence de manuel de procédure de gestion de crédit a favorisé le financement de projets non viables sur le plan économique et financier.

Comment expliquer l’octroi de crédits aussi importants. D’autant plus que la Snpsf disposant de fonds propres négatifs ne devrait pas être autorisée à octroyer des prêts à la clientèle. Les auteurs du rapport expliquent que «pour assurer le fonctionnement de l’établissement, la Banque centrale des Comores a pris des mesures exceptionnelles autorisant l’octroi de crédit allant jusqu’à 10 millions de francs. Au-delà de ce montant, l’octroi est subordonné à l’autorisation préalable de ladite Banque centrale».  
Si l’on regarde de près, les huit gros dossiers de crédits en souffrance à la Snpsf, représentant un encours brut de 1,5 milliard de francs, dépassent le plafond de dix milliards autorisés par la Bcc. La question reste de savoir si ces crédits douteux ont aussi eu «l’autorisation préalable» de la Banque centrale.

Alwatwan 

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