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Une déforestation massive menace de transformer la Somalie en désert

11 novembre 2012

Une déforestation massive menace de transformer la Somalie en désert

Hassan Hussein et Abdi Musa coupent un arbre pour en faire du charbon de bois, à Jalelo, au nord de la Somalie, le 31 octobre 2012 ©AFP

JALELO (Somalie) (AFP) – (AFP)

Hassan
Hussein coupe quarante arbres par mois pour les transformer
en charbon, parfaitement conscient des dommages qu’il cause
à son environnement ; mais c’est la dernière
ressource qui reste à cet éleveur privé de bétail.

En Somalie, des centaines de milliers de nomades, la
majorité de la population, font de même chaque
jour, au risque de transformer bientôt en désert
des pans entiers de ce pays déjà aride et pauvre
de la Corne de l’Afrique.

« J’étais un éleveur, j’ai perdu mon troupeau
à cause des sécheresses et des maladies, et je
suis l’aîné de la famille », avec dix bouches
à nourrir, ses deux enfants, ses sept frères et
soeurs et sa mère, explique le jeune homme de 27 ans.

Il y a quatre ans, Hassan Hussein avait 25 chameaux et 300
chèvres ; il lui en reste respectivement 3 et 15.

Alors, une
hache artisanale à l’épaule, il part chaque matin
couper du bois, le brûler pendant deux jours, le faire
sécher pendant deux autres jours, avant de le revendre
pour l’équivalent de six dollars le sac de vingt kilos.

Son village de Jalelo, au nord de la Somalie, était
autrefois au coeur de la savane.

L’explorateur britannique H.G.C.Swayne raconte dans ses
mémoires, fin XIXème siècle, comment il y a
traqué et chassé « un grand troupeau
d’éléphants ». »La forêt à Jalelo
est essentiellement composée de l’arbre Guud (acacia
NDLR), au bord de la rivière Hembeweina »,
rapportait alors le chasseur.

Mais le dernier éléphant a été tué
au nord de la Somalie en 1958, et Swayne pourrait
aujourd’hui repérer de très loin le moindre gibier
de taille, dans ce paysage rocailleux parsemé
d’arbustes bas et de restes d’arbres calcinés.

« 20% des
forêts ont disparu en dix ans.Ce pays se transforme de
toute évidence en désert », constate Ahmed
Derie Elmi, directeur des forêts au ministère de
l’Environnement du Somaliland, l’entité du nord de la
Somalie qui a proclamé son indépendance depuis
1991 et compte 3,8 millions d’habitants.

« Si la déforestation continue à ce rythme, ce
pays sera un désert dans vingt ou trente ans »,
renchérit Ahmed Ibrahim Awale, directeur de
l’organisation non gouvernementale Candlelight, qui fait
autorité au Somaliland en matière d’environnement
et de santé.

La faute aux maladies animales, qui ont poussé les pays
du Golfe à interdire pendant neuf ans, jusqu’en 2009,
tout bétail venant de Somalie, contraignant les
éleveurs à trouver d’autres sources de revenus.

La faute
plus généralement à la surexploitation des
terres, à l’urbanisation et à l’explosion
démographique : Hargeisa, la capitale du Somaliland,
abrite environ 850.000 personnes, six fois plus que dans les
années 70, et consomme quotidiennement 250 tonnes de
charbon de bois selon M. Elmi.Le charbon de bois est la
seule façon de faire la cuisine,
l’électricité étant rare et hors de prix.

Les autorités impuissantes

Le désastre est le même d’un bout à l’autre de
la Somalie.Dans le sud du pays, les islamistes
insurgés shebab avaient fait de l’exportation du
charbon de bois leur principale source de revenus (25
millions de dollars l’an dernier selon l’ONU) avant de
perdre en septembre dernier Kismayo, leur principal port d’exportation.

Une des premières mesures du président nouvellement
élu de Somalie, Hassan Cheikh Mohamoud, a été
de confirmer l’interdiction de toute exportation de charbon
de bois, décrétée par l’ONU en février
dernier.Mais des témoins ont rapporté à
l’AFP que des bateaux chargés de charbon continuaient
de quitter Kismayo et les environs.

Pour arrêter la déforestation, il faudrait
s’attaquer « à ses causes profondes : la
pauvreté et le déclin dans la taille des
élevages », relève M. Awale.

Il faudrait offrir à
la population des sources alternatives d’énergie,
engager un effort massif de reforestation, reconvertir une
partie des nomades à l’agriculture.Mais
l’environnement a été loin, à ce jour,
d’être une priorité pour les autorités
somaliennes.Au Somaliland, « le ministère de
l’Environnement a le plus petit budget du gouvernement, qui
couvre tout juste les salaires » de ses 187
employés, relève M. Elmi.

Dans les campagnes, « tous les arbres âgés ont
disparu », ceux qui donnaient le plus de bois,
déplore M. Awale. »Autrefois on pouvait obtenir six
ou sept sacs de charbon de 25 kgs à partir d’un arbre.Aujourd’hui, peut-être un ou deux ».

En conséquence, le prix du charbon de bois a doublé
en quatre ans au Somaliland pour atteindre 60.000 shillings
(10 dollars) le sac.

Couper du bois « me laisse un goût de cendre »,
lâche Hassan Hussein. »L’avenir est très
sombre, car bientôt tous les arbres auront disparu ».



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