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Tunisie : les femmes peuvent désormais se marier avec des non-musulmans

Le mariage sans condition entre une Tunisienne musulmane et un non-musulman est désormais possible. Le pays vient d’annuler les textes empêchant ces unions.
​Jamais un sujet n’aura suscité autant de passions et de déchirements dans l’opinion publique : la femme. Fin juillet 2017 déjà, l’Assemblée des représentants du peuple votait une loi historique contre les violences faites aux femmes. Depuis ce jeudi 14 septembre, on peut dire que la Tunisie retrouve de l’ambition pour redevenir un pays pionnier dans le monde arabe en matière de droits des femmes. La porte-parole de la présidence de la République, Saïda Garrach, a annoncé, dans une publication diffusée sur Facebook, que tous les textes relatifs à l’interdiction du mariage entre une femme tunisienne et un non-musulman ont été annulés.

«  Ont été annulés tous les textes interdisant le mariage d’une Tunisienne à un non-musulman, à savoir la circulaire de 1973 ; et tous les textes qui y ressemblent. Félicitations aux femmes de Tunisie pour l’enracinement du droit de choisir librement son conjoint  », explique le porte-parole.

Un pas de plus vers l’égalité homme-femme
Il faut dire que le président de la République Béji Caid Essebsi avait donné le ton le 13 août dernier, lors de la Fête de la femme, en faisant deux annonces d’une portée historique. La première concerne la question de l’égalité successorale entre les sexes. En effet, dans ce pays musulman, les femmes continuent d’hériter généralement de la moitié de ce qui revient aux hommes, comme le prévoit le Coran. Là-dessus, le président n’a que peu convaincu tant il touche à un tabou. Les oulémas tunisiens ont d’ailleurs rejeté au mois d’août dernier sa proposition, la jugeant contraire aux préceptes de l’islam et «  dangereuse  » pour la société tunisienne. La question de l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage reste une question très sensible dans le pays.
Sa seconde proposition portait donc sur l’abolition des circulaires ministérielles interdisant le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un non-musulman. La Tunisie a adopté en 1956 un Code du statut personnel (CSP) sous Habib Bourguiba, président de l’époque, mais aussi fervent défenseur de la cause des femmes qui a pris une décision sans équivalent dans le monde arabe. Un 13 août, Bourguiba déclara : «  C’est une réforme radicale, voire une révolution de certains usages régnant dans le pays et contraires à l’esprit de justice et d’équité caractéristique de l’humain. Le mariage était une affaire entre un homme et une femme avec le témoignage de deux témoins. Désormais, c’est une affaire de l’État, un acte qui doit être supervisé par le droit public et la société dans son ensemble.  »

Essebsi sur les traces de Bourguiba
Soixante ans plus tard, pour le chef de l’État actuel, ces deux objectifs se situent en continuité avec l’esprit de la Constitution de janvier 2014. Elle accompagne aussi l’évolution de la condition féminine qui a connu une évolution majeure ces dernières années, comme en témoigne la présence des femmes députées (75 sur un total de 217) dans l’Assemblée des représentants du peuple. 60 % des cadres médicaux, 41 % des magistrats, 43 % des avocats et 60 % des diplômées de l’université sont, par ailleurs, des femmes.
Des organisations de la société civile, dont une soixantaine d’associations, ont signé l’appel à retirer la circulaire du ministre de la Justice datant de 1973, qui empêche la célébration du mariage des Tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans. Et une plainte a été déposée auprès du tribunal administratif.

Un certificat de conversion du futur époux est actuellement exigé pour le mariage de toute Tunisienne considérée comme musulmane et désireuse d’épouser un non-musulman généralement étranger. Et si une Tunisienne se marie à l’étranger avec un non-musulman sans ce papier, son mariage ne peut être enregistré en Tunisie. Les hommes tunisiens peuvent, eux, se marier avec une non-musulmane. Il n’existe pas de statistiques fiables et précises sur le sujet.

Idriss Elram/Lepoint.fr

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