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Traité de l’Elysée : hégémonisme allemand

Il flotte en France un air d’antigermanisme. Une sourde critique monte contre le supposé impérialisme économique allemand. Il est tenant de balayer le reproche d’un revers de main. A la différence de leurs voisins, les Français n’ont pas accompli les réformes de compétitivité qui s’imposent ; sans cesse, ils invoquent la croissance pour mieux reporter l’assainissement des finances publiques. Et pour cacher l’extraordinaire succès de l’Allemagne sur le front de l’emploi depuis l’adoption des lois Hartz, ils insistent sur les jobs mal payés outre-Rhin et l’accroissement des inégalités.  » Nous ne mangeons pas de ce pain là « , serinent les Français, qui, à force de confondre l’essentiel et l’accessoire, finiraient par nier l’extraordinaire succès de leurs voisins.

Toutefois, la faiblesse française ne saurait masquer le retour d’une question allemande. Berlin prône l’instauration de l’Ordnungspolitik [politique économique générale] sur l’ensemble du territoire européen, gage de compétitivité et de prospérité. Toutefois, ses modalités d’application ne sauraient se faire aux conditions allemandes.

Premier reproche, les Allemands veulent imposer les règles européennes à condition de ne pas y être complètement assujettis. C’est le cas de l’Union bancaire dont les caisses d’épargnes et banques régionales devaient être exemptées. Pourtant, le passé ne plaide pas pour le système bancaire allemand, qui a connu des défaillances majeures depuis 2007, à commencer par celle d’Hypo Real Estate. C’est aussi le cas des contrats de compétitivité, qu’Angela Merkel voulait que la Commission scelle avec les pays européens pour accompagner leurs réformes. La chancelière est moins allante depuis que François Hollande lui a expliqué que l’Allemagne et le Bundestag devraient aussi s’y plier.

Second reproche, l’Allemagne interromprait brutalement les règles de l’Ordnungspolitik lorsque le jeu lui est défavorable. Ainsi en est-il de l’aéronautique et du spatial, où les compétences sont plus françaises et britanniques. La loi du marché aurait dû conduire à la concentration d’EADS dans ces deux pays, mais Angela Merkel, comme Gerhard Schröder, a voulu protéger les usines bavaroises et hambourgeoises. La chancelière a ainsi mis son veto au projet de fusion avec British Aerospace notamment par – osons le mot – protectionnisme allemand.

Les Allemands sont moins performants en aéronautique, mais exigent, du fait de leur taille, la moitié du gâteau. Ce discours serait tenable s’il valait pour tous les secteurs. Ce n’est pas le cas, selon les Français, qui accusent les groups automobiles allemands, à commencer par Volkswagen, de vouloir  » sortir du marché «  le groupe Peugeot effectivement moribond.

L’Europe ne peut pas se construire sur le principe que les usines allemandes sont protégées, celles des autres soumises à la destruction créatrice du capitalisme. Faute de quoi, le principe même de l’union douanière sera remis en cause. Les Allemands considèrent que le libre-échange est une règle immuable. Comme l’euro, il s’agit d’un acquis qui ne va pas de soi. Jacques Delors le savait puisqu’il avait imposé, lors de la création du marché unique puis de l’euro, la création d’aides régionales pour aider les pays de la périphérie européenne.

Les Allemands doivent réinvestir dans une Europe latine, qui est en train de se réformer. Faute de quoi, l’Allemagne affrontera la révolte de ses voisins et le marché européen n’y survivra pas.

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