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Citoyenneté économique : 971.000.000 de dollars de manque à gagner

971.000.000 de dollars de manque à gagner. La somme est astronomique. Au-delà des aspects sécuritaires, le programme de citoyenneté économique est un véritable désastre financier. En dix ans, le pays n’a jamais autant gagné d’argent et en dix ans le pays ne s’est jamais autant enfoncé dans les abimes. Ce programme a laissé s’installer un réseau mafieux qui a profité aux castes des pouvoirs politiques et diplomatiques. Les deux anciens présidents, se sont rendus coupables de détournements de fonds pour avoir permis l’installation des réseaux parallèles de ventes et pour s’être soumis aux règles des agences de services privés. La section des comptes de la Cour suprême doit maintenant prendre le relais de la commission parlementaire, pour apporter des réponses précises et chiffrées sur le nombre de passeports écoulés, les prix effectifs pratiqués, la partition des sommes et l’ampleur des détournements effectués.

Le programme de citoyenneté économique est un scandale financier hors normes. Il a offert la possibilité à des hauts responsables de l’Etat comorien, depuis l’instauration du programme, de s’enrichir en laissant la population dans la misère la plus criante. La commission d’enquête conclut dans son rapport (non officiel) que sur la base du nombre de passeports émis par Semlex Moroni, le programme aurait généré la somme de 1.134.000.000 de dollars.

Les Comores n’ont encaissé en tout et pour tout que 163.000.000 millions, le manque à gagner pour le pays serait de l’ordre de 971.000.000 de dollars, une somme largement suffisante pour financer les programmes établis de tous les secteurs pour les dix prochaines années.
Apres cette enquête réalisée par le parlement, sous la direction de Dhoihir Dhoulkamal, trois questions restent sans réponses exhaustives. Combien de passeports ont-ils été réellement écoulés, quels ont été les prix effectifs pratiqués et comment ces sommes étaient réparties ? En parcourant le rapport, on comprend pourquoi les réponses ne peuvent se trouver que sur la base des données du serveur central de Semlex à Bruxelles.

Les partenaires Emiratis du programme avaient alerté, en 2013, les autorités comoriennes sur l’existence de réseaux parallèles de vente des passeports. Ils citent déjà le nombre de 720 passeports mis en vente à travers des réseaux occultes. L’ancien directeur de la sureté, Abou Achirafi, et l’ancien ambassadeur Zoubert Ahmed Soufiane ont été les premiers indexés (jamais condamnés) par la justice comme étant les auteurs de cette forfaiture.

Zoubert aurait soutenu qu’une liste de 1747 personnes a été soumise pour naturalisation. Malgré le refus d’Ikililou Dhoinine de leur octroyer la citoyenneté, ces passeports ont été imprimés par l’entremise de l’ancien ministre de l’intérieur Hamada Abdallah et furent interceptés par les autorités Emiraties, démontrant ainsi que des réseaux maffieux se sont constitués, pour vendre comme une marchandise, le passeport comorien.

1500 citoyennetés vendues à 10.000 dollars l’unité

Le gouvernement comorien n’a pas arrangé les choses dans ce domaine. Sous Ikililou, le gouvernement retient les services de Lica International, société basée à Dubaï, aux fins du même programme pour 1500 citoyennetés vendues à 10.000 dollars l’unité.
Lica devient le responsable exécutif pour instruire et analyser les demandes de citoyenneté économique des candidats résidant dans tous les pays. La société est élevée au rang de conseiller juridique du gouvernement en marketing et en promotion de l’Union sur le plan international, mais elle est aussi désignée ou promue dans cette convention, responsable pour la perception des fonds.

D’autres agences ou sociétés mènent les mêmes services. Il existe aussi Baya Lagalservices, qui propose, sur son site, des prix qui varient entre 45.000 dollars et 20.000 dollars et Mulitravel consultants INC., créé le 18 novembre 2014 et qui met en vente les passeports sur la base du même programme.
On apprendra plus tard, que sur le programme conclu avec le Koweït, seuls 560 passeports sont concédés aux Bidouins du Koweït, le Général Maze, al-Jarrah, sous-secrétaire d’Etat à l’intérieur et à la naturalisation déclare que le Koweït souhaite que le dossier des 110.000 Bidouins soit réglé définitivement et totalement en échange d’investissements koweitiens.

De ce programme, outre le fait que son adoption soit contestée, la loi adoptée a été dépechée par les plus hautes autorités, les deux anciens présidents de l’Union en premier. Des droits seront reconnus aux conjoints et enfants, l’Assemblée ne sera jamais consultée pour ratifier un quelconque investissement, les accords et conventions sont signées avec des entités privées. Ces manquements graves montrent que les deux anciens présidents ont sciemment violé la loi, rendant l’ensemble de leurs actes juridiquement nuls car ne reposant sur aucune base légale.

Aucune personne candidate à la citoyenneté n’a adressé une demande à la commission nationale indépendante comme le veut la loi, les dossiers étaient traités uniquement par une équipe mise en place par la partie Emiratie à Abu Dhabi.
Plus grave encore, les décrets de naturalisation n’étaient pas pris en conseil comme exigé par l’article 4 de la loi et ils n’étaient pas non plus présentés au ministre de la Justice comme le veut la loi, la référence dans les décrets n’était que “pure affabulation”, dénonce la commission d’enquête.

La commission note le mépris des deux présidents envers les dispositions de la loi de référence, leur dédain des règles élémentaires de fonctionnement d’un Etat de droit, mais aussi le fait qu’ils étaient à la merci de la volonté des partenaires Emiratis. Le gouvernement s’est également plié aux règles fixées par le partenaire technique Semlex, qui s’est mué en décideur.

Ecart de près de 13 milliards

La commission regrette de n’avoir pas pu effectuer un travail approfondi d’approche des montants, compte-tenu des contraintes, laissant à la section des comptes de la Cour suprême le soin de se pencher sur le volet financier, le dossier figure d’ailleurs déjà sur son agenda depuis 2017.
La section des comptes de la Cour suprême aura du pain sur la planche. Les sources de la Bcc démontrent que le montant cumulé des fonds effectivement enregistrés dans le compte de la citoyenneté économique, deux mois avant l’investiture du président Ikililou, s’arrête à 7,6 milliards de francs, soit 3,676 milliards de francs en 2009, 1,287 en 2010 et 2,656 en 2011.

La commission a tenté un rapprochement des montants qui devraient parvenir à la Bcc en rapport avec le nombre de passeports émis sous Sambi. Avec 17.718 passeports (18.10 selon Semlex), les montants versés sont de l’ordre de 7.600.000.000 de francs alors que le produit des ventes est de 31.739.904.000 francs, démontrant un écart de 24.139.904.000 francs.
Le total des passeports émis est de 41.604 passeports correspondant à 85 milliards or Semlex annonce près de 47.553 passeports émis, soit 98 milliards démontrant un écart de près de 13 milliards.

L’ex ambassadeur des Comores aux EAU de 2008 à 2013, Zoubeir Ahmed Soufiane, a été accusé par les autorités Emiraties d’avoir vendu frauduleusement des passeports qui auraient rapporté 12 milliards, somme qui a transité dans le compte N°630 2201258 ouvert à la Union national Bank d’Abu Dhabi. Cette seule révélation de la commission démontre l’ampleur du désastre financier.

Dans la convention signée entre Dossar et Bashar Kiwan, ce dernier a reconnu un reliquat de 16 millions de dollars non encore rendu, son acolyte Ahmed Jaroudi court toujours avec 4 millions de dollars. Les représentations diplomatiques en Chine et à Bruxelles ont travaillé avec ces réseaux pour vendre des passeports ordinaires et diplomatiques. Le prix de la vente varie, entre 325.000 dollars, 100.000 et 200.000 dollars, selon les vendeurs et la nature des acheteurs.

La commission d’enquête rapporte que le fait que le président Sambi ait accepté une enveloppe d’un montant équivalent à la moitié de la valeur du contrat (105 millions de dollars) relève de la haute trahison, et le fait d’avoir en plus consenti à l’ouverture de compte dans un paradis fiscal pour le dépôt des fonds de la citoyenneté économique parait suspect de détournement de deniers publics.

Idem pour le président Ikililou qui a ordonné de ne plus verser les fonds à la Banque centrale depuis janvier 2015. Il se rend également suspect de détournement du fait qu’il n’arrive pas à expliquer l’utilisation de ces fonds.
La commission dénonce certains ministres des Affaires étrangères de s’être rendus suspects d’atteinte à la sureté de l’Etat pour avoir vendu des passeports diplomatiques pour leur compte à des personnages dangereuses ou peu recommandables.

Abdallah Mzembaba / Alwatwan

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