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Tirs de la Syrie sur le plateau du Golan : "Plus un message politique qu’une attaque contre Israël"

Tir israélien sur le village syrien de Bariqa, près de la frontière israélo-syrienne, lundi 12 novembre.

Des chars israéliens ont tiré en direction du territoire syrien en représailles à un tir de mortier sur le plateau du Golan, lundi 12 novembre. La veille, l’armée israélienne avait déjà procédé à des « tirs de sommation » après un incident similaire.

Pour Ziad Majed, professeur à l’université américaine de Paris, spécialiste du Proche-Orient, le dirigeant syrien Bachar Al-Assad cherche à extérioriser le conflit avec les rebelles.

A quand remontent les affrontements entre Israël et la Syrie ?

La Syrie est opposée à la présence israélienne dans la région depuis la guerre de Palestine en 1948. En 1967, Damas s’est engagé, aux côtés de l’Egype et de la Jordanie, dans la guerre des Six-Jours contre l’Etat juif. A l’issue de ce conflit, Israël a occupé un territoire syrien, le plateau du Golan, à sa frontière. Elle le considère comme stratégique d’un point de vue militaire mais aussi pour son approvisionnement en eau dans la mesure où le plateau alimente le lac de Tibériade, principal réservoir d’eau douce israélien.

Lire : Le Golan, un plateau stratégique

Le plateau du Golan a été l’objet de violents combats lors de la guerre du Kippour de 1973, mais Israël y a maintenu son occupation et a fini par l’annexer unilatéralement en 1981. Il s’agit de la dernière guerre directe entre Israël et la Syrie. Les affrontements suivants, épisodiques, ont eu lieu sur le front libanais, lors de la guerre du Liban entre 1975 et 1990. Des négociations de paix ont ensuite été menées, notamment en 1993 et 2000, mais elles ont avorté.

Quelles sont les relations qu’entretiennent aujourd’hui les deux pays ?

Le régime syrien a toujours adopté dans ses déclarations une position ferme contre Israël. Il a voulu se construire une image de capitale régionale de la résistance aux hégémonies israélienne et américaine, et de protecteur de la Palestine. Cette carte palestinienne lui permettait à la fois, à l’extérieur, de se positionner comme un acteur important du conflit israélo-palestinien et, à l’intérieur, de justifier son autoritarisme et de se renforcer auprès d’une population solidaire des Palestiniens. Depuis 1973, ces critiques n’ont toutefois jamais été suivies d’actions militaires contre Israël, car la Syrie d’Assad souhaite – contrairement à sa rhétorique – éviter toute confrontation directe avec les israéliens.

De son côté, Israël reste prudent à l’égard de la Syrie. Il s’agit d’un régime ennemi – dans la mesure où il est aujourd’hui allié de l’Iran qui finance le Hezbollah ainsi que le Hamas – mais dans le même temps connu. Bachar Al-Assad est ainsi surnommé par les éditorialistes « le diable que l’on connaît » : certains Israéliens préfèrent ce qui est connu que le changement. Au final, le calme à la frontière entre les deux pays, sur le plateau du Golan, arrangeait les deux pays.

Comment expliquer ces tirs de mortier de la Syrie sur le plateau du Golan et la riposte d’Israël ces deux derniers jours ?

Il s’agit plus d’un message politique du régime syrien que d’une attaque contre Israël. A chaque fois que le régime est fragilisé de l’intérieur, il cherche à extérioriser le conflit ou menacer de le faire. De la même façon, cette année, on a assisté à des tirs sur la frontière turque et des bombardements de représailles de l’armée turque, ainsi que des accrochages sur la frontière jordanienne, sous couvert d’affrontements entre le régime et les rebelles, sans oublier les frontières libanaises qui connaissent des bombardements et des tensions. Bachar Al-Assad cherche ainsi à déstabiliser la région et montrer que si son régime tombe, plus rien ne garantira la sécurité des frontières.

En attaquant la frontière israélienne, ce qu’il n’avait osé faire jusqu’alors en raison de son importance stratégique, Damas, dans une situation très périlleuse, tente le tout pour le tout : inquiéter les Israéliens pour les pousser à demander à la communauté internationale, et notamment l’administration de Barack Obama qui vient d’être reconduite, de relâcher leur pression sur le régime. Bachar Al-Assad sait que la question de la sécurité est primordiale pour Israël et ses alliés, davantage que celle des droits de l’homme en Syrie. A travers les obus, il y a donc un vrai message politique : prouver que sur un front qui avait été calme pendant quatre décennies, la sécurité est maintenant menacée par la révolution syrienne.

Y a-t-il véritablement un risque d’escalade du conflit ou de déstabilisation de la région ?

Le plus probable est que la situation soit similaire à celle de la Turquie : des tirs d’obus et des tirs de représailles pendant quelques semaines, puis le retour au calme. Le régime n’a pas les moyens d’aller plus loin. Mais tout dépendra de la position de l’Iran, à savoir si Téhéran souhaite lui aussi s’impliquer et aggraver les pressions aux frontières. Le conflit pourrait alors devenir régional.

Propos recueillis par Audrey Garric

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